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C’est à cette question inusuelle que devait répondre le juge administratif de Poitiers, saisi par un requérant. Il importe donc tout d’abord de replacer cette affaire dans le contexte des obligations de la commune vis-à-vis des titulaires de concessions funéraires.


Tribunal administratif de Poitiers, 8 juillet 2025, n° 2301923

Le contentieux de la responsabilité contractuelle de la commune

Initialement, les concessions funéraires étaient des actes de droit privé, la jurisprudence décidant qu’ils ne pouvaient être que des contrats, puisque seule la technique contractuelle permettait de reconnaître à un particulier le droit d’occupation du terrain communal (CE 18 janvier 1929, Sieur Barbé, Rec. CE p. 66 ; Cour de cassation 18 janvier 1911,

D. 1911.1.34), puis le décret-loi de 1938 décida que les contrats portant occupation du domaine public étaient des contrats administratifs (solution parvenue jusqu’à nous et reprise dans le Code général de la propriété des personnes publiques).

Le cimetière étant reconnu comme élément du domaine public communal par le célèbre arrêt Marécar de 1935, il en découle que les concessions funéraires sont des contrats administratifs (CE 21 octobre 1955, damoiselle Meline, rec. CE, p. 491).

On a alors déjà pu expliquer que l’acte de concession fait naître une relation contractuelle entre la commune et le concessionnaire, et que la commune engage sa responsabilité contractuelle chaque fois que n’est pas assurée la destination normale de la concession funéraire. Par exemple : lorsque le terrain concédé ne permet pas de fonder une sépulture, la parcelle n’étant pas aux normes prévues au contrat ou le terrain n’étant pas libre d’occupation (TA Pau, 14 déc. 1960, Loste, Rec. CE p. 838 : hypothèse où un corps est présent dans la parcelle concédée).

La responsabilité contractuelle est également engagée lorsque, la parcelle étant aux normes, c’est l’inhumation qui est rendue impossible par une inondation du caveau (a contrario : CE, 1er décembre 1976, Sieur Berezowski, req. n° 98946 ; TA Montpellier, 21 déc. 1994, Iengo c/ commune de Sète, req. n° 932180). Il appartient au concessionnaire, dans tous ces cas, de saisir le tribunal administratif, juge de ce contrat, aux fins d’indemnisation des préjudices subis.

Le goudronnage de l’allée

Mme C. B. s’est vu accorder une concession funéraire perpétuelle au cimetière de la Croix Rompue, situé sur la commune de Ruelle-sur-Touvre, le 23 avril 1963, afin d’y édifier un caveau familial. À la suite de la réalisation de travaux de goudronnage de l’allée centrale du cimetière, la commune de Ruelle-sur-Touvre a informé Mme D., mère de M. D., que l’inhumation dans ce caveau impliquerait la réalisation de travaux à la charge des concessionnaires.

Mme D. a été inhumée en 2022 dans ce caveau, et son fils, M. D., a demandé à la commune de Ruelle-sur-Touvre l’indemnisation des frais qu’il a engagés en raison de ces travaux par un courrier réceptionné le 14 avril 2023. Il demande au tribunal de condamner la commune de Ruelle-sur-Touvre à lui verser la somme de 1 311 € en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en raison de la réalisation de ces travaux.

À la lecture du jugement, on comprend que l’inhumation dans cette sépulture nécessite de pratiquer une ouverture sur le devant du caveau, et que celui-ci est donc à ouverture frontale et non de "plein ciel". Naturellement, cette ouverture va nécessiter la destruction d’une portion de revêtement de l’allée du cimetière et sa réfection après l’inhumation, ce qui engendrera des frais supplémentaires.

Le juge prend alors soin de relever que, dans toutes les hypothèses, ce type de caveau aurait nécessité ce creusement. Il en déduit que : "En tout état de cause, les travaux de goudronnage de l’allée centrale du cimetière, s’ils ont pu rendre plus onéreuse cette opération, ne peuvent être regardés comme étant de nature à rendre la concession funéraire litigieuse impropre à sa destination" […]. Il n’établit (donc) pas que la concession funéraire dont il bénéficie aurait été rendue impropre à sa destination, faute de nature à engager la responsabilité contractuelle de la commune de Ruelle-sur-Touvre.

C’est alors, fort logiquement, à l’aune de nos précédents propos, qu’il en conclut à l’absence de responsabilité de la commune. On remarquera enfin, toujours à l’unisson de nos remarques sur la nature contractuelle de la concession funéraire, qu’il prend soin de préciser : "Par ailleurs, et en raison de son lien contractuel avec la commune de Ruelle-sur-Touvre, M. D. ne peut exercer à l’encontre de cette dernière d’autre action que celle procédant de ce contrat, et il n’est ainsi pas fondé à rechercher la responsabilité extracontractuelle de celle-ci. Par suite, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu’être rejetées."
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 219 - Septembre 2025

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