Ce jugement traite d’un contentieux assez peu commun, celui des obligations de la commune en matière de tenue de l’ossuaire, et tout particulièrement de son Registre à l’occasion de l’inhumation de restes à la suite d’une reprise de concession arrivée à terme.
Tribunal administratif, Nancy, 13 mai 2025 – n° 2202243
En effet, une concession funéraire a été accordée le 2 janvier 1997 pour 15 ans à M. B par la commune d’Épinal pour accueillir la sépulture de la jeune A, née le 28 décembre 1996 et décédée le 31 décembre 1996. À l’expiration de cette concession, et en l’absence de volonté exprimée par le concessionnaire pour en obtenir le renouvellement dans les 2 ans prévus par l’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), la commune a repris la concession et l’a réattribuée le 25 janvier 2016.
La requérante soutient alors que le nom de sa fille n’a pas été consigné dans le Registre tenu à la disposition du public et qu’aucune plaque nominative en sa mémoire ne fut apposée sur cet ossuaire. Le juge ne lui accordera qu’une satisfaction partielle.
L’ossuaire : un équipement obligatoire
L’art. L. 2223-4 du CGCT énonce : "Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt. Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l’ossuaire."
On sait que cet article perdurera jusqu’au 31 décembre 2025, délai que le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2024-1110 QPC du 31 octobre 2024, a donné au Gouvernement pour corriger le membre de phrase jugé contraire à la Constitution : "en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt".
Cet ossuaire est désormais un équipement obligatoire du cimetière. En effet, après une reprise, le maire peut soit faire procéder à la crémation des restes, soit les réinhumer dans l’ossuaire ; néanmoins, la crémation n’est possible que s’il n’existe aucune opposition connue ou attestée.
Ainsi, pour se prémunir de telles oppositions, l’ossuaire est exigé. Le CGCT permet néanmoins à la commune de ne pas disposer d’autant d’ossuaires que de cimetières, puisque l’art. R. 2223-6 dispose : "Lorsque le cimetière n’offre pas d’emplacement suffisant pour la construction de l’ossuaire visé au premier alinéa de l’art. L. 2223-4, les restes peuvent être transférés par décision du maire dans l’ossuaire d’un autre cimetière appartenant à la commune." On soulignera d’ailleurs que, dans cette hypothèse, des transports de corps après mise en bière seront alors obligatoires, ce qui plaide fortement pour qu’il y ait un ossuaire dans chaque cimetière afin d’éviter de recourir à un transporteur habilité.
Enfin, les mêmes dispositions rendent possible le recours à l’intercommunalité : "Lorsque la commune est membre d’un syndicat de communes, d’un district ou d’une communauté urbaine, le transfert peut avoir lieu dans les mêmes conditions sur le territoire d’une autre commune appartenant au même groupement de communes."
Le Registre de l’ossuaire : une mention obligatoire
Si l’ossuaire constitue une obligation, son Registre est également obligatoire. En effet, l’art. R. 2223-6 du CGCT précise bien : "Les noms des personnes, même si aucun reste n’a été retrouvé, sont consignés dans un Registre tenu à la disposition du public et peuvent être gravés sur un dispositif établi en matériaux durables dans le lieu spécialement affecté à cet effet ou au-dessus de l’ossuaire." On pourrait même relever que l’inscription de l’identité des défunts des sépultures est également obligatoire, et ce, même si rien n’est retrouvé comme reste.
C’est cet oubli d’inscription que vient reprocher le juge à la commune : "6. Mme E fait valoir que le nom de sa fille n’a pas été consigné dans un Registre tenu à la disposition du public en méconnaissance des dispositions précitées. La commune d’Épinal, qui n’a pas défendu sur ce point, n’apporte aucun élément susceptible de remettre en cause les allégations de la requérante. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant manqué à une telle obligation." Les communes doivent donc se montrer vigilantes sur ce point, et ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’elles sont sanctionnées sur ce point précis (CAA de Nancy 23 novembre 2021, n° 19NC02091).
En revanche, le même article n’érige qu’en faculté la possibilité de faire procéder à la gravure des noms des personnes sur un dispositif établi en matériaux durables au-dessus de l’ossuaire. La requérante ne pouvait donc considérer que la commune avait commis une faute en ne le faisant pas : "7. En revanche, aucune disposition du CGCT n’impose à la commune, en cas de dépôt d’une sépulture dans l’ossuaire communal, d’y apposer une plaque inamovible nominative. La requérante n’est, par suite, pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune pour ces faits."
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille
Résonance n° 216 - Juin 2025
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