La chambre funéraire, ou funérarium, est un maillon essentiel du dispositif funéraire local. La hausse de la mortalité attendue ces prochaines années risque de contraindre les collectivités à s’enquérir de la présence de ces équipements en nombre suffisant sur leur territoire.
Les opérateurs funéraires privés se désintéressent en effet de certains territoires, et des transports de défunts à plusieurs dizaines de kilomètres de leurs lieux de décès sont parfois nécessaires. Dans d’autres secteurs, des situations monopolistiques ont pour conséquences la fixation de tarifs prohibitifs pour les familles.
Différents montages juridiques s'offrent aux collectivités afin d’accueillir des chambres funéraires sur leur territoire.
1. Une activité à double visage : mission de service public et activité commerciale
La chambre funéraire constitue une composante divisible du service extérieur des pompes funèbres, tel que défini à l’art. L. 2223-19 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
Ce service public communal, de nature facultative, recouvre l’ensemble des prestations suivantes :
- le transport des corps avant et après mise en bière,
- l’organisation des obsèques,
- les soins de thanatopraxie,
- la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs et des urnes cinéraires,
- la gestion et l’utilisation des chambres funéraires,
- la fourniture des corbillards et des voitures de deuil,
- la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations.
L’alinéa final de ce même article prévoit que, lorsque la commune choisit d’ériger tout ou partie de ces missions en service public local, leur gestion peut être assurée soit en régie, soit par voie de délégation. Il précise également que ces missions peuvent être prises en charge en dehors de tout cadre contractuel public par un opérateur habilité par les services préfectoraux(1).
La chambre funéraire présente ainsi un statut hybride : elle peut constituer concurremment une mission de service public communale et une activité purement commerciale(2) lorsqu’elle est gérée par un opérateur funéraire habilité sur le domaine communal.
2. Les modalités de gestion de la chambre funéraire en tant qu’activité commerciale
Bien que la chambre funéraire soit juridiquement qualifiée de composante du service extérieur des pompes funèbres au sens de l’art. L. 2223-19 du CGCT, la circonstance que le service exploité ne soit pas celui érigé par la commune devrait en principe permettre de conserver la liberté attachée à la gestion du domaine privé communal(3).
Il en résulte que l’exploitation de la chambre funéraire par un opérateur privé habilité, sur une parcelle relevant du domaine privé de la collectivité, peut s’opérer en dehors du champ d’application du droit de la commande publique.
Lorsqu’elle n’est pas intégrée au service public communal, la chambre funéraire peut être gérée via :
- Un bail commercial classique(4) : il s’agit d’un contrat de location d’un local – servant à l’exploitation d’un fonds de commerce – dans lequel est exercée une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Ce type de montage suppose une location du local nu, charge au preneur de l’aménager en chambre funéraire à ses frais.
- Des contrats de louage de longue durée, tels que le bail emphytéotique(5), ou le bail à construction(6), afin que les opérateurs assurent la construction en sus de l’exploitation la chambre funéraire.
Ces montages permettent à la collectivité de valoriser son foncier sans porter la maîtrise d’ouvrage et l’organisation de l’activité.
3. Les modalités de gestion de la chambre funéraire en tant qu’activité d’intérêt général
Lorsqu’une collectivité reconnaît l’utilité publique de la chambre funéraire sans vouloir assumer le service public, elle peut recourir au bail emphytéotique administratif(7).
Il était traditionnellement admis que les personnes publiques pouvaient conclure sur leur domaine privé un bail emphytéotique de droit commun, uniquement régi par les dispositions du Code rural. Néanmoins, cette liberté contractuelle apparait remise en cause par la Cour de cassation, qui a considéré que, dans le cas d’une activité entrant dans le domaine du BEA, à savoir une activité d’intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale, cette dernière ne peut conclure sur son domaine privé qu’un BEA(8).
Ce type de bail permet :
• d’imposer le maintien de l’affectation de la parcelle au service de chambre funéraire.
• de prohiber toute cession du contrat.
En revanche, il présente en pratique une limite : l’ingérence excessive du bailleur dans la gestion de l’activité (modalités d’accueil du public, encadrement des horaires, fixation des tarifs) peut entraîner une requalification en Délégation de Service Public (DSP).
En outre, indépendamment de l’utilisation du foncier communal, il convient de relever qu’un soutien financier peut être mobilisé, dans certaines hypothèses, au bénéfice du porteur de projet au regard de l’intérêt public local attaché à la chambre funéraire. En effet, des aides à la création ou au maintien de services en milieu rural(5) ou, plus exceptionnellement, via des dispositifs d’aides à l’immobilier d’entreprises(6), peuvent être mobilisées.
4. Les modalités de gestion de la chambre funéraire en tant que service public communal
La commune peut aussi décider d’ériger la chambre funéraire en service public. Cette décision présente un intérêt particulier dans les territoires caractérisés par l’absence ou l’insuffisance manifeste d’initiative privée. Une telle démarche permet à la collectivité d’assurer une offre de service accessible à des conditions tarifaires maîtrisées, dans une logique d’égal accès des usagers.
Elle permet également de corriger certains déséquilibres concurrentiels fréquemment observés, tels que l’appropriation de fait de l’équipement existant par un opérateur unique, les restrictions d’accès opposées aux opérateurs tiers, ou encore des pratiques tarifaires discriminatoires contraires aux principes de neutralité et de libre concurrence entre entreprises habilitées.
Dans ce cadre, la commune peut prendre en charge l’équipement directement ou par voie de gestion déléguée :
• Gestion directe par la création d’une régie disposant de la personnalité morale :
- Création d’un établissement public à caractère industriel et commercial ;
- Recrutement de personnel par l’établissement pour assurer le service public auprès d’usagers.
• Gestion par un opérateur privé via une délégation de service public :
- Contrat conclu selon les règles du CGCT et du Code de la commande publique.
- Deux modèles possibles, en fonction des enjeux politiques et financiers :
a) Concession : le délégataire finance, construit et exploite, sous sa propre maîtrise d’ouvrage ;
b) Affermage : la commune conserve la construction et ne confie au délégataire que la gestion du service public.
• Gestion hybride via une société publique locale ou une société d’économie mixte :
- La collectivité conserve un droit de regard partiel ou total sur le service public via la présence de représentants au sein du conseil d’administration de la société.
- Elle pourra être exonérée d’une mise en concurrence si elle souhaite confier l’exploitation de la chambre funéraire à la Société Publique Locale (SPL) dont elle est actionnaire.
Ce type de montage est généralement préconisé lorsque d’autres activités sont portées par la société : autres missions du service extérieur et/ou crématorium.
Pour conclure, le choix du mode de gestion dépend du niveau de contrôle souhaité par la collectivité sur l’activité de chambre funéraire, et des moyens dont elle dispose. Chaque montage présente des avantages et des risques juridiques à bien évaluer en amont.
Me Antoine Carle
Avocat Associé - Novlaw Avocats
Nota :
(1) Art. L. 2223-23 du CGCT.
(2) Conservant néanmoins la qualification de service public.
(3) L. 2111-1 du CG3P : le domaine public d’une personne publique est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public.
(4) Articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce.
(5) Art. L. 451-1 du Code rural.
(6) Articles L. 251-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.
(7) Art. L. 1311-2 du CGCT. Le bail peut être conclu sur le domaine public ou privé communal : CE, sect., 25 févr. 1994, n° 144641, SA SOFAP Marignan Immobilier.
(8) G. Eckert, L’étrange destin du bail emphytéotique administratif, Contrats et Marchés publics n° 3, Mars 2024. Cass. 3e civ., 15 juin 2023, n° 21-22.816 ; voir également : CA Chambéry, 7 décembre 2023, n° 21/01380. Pas confirmé à ce jour la jurisprudence administrative.
Résonance n° 216 - Juin 2025
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