La crémation, phénomène de société ? C’était le thème d’un colloque du Comité National d’Éthique du Funéraire (CNEF) en 2009, compte tenu de la progression spectaculaire et continue de ce mode d’obsèques dans notre pays. Oui, on peut dire qu’aujourd’hui la crémation est entrée dans les mœurs en France (35 % des obsèques - prévision de 50 % d’ici 15 ans).

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Jo Le Lamer, président
de la Fédération Française
de Crémation (FFC).

Les motivations du choix de la crémation sont à la fois liées

- Au mode de vie :
Familles dispersées géographiquement ou recomposées, volonté de décider de son mode d’obsèques et de ses funérailles.
- À des motivations environnementales :
Polluer le moins possible, prendre le moins de place possible dans les cimetières...
- À des considérations philosophiques :
"Laisser la terre aux vivants", être séduit par le symbole du feu purificateur ou par l’anéantissement complet, la fusion avec la nature.
- À des critères économiques :
1 000 € de moins en moyenne que pour une inhumation, même si cet écart tend à se réduire, en raison de l’augmentation de la redevance de crémation suite à la mise aux normes des crématoriums par l’installation d’équipements de filtration des fumées.
- Ou tout simplement par rejet de l’inhumation :
Peur de la putréfaction, peur d’être "enterré", enfermé dans un cercueil, lui-même dans une tombe...
Toutes ces motivations sont aussi respectables que celles de l’inhumation traditionnelle...

Il faut rappeler que la décision du choix du mode d’obsèques et du mode de sépulture appartient à l’individu (pour autant qu’il l’ait exprimé ante mortem, bien sûr !) ou, à défaut, "à la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles", comme le dit la loi. Et cette liberté de choix, fondamentale, remontant en France à 1887, doit être absolument respectée (des sanctions pénales sont même prévues dans le Code pénal - art. 433-21-1 - en cas de non-respect). Pourtant, force est de constater que, trop souvent encore, ce n’est pas le cas. Soit parce que les proches l’ignorent ou ne veulent pas en tenir compte, soit pour des raisons religieuses ou personnelles d’opposition à la crémation.

Dans ce cas-là, à quelle éthique se réfère-t-on ?

Que signifie alors le respect dû au défunt, le sens et la décence compte tenu de sa liberté de choix, de sa liberté absolue de conscience, vis-à-vis de l’hommage post-mortem qui doit lui être rendu, de manière personnalisée, en tenant compte de ce qu’il a été dans sa vie, de son environnement familial, de son parcours professionnel, de ses engagements citoyens, de ses convictions philosophiques, de ses goûts artistiques..., quel que soit le mode d’obsèques choisi ?
Il est vrai que la relation mémorielle, qui doit exister, demeurer, traverser les générations, se fait sous d’autres formes avec la crémation qu’avec l’inhumation, tout au moins pour ceux qui ne veulent pas inhumer l’urne et font le choix de la dispersion des cendres, dans le jardin du souvenir du cimetière, en pleine nature ou en mer (cela est toujours possible aujourd’hui). Et cette relation se fait d’autant plus facilement si la personne qui a choisi la crémation, a échangé à ce sujet avec ses proches et ses amis, ce qui est à la fois une marque de responsabilité, de confiance et d’amour, ce qui porte la marque d’une véritable éthique des vivants, ce qui tend à rendre la mort moins "tabou" dans notre société.

Un nouveau mode de relation avec la mort, avec le défunt

Oui, la crémation instaure, incontestablement, un nouveau mode de relation avec la mort, avec le défunt. Est-il forcément besoin d’aller dans un cimetière, qui plus est au moment de la Toussaint, pour penser aux "chers disparus" ? Non, disent 85 % des personnes dont un proche a été crématisé. Mais cela n’est pas exclusif au choix de la crémation. Pour ceux qui choisissent l’inhumation, cela s’applique aussi. Un objet, une photo, un écrit, une odeur, une chanson suffisent.
"Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants !". Cette devise, attribuée à Tacite, est souvent citée par les crématistes... Mais, pour autant, elle ne leur appartient pas. Est-ce pour autant nier la sacralité reconnue au corps d’un mort, par le législateur français dans la loi du 19 décembre 2008, en instaurant un statut des cendres ? Non, cela concerne aussi bien la crémation que l’inhumation. Dans les deux cas, le corps est réduit en poussières. Plus ou moins rapidement, il est vrai. Mais respectons les deux choix.
Et la moindre pratique religieuse d’aujourd’hui n’exonère pas l’être humain d’une quête de spiritualité, fût-elle laïque. Ainsi, Mathieu Ricard, interprète du 14e Dalaï Lama, indique que celui-ci est très favorable à cette spiritualité laïque et précise que : "La religion est un choix personnel, la moitié de l’humanité n’en pratique d’ailleurs aucune. En revanche, les valeurs d’amour, de tolérance, de compassion, concernent tous les êtres humains. Cultiver ces valeurs n’a rien à voir avec la fait d’être croyant ou non !"

Alors ? Croire ? Ne pas croire ?

À chacun(e) sa conviction, sa vérité, dans la tolérance et le respect de la croyance ou de la non-croyance de l’autre. Le respect de la liberté absolue de conscience est fondamental... Il reste à mieux faire connaître la démarche du choix de la crémation, qui est non seulement philosophique mais aussi humaine, loin de tout dogmatisme, et prenant en compte à la fois la vie et la mort. Par sa simplicité, par sa sobriété, elle doit aussi permettre de garder l’essentiel : la trace morale et sociétale que chacun(e) d’entre nous doit pouvoir et vouloir laisser.
"Ce qui donne un sens à la vie, donne un sens à la mort"
(Saint-Exupéry, dans "Terre des Hommes").

Jo Le Lamer
Président de la FFC

Résonance hors-série #1 - Spécial Crémation - Août 2015

 

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