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Quels sont les messages permis ou interdits qu’un concessionnaire peut faire graver sur un monument funéraire ? Qu’en est-il de ce qui est permis ou interdit sur un site Internet dont un lien, sur un monument funéraire, permet la lecture ? Une réponse existe, mais elle ne se présente pas sous la forme d’un oui ou d’un non. Le raisonnement par déduction à partir des textes réglementaires qui encadrent les pouvoirs de police du maire va nous éclairer.


De quoi s’agit-il ?

Ces dispositifs présentant des informations sur les défunts sont anciens. Les Mésopotamiens ont gravé des tablettes d’argile. Les Égyptiens en ont fait autant sur leurs monuments. Désormais, notre époque propose un outil semblable par l’accès à Internet. Avec ces dispositifs, nous assurons la même mission que les Mésopotamiens ou les Égyptiens, c’est-à-dire parler du défunt.

Dans les cimetières français, on retrouve 3 dispositifs : la photo du défunt, des gravures et désormais des dispositifs qui permettent de se connecter à un site Internet. Sur ces sites, les informations sont librement mises en ligne par les responsables du site et destinées à un éventuel lecteur.

Si parler du défunt est une pratique ancienne, les moyens électroniques empruntés aujourd’hui inquiètent. Certains affirment que l’accès à un site Internet serait un manque de respect du défunt. D’autres s’inquiètent qu’un jour les modes d’accès aux sites Internet ne soient plus possibles et que le lien devienne obsolète.

Les impressions personnelles et les frayeurs ne sont pas bonnes conseillères pour évaluer si un dispositif est réglementaire ou non. Une analyse sérieuse s’appuie sur ce que la réglementation affirme, confirme ou annonce. Les notions de respect correspondent au respect des dernières volontés du défunt quand il les a énoncées de son vivant et aussi de la réglementation.

Si la réglementation ne stipule rien, où commence et se termine l’irrespect ? Ensuite, que se passe-t-il si un site Internet n’est plus accessible, est-ce grave ? Rappelons-nous que ce type de medium est en ligne par la volonté du défunt ou des personnes de son entourage. Nous savons tous qu'un site peut très bien être en ligne un jour et disparaître le lendemain.

Ces jugements et frayeurs correspondent davantage à des impressions personnelles ou des inquiétudes dont on peut douter de la rationalité. Toute cette frilosité oublie une facette de l’équation : la liberté que le législateur accorde au citoyen et la latitude dont il dispose pour gérer certains aspects de sa vie.

Les pierres tombales, le maire, Internet et les messages

Désormais, si certains concessionnaires acceptent que l’on affiche un moyen pour accéder à un site Internet qui contient de l’information sur le défunt, que se passe-t-il si ledit site contient du contenu interdit par la réglementation ?

Rappelons-nous que le maire doit approuver toute inscription gravée sur un monument funéraire, qu’en est-il des sites Internet reliés à un monument ? Comment le maire peut-il contrôler les informations présentes sur un site Internet alors que le contenu peut changer 37 fois par jour ?

Contrôler l’information présente sur un site Internet : est-ce possible ?

Le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer a précisé dans le JO Sénat le 26/01/2023 - page 580 les informations suivantes :
1. La circulaire n° 2000/022 du ministère de la Culture du 31 mai 2000 relative à la protection des tombes et cimetières indique que les monuments funéraires placés sur une concession sont qualifiés "d’immeubles" par destination et appartiennent en propre au concessionnaire.
2. Le concessionnaire ou ses ayants droit commandent toute gravure d’un monument funéraire placé sur la surface de la concession, et l’art. R. 2223-8 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) stipule qu'"aucune inscription ne peut être placée sur les pierres tumulaires ou monuments funéraires sans avoir été préalablement soumise à l’approbation du maire". L. 2213-7 à L. 2213-15 du CGCT et à lire (Conseil d’État, 4 février 1949, Dame Moulis c/ le maire de Sète).

Je souligne à votre attention que l’on parle bien : "inscription placée sur les pierres tumulaires". Un éventuel site Internet n’est pas mentionné. Poursuivons…

3. Dans la pratique, on relève également que l’approbation du maire pour l’inscription sur les monuments funéraires n’est pas systématiquement formalisée.
4. Le maire ne peut réglementer ni la forme (esthétique) ni la teneur des inscriptions apposées sur les monuments funéraires.
5. Et, en l’absence de toute volonté exprimée par le défunt tenant à l’inscription à réaliser sur sa sépulture et en cas de désaccord de ses héritiers sur ce point, le maire n’est pas compétent pour les départager. Il appartient en effet au tribunal judiciaire de connaître le litige sur le fondement de l’art.R. 211-3-3 du Code de l’organisation judiciaire qui dispose que "le tribunal judiciaire connaît des contestations sur les conditions des funérailles".

Ces considérations sont connues. Qu’en est-il d’Internet ?

Dans les pages de Résonance en 2004, Me Jean-Pierre Tricon rappelait que : "Le maire a bien une obligation de moyens, mais point de résultat". […] : "Il lui appartient de prévenir les actes délictuels en mettant en œuvre des mesures protectrices. Cependant, il ne peut être tenu pour responsable de la turpitude humaine. Le génie des voleurs ou autres malfaiteurs est développé pour franchir les écueils d’une surveillance générale".

Le sénateur Jean Pierre Sueur, au sujet de l’arrivée des nouvelles technologies, a posé une question (10/04/2014) sur ce qu’il advenait du contrôle du maire pour les informations posées sur un site Internet relié à un monument funéraire.

Le ministère de l’Intérieur a répondu (JO Sénat du 12/03/2015 - page 555) que : "compte tenu des difficultés d’application que soulève ce régime juridique, notamment au regard des moyens de contrôle dont peut disposer le maire, le Gouvernement souhaite engager une concertation avec les associations d’élus concernées et soumettre la question au Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF).

Ceci signifie que si la publication d’un contenu est réprouvée par la réglementation, il est possible de déposer plainte contre l’auteur de cette publication, de la page Web, du blog, d’une vidéo ou d’une photographie. S’il est impossible d’identifier l’auteur, c’est en se tournant vers l’hébergeur que nous pourrons avoir une réponse puisqu’il doit conserver les données permettant d’identifier l’auteur des faits. S’il reste impossible d’identifier l’auteur du contenu, il est toujours possible de porter plainte contre X.

En conclusion

Le maire a donc une responsabilité sur ce qui est écrit sur les monuments funéraires, mais les hébergeurs, les personnes physiques ou les dirigeants d’une personne morale qui stockent des écrits, des sons, des images ou des vidéos réalisés par des tiers (hébergeurs d’un réseau social, d’un forum, d’un jeu en ligne, d’un blog) doivent aussi mettre en place des mécanismes de signalement permettant de les alerter en cas de publication d’un contenu illégal sur un site Internet ou une plateforme en ligne.
 
Yves Messier
Formateur et consultant auprès des communes

Résonance n° 213 - Mars 2025

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations