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L’injection cervicale restreinte est une technique bien connue des thanatopracteurs qui consiste à isoler la tête lors de l’injection artérielle.


La carotide commune droite est généralement utilisée pour l’injection proximale (vers le cœur) et la carotide commune gauche est clampée. Il est indispensable d’intuber les carotides communes distalement (vers la tête) afin de laisser le fluide d’embaumement s’en écouler (Schéma 01 & photo 2). En parallèle, un drainage par la veine jugulaire droite (ou une ponction cardiaque) est effectuée. L’injection de la tête est ensuite effectuée par les deux carotides communes alternativement ou simultanément.

Cette technique a de nombreux avantages pour l’embaumeur, la plus évidente est de garder un contrôle absolu sur la tête et la région cervicale lors de l’injection pour éviter les gonflements, (c’est une technique idéale pour les débutants). Cela permet aussi d’utiliser un fluide différent pour la tête et le reste du corps, par exemple pour des cas de restauration faciale où il est nécessaire d’injecter un fluide de plus forte concentration pour la tête. Également pour les cas de jaunisse où l’on injectera un fluide spécifique uniquement pour la tête. Les cas d’œdèmes généralisés où l’on injectera une solution déshydratante plus importante pour le corps que pour la tête si elle ne le nécessite pas.

Fig.1
fig.2
Ou bien encore, en cas d’énucléation des yeux afin de traiter spécifiquement les orbites et d'en limiter les écoulements de fluide. Cette technique permet également d’utiliser une pression différente pour le corps et la tête, on peut donc comme cela augmenter la pression dans le corps en minimisant les effets indésirables pour la tête. La liste des avantages et utilisations est loin d’être complète, tant cette technique solutionne de nombreuses situations. C’est une technique idéale comme base d’embaumement pour tous les cas.

Cette technique a été utilisée pour préparer les corps donnés à la science dans un laboratoire d’anatomie. Cela a permis d’observer de près cette technique et d'en débattre. En pratique, lors de l’injection proximale par la carotide commune droite, après quelques litres injectés il y a souvent un retour de fluide par les tubes placés dans les carotides communes distalement, cela sous-entend donc que la tête n’est pas complètement isolée avec cette technique. Ce qui est logique, car par une rapide réflexion : la tête n’est pas seulement vascularisée au départ des carotides communes, mais aussi par les artères vertébrales qui via l’artère basilaire s’anastomosent avec les carotides internes pour former le polygone de Willis. Donc la question à poser est : dans quelle mesure la tête est-elle isolée avec la technique de l’injection cervicale restreinte ?

L’idée a été d’ajouter une quantité importante de colorant funéraire (rouge) dans le fluide d’injection. Les premiers résultats ont été assez surprenants car il semblait que la face ne recevait pas de fluide tandis que l’arrière de la tête, les oreilles et le cou étaient colorés. Cela donnait l’impression d’une cagoule enfilée sur la tête où seul le visage était non coloré. Malheureusement, ce résultat n’était pas assez probant car le rouge est une couleur naturelle du corps humain et l’amalgame entre le colorant et la couleur du corps peut être fait. Il fallait donc trouver quelque chose de plus contrasté. La solution a été d’utiliser de la fluorescéine dans le fluide. La fluorescéine est une poudre rouge qui, mélangée au fluide, lui donne une couleur verte. Ce fluide a la particularité de réagir avec une lampe à rayons ultraviolets dans l’obscurité et de donner un excellent contraste.

Les constatations faites avec le colorant rouge ont été confirmées de façon constante sur une trentaine de corps, l’arrière de la tête et les oreilles se colorent à chaque injection (photo 3), le cou montre une ligne de démarcation bien franche (photo 4) et l’on peut également voir le fluide dans la région orbitale. De même les tubes insérés dans les carotides communes sont dirigés vers un réceptacle spécifique, et l’on peut y voir uniquement du fluide d’embaumement (photo 5).

Fig.3Fig.4Fig.5

Alors comment expliquer cela ?

Les réponses se trouvent dans l’anatomie de la tête et du cou et la progression du fluide. Lors de l’introduction de la canule d’injection dans la carotide commune droite le fluide se dirige vers l’aorte via le tronc artériel brachio-céphalique, au passage le fluide progresse vers l’artère subclavière droite qui alimente tout le membre supérieur droit. Le fluide présent dans l’aorte est distribué dans le membre supérieur gauche via l’artère subclavière gauche et dans tout le reste du corps via les autres branches de l’aorte. L’artère carotide commune gauche étant clampée, le fluide ne peut se diriger vers la tête.

C’est aux branches des artères subclavières qu’il faut porter attention. En effet, latéralement aux carotides communes, se trouvent de chaque coté de l’axe médian l’artère vertébrale et le tronc thyro-cervical. Le fluide progresse dans les artères vertébrales et via le polygone de Willis qui distribue le fluide dans le cerveau et retourne dans les carotides internes pour y sortir par les carotides communes volontairement laissées ouvertes. Ne pas laisser les carotides communes ouvertes serait une erreur car le fluide s’y accumulerait et ferait irrémédiablement gonfler les tissus de la région cervicale et de la face.

La démarcation nette du cou s’explique par la première branche de l’artère carotide externe, l’artère thyroïdienne supérieure et ses branches qui ne reçoivent pas de fluide, tandis que le tronc thyro-cervical reçoit du fluide qui alimente toutes ses branches dont les artères cervicales ascendante, profonde et l’artère thyroïdienne inférieure. Le fluide constaté dans les orbites, paupières et la racine du nez s’explique par le retour du fluide dans l’artère carotide interne via le polygone de Willis. En effet, le fluide pénètre dans l’orbite par l’artère ophtalmique, cette artère donne énormément de branches qui irriguent toute la région orbitale et notamment l’artère nasale dorsale qui irrigue la racine du nez.

L’arrière de la tête et les oreilles sont toujours bien marquées par le fluide. L’artère occipitale est l’artère principale qui irrigue l’arrière de la tête et l’artère auriculaire postérieure irrigue l’oreille. Ce sont toutes deux des branches de l’artère carotide externe. On y trouve du fluide, du fait que l’artère occipitale possède des anastomoses avec les artères vertébrales et que l’artère occipitale s’anastomose généreusement avec l’artère auriculaire postérieure et temporale superficielle.

On peut désormais affirmer que par la technique de l’injection cervicale restreinte, la tête n’est pas complètement isolée. Tout les faits incriminent les artères vertébrales, on peut vérifier cela en clampant celles-ci. En effet, elles sont dissécables par l’incision carotidienne, avec beaucoup de patience et un bon éclairage limitant les ombres dans l’incision. Les artères vertébrales se trouvent au côté dorsal des artères carotides communes et peuvent facilement être senties avec le doigt. Elles peuvent être clampées voire intubées entre son origine, l’artère subclavière, et son entrée dans le foramen transverse de la sixième vertèbre cervicale. Lorsque l’on injecte le fluide avec les artères vertébrales clampées, on ne constate plus aucun de ces faits, l’orbite, l’oreille et l’arrière de la tête ne se colorent plus (photo 6).

Fig.6

En conclusion, le simple fait de ligaturer l’artère carotide commune gauche ne suffit pas pour complètement isoler la tête lors de l’injection. Les artères vertébrales jouent un rôle important dans la distribution du fluide dans la tête. Vouloir clamper les artères vertébrales systématiquement a peu d’intérêt et compliquerait grandement cette technique. Cette étude met en évidence le fait qu’il faut absolument laisser les carotides communes ouvertes lors de l’injection pour éviter tout gonflement des tissus de la tête et du cou.
 
Alain Koninckx 
Thanatopracteur
Spécialiste de la préparation de défunts

Résonance n° 188 - Février 2023

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