"Harmoniser l’exigence et l’humanité : vers un management durable dans le secteur funéraire"
À l’heure où le consumérisme digital façonne nos comportements, le secteur funéraire, longtemps exemplaire par son empathie, son professionnalisme, l’écoute bienveillante et l’accompagnement réservés aux familles en deuil, est confronté à un bouleversement sans précédent. Avec un taux de satisfaction avoisinant les 94 %, les professionnels du funéraire savaient franchir cette ligne ténue entre rigueur et compassion. Mais l’ère post‑Covid, marquée par l’individualisme exacerbé et l’irruption des générations Z et bientôt Alpha, replonge le monde du travail dans une tension inédite.
Dans ce "nouveau monde", où chaque individu exige le contrôle total de son parcours, privé comme professionnel, l’erreur la plus anodine peut devenir virale via les réseaux sociaux. Les entreprises en général, et les pompes funèbres en particulier, se retrouvent à devoir produire un service irréprochable tout en assurant la sérénité mentale de leur personnel. Ainsi, le stress devient une donnée structurelle, et les risques de burn-out, une menace grandissante.
Face à cette double exigence – excellence du service pour les familles et bien‑être au travail pour les salariés… –, plusieurs leviers existent. La CSNAF (Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire, devenue SAF) a présenté lors de son assemblée générale du 23 mai dernier les résultats de ses études CREDOC… des travaux qui offrent aux professionnels une grille de lecture pertinente des attentes des familles et des comportements émergents.
Parallèlement, la CRAMIF vient de publier un Guide de bonnes pratiques pour prévenir la sinistralité et protéger les salariés du secteur funéraire. Ce manuel met en avant l’importance d’une culture d’entreprise attentive à la santé mentale, à travers l’adoption de postures managériales empathiques, la régulation des horaires et la prévention active du stress.
Par ailleurs, les organisations professionnelles – la FNF, la FFPF, l’UPFP – ainsi que les grandes enseignes, réseaux et coopératives, ont fait de la RSE et du bien-être au travail des priorités stratégiques. Elles introduisent des formations managériales axées sur la psychologie du travail, instaurent des groupes de parole et des dispositifs de soutien psychologique. Ces dernières initiatives montrent l’engagement des acteurs funéraires dans la quête d’un équilibre durable.
Cet effort collectif peut trouver un écho dans la pensée d’Hannah Arendt, pour qui l’espace public, ou professionnel, repose sur la parole, l’écoute et la responsabilité commune. Le manager funéraire se doit donc de jouer ce rôle de médiateur émotionnel. Tel un funambule, il doit conjuguer rigueur opérationnelle et action de soutien, notamment en instaurant des rituels internes et des formations pour reconnaître les signes d’épuisement.
Il apparaît clairement que la quête de cet équilibre n’est pas vaine. Les dispositifs existent : études du SAF pour mieux saisir les attentes des familles, Guide CRAMIF pour prévenir les risques, engagement des syndicats et des chefs d’entreprise pour la formation et la sensibilisation des cadres. Reste à les déployer de manière cohérente et proactive, à créer une culture d’entreprise où l’écoute, le respect mutuel et la reconnaissance sont les piliers. Car c’est cette culture qui permettra non seulement de préserver la santé mentale des équipes, mais aussi de garantir un accompagnement digne, humain et professionnel des familles endeuillées.
En définitive, le management dans le secteur funéraire ne doit pas céder à l’ubuesque : il doit se réinventer, sans rien céder à ses valeurs humaines fondamentales. Maintenir cette harmonie délicate est sans doute le plus beau défi du secteur aujourd’hui.
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Résonance n° 216 - Juin 2025
Résonance n° 216 - Juin 2025
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