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Réponse apportée à une commune concernant le projet de désaffectation et de translation d’un carré situé dans son cimetière.

Question

Dans le cadre d’une réflexion municipale relative à l’aménagement d’un giratoire, j’aurais besoin d’une aide juridique afin de mener à bien le traitement d’une cinquantaine de sépultures (perpétuelles) à déplacer ?

Réponse

Ci-après, quelques éléments de droit afférents à la procédure de désaffectation d’un cimetière, suivie d’une translation des tombes. À l’aune des dispositions légales et réglementaires, ainsi que de la jurisprudence constante en cette matière, exposées infra, je suis au regret de vous informer, qu’à mon sens, votre projet n’a aucune chance de prospérer, et ce, pour les motifs suivants :

1) Le cas où la désaffectation s’avère obligatoire 
 
Le préfet est compétent pour l’ordonner, le juge n’exerçant qu’un contrôle restreint sur sa décision. Selon Mme Marie-Thérèse Viel, dans son ouvrage "Droit Funéraire et Gestion des Cimetières", Berger Levraut, 2e édition, il s’agirait d’un pouvoir discrétionnaire accordé à l’autorité préfectorale.

Toutefois, les positions du Conseil d’État ont sensiblement varié dans le temps, car, si, en 1916 (CE. 21 juillet 1916, Charles, Recueil Lebon, p. 309), il estimait que le requérant n’était pas recevable à discuter l’opportunité d’une telle décision par la voie contentieuse, car le préfet n’avait fait qu’user de ses droits en refusant de désaffecter un cimetière censé présenter des dangers pour la santé, en 1953, la Haute Assemblée a contrôlé l’exactitude des motifs de fait, en estimant que la décision du préfet d’ordonner la translation n’était pas fondée sur un fait matériellement inexact : CE, 29 juillet 1953, Laffon et Chanel, Recueil Lebon, p. 409.

Enfin, le 9 juillet 1980, dans l’affaire

M. Rougier et Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, Req. n° 13.699, le Conseil d’État a justifié une décision de rejet par le tribunal administratif de P… des demandes d’annulation d’un arrêté prescrivant la translation d’un cimetière situé sur la commune d’E…, aux motifs que la nécessité de transférer le cimetière n’était pas entachée d’une erreur manifeste, d’autant plus que le conseil municipal avait été régulièrement consulté.
Cet arrêt se réfère, néanmoins, à l’art. R. 361-2 du Code des communes, désormais abrogé, ainsi qu’à l’art. L. 2223-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), confirmant, ainsi, l’existence d’un pouvoir globalement discrétionnaire. Cependant, des réserves doivent être émises sur la survivance d’une telle jurisprudence depuis l’intervention de la loi du 25 juillet 1985, bien que l’ordonnance n° 2005-855 du 28 juillet 2005 ait confirmé la compétence préfectorale.

2) Le cas où la désaffectation s’avère facultative 
 
Le CGCT ne traite pas spécifiquement d’une telle hypothèse. Néanmoins, le conseil municipal peut, en fonction des circonstances locales, adopter une délibération préconisant la translation d’un cimetière, pour des motifs tenant, essentiellement, à des préoccupations de protection de l’hygiène et de la salubrité publiques.

Très important 

Mais la procédure de désaffectation et de translation des tombes concerne la totalité d’un cimetière, et point l’une de ses parties. Il pourrait se faire, en effet, que des travaux d’aménagements intérieurs dans un cimetière existant, pourraient être facilités par des déplacements de tombes. Les maires pourraient être tentés de les faire réaliser par voie d’autorité. Quels sont leurs pouvoirs en ce domaine ? Une circulaire en date du 17 février 1977 du ministre d’État, ministre de l’Intérieur, adressée aux préfets, apporte une réponse claire :

"Sans le consentement du concessionnaire ou de ses ayants droit, une municipalité ne peut déplacer les monuments funéraires élevés sur des terrains concédés pour la rectification d’un chemin d’accès."

En outre, le Conseil d’État, dans un arrêt en date du 27 mai 1892, a jugé qu’une fois une concession accordée, le déplacement ne peut être imposé à l’intérieur du cimetière, l’art. 5 de l’ordonnance du 6 décembre 1843 n’ayant visé que le cas de la translation de la totalité du cimetière. Cette jurisprudence paraît toujours en vigueur, aucun arrêt ne l’ayant infirmée.

Au surplus, les exhumations des restes mortels ne pouvant, dans ce type de situation, qu’être effectuées sur la demande du plus proche parent du défunt et en présence d’un membre de la famille ou d’un représentant, le transfert imposé par le maire constituerait un délit, celui de violation de sépulture, réprimé par l’art. 225-17 du Code pénal, tout comme celui d’atteinte à l’intégrité du cadavre.

En revanche, lorsque c’est l’intégralité du cimetière qui est concernée par la procédure de translation, conformément à la décision de la Cour de cassation du 25 octobre 1910, qui fait jurisprudence, passé le délai de cinq ans octroyé aux concessionnaires pour solliciter le transfert de leurs tombes, le transfert d’office pourra être effectué par la commune, comme le précise la circulaire n° 75-419 du 25 août 1975 du ministre de l’Intérieur relative aux droits des titulaires de concession funéraire en cas de transfert de cimetière.

Dès lors, s’agissant de la désaffectation partielle d’une partie du cimetière de la commune, cette procédure de désaffectation, suivie par la translation des tombes, ne peut être mise en œuvre, puisque la loi l’interdit expressément. Au surplus, même si le droit avait prévu cette faculté, la désaffectation devrait être prononcée par le conseil municipal, autorité communale compétente en cette matière, tout autant qu’elle serait justifiée par des motifs d’intérêt général, telles l’hygiène et la salubrité publiques, ou la nécessité de réaliser un ouvrage d’intérêt collectif qui primerait sur la fonction de cimetière, dont nous rappellerons qu’elle est obligatoire depuis que le décret loi du 23 prairial an XII a été publié (12 juin 1804).

Or, à mon sens, la réalisation d’un rond-point ou giratoire n’aurait nullement primé sur les principes légaux afférents à la protection du corps humain, à qui l’on doit respect, décence et dignité (art. 16-1-1 du Code civil). Désolé de ne pouvoir être plus positif et rassurant, mais les règles applicables à l’existence des cimetières en France sont globalement rigides. Espérant, néanmoins, avoir répondu à vos attentes par un éclairage objectif à l’égard du projet communal envisagé,
 
Jean-Pierre Tricon
Chevalier dans l’Ordre national du Mérite
Maître en droit
DESS en gestion des collectivités locales
Co-auteur du "Traité de Législation
et Réglementation Funéraire"
Consultant en droit public et droit funéraire
Formateur

Résonance n° 167 - Février 2021

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