Les règles de la domanialité publique peuvent trouver à s’appliquer à des restes humains présents dans les collections publiques ; leur restitution peut alors s’en trouver extraordinairement compliquée (pour un exemple topique : L. n° 2010-501, 18 mai 2010, art. 1er : Journal officiel 19 mai 2010 ; S. Duroy, Peut-on perdre la tête… maorie, dans le respect du droit ? : AJDA 2011, p. 1225).
C’est dans ce cadre que désormais le Code du patrimoine prévoit que :
Art. L. 115-5 du Code du patrimoine
Par dérogation au principe d’inaliénabilité des biens des personnes publiques relevant du domaine public inscrit à l’art. L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, peut être prononcée la sortie du domaine public de restes humains, qu’il s’agisse d’un corps complet ou d’un élément de corps humain, relevant de l’art. L. 2112-1 du même Code, dans les conditions prévues aux articles L. 115-6 à L. 115-8 du présent Code.
La sortie du domaine public est réalisée exclusivement pour permettre la restitution de restes humains à un État à des fins funéraires.
Par dérogation à l’art. L. 451-7, le présent article est également applicable aux restes humains intégrés aux collections des musées de France par dons et legs.
Art. L. 115-6 du Code du patrimoine
Pour l’application de l’art. L. 115-5, la sortie du domaine public de restes humains identifiés et provenant du territoire d’un État étranger ne peut être prononcée que si les conditions suivantes sont remplies :
1° La demande de restitution a été formulée par un État, agissant le cas échéant au nom d’un groupe humain demeurant présent sur son territoire et dont la culture et les traditions restent actives ;
2° Les restes humains concernés sont ceux de personnes mortes après l’an 1500 ;
3° Les conditions de leur collecte portent atteinte au principe de la dignité de la personne humaine ou, du point de vue du groupe humain dont ils sont originaires, leur conservation dans les collections contrevient au respect de la culture et des traditions de ce groupe.
Voici donc un décret s’inscrivant dans ce dispositif et autorisant une restitution à la République de Madagascar.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille
Décret n° 2025-309 du 2 avril 2025 portant restitution de restes humains à la République de Madagascar NOR : MICB2502781D ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2025/4/2/MICB2502781D/jo/texte Alias : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2025/4/2/2025-309/jo/texte JORF n°0080 du 3 avril 2025 Texte n° 32 Annexe Publics concernés : République de Madagascar, Muséum national d’histoire naturelle. Objet : le texte permet de procéder à la restitution par transfert de propriété de 3 crânes d’individus sakalava à la République de Madagascar. Il apparaît, à la suite des travaux menés par le comité scientifique franco-malgache, que la demande remplit les critères posés par l’art. L. 115-6 du Code du patrimoine permettant aux pouvoirs publics de prononcer leur sortie des collections publiques nationales. Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. Application : le texte est un décret autonome. Le Premier ministre, Sur le rapport de la ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de la ministre de la Culture et de la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, Vu le Code du patrimoine ; Vu la demande formulée par la République de Madagascar en date du 27 mai 2022 ; Vu le rapport en date du 15 janvier 2025 établi par le comité scientifique conjoint chargé de l’identification et de la vérification de l’origine de restes humains présumés être ceux du roi Toera et de 2 chefs de guerre sakalava conservés dans les collections nationales affectées au Muséum national d’histoire naturelle ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Le Conseil d’État (section de l’intérieur) entendu, Décrète : Art. 1 Les restes humains conservés dans les collections publiques nationales placées sous la garde du Muséum national d’histoire naturelle et dont les numéros d’inventaire figurent en annexe sont remis à la République de Madagascar, dans un délai d’un an au plus à compter de la publication du présent décret. Art. 2 Les restes humains mentionnés à l’art. 1er cessent de faire partie des collections publiques nationales à compter de leur remise matérielle à la République de Madagascar. Art. 3 La ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la ministre de la Culture, la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche et le ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française et notifié à la République de Madagascar. Annexe Annexe À L’art. 1er 1. Numéro d’inventaire du Muséum national d’histoire naturelle : MNHN-HA-17246 - crâne d’un individu sakalava ; 2. Numéro d’inventaire du Muséum national d’histoire naturelle : MNHN-HA-17247 - crâne d’un individu sakalava ; 3. Numéro d’inventaire du Muséum national d’histoire naturelle : MNHN-HA-18610 - crâne d’un individu sakalava. Fait le 2 avril 2025. Par le Premier ministre : François Bayrou La ministre de la Culture, Rachida Dati La ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Élisabeth Borne La ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, Agnès Pannier-Runacher Le ministre auprès de la ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste |
Résonance n° 214 - Avril 2025
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