L’annonce est tombée fin janvier. "San Siro" American Funeral, l’entreprise de pompes funèbres la plus prestigieuse d’Italie, vient d’être achetée par un fonds d’investissement italien à hauteur de 80 %. Les 20 % restants sont détenus par Andrea et Massimo Cerato, les fils du fondateur, qui vont prendre en charge, le premier la direction générale, et le second la présidence.

 

Alcide Cerato"San Siro" est né à Milan, la capitale économique de la péninsule, il y a 54 ans. Son créateur est le "commandeur" Alcide Cerato, qui à 26 ans est obligé d’abandonner une carrière prometeuse de coureur cycliste professionnel suite à une grave chute lors d’un "Giro del Piemonte", une des courses classiques du pays.
Du jour au lendemain, il est obligé d’imaginer un futur professionnel différent de celui qu’il aurait souhaité. Dans son entourage familial, certains étaient actifs dans le funéraire. Et, au vu du manque d’innovation qui domine dans le secteur, il décide de s’y consacrer en investissant ses économies, pour donner vie à une entreprise susceptible d’amener des nouveautés dans ce milieu on ne peut plus conservateur et totalement réfractaire à tout changement d’un modèle désormais obsolète.
Pour cela, il décide de visiter les États-Unis, pays depuis toujours en avance sur le reste du monde. Il en revient la tête pleine d’idées, bien déterminé toutefois à ne pas "copier", vu l’importance des différences culturelles, ce qui se faisait outre-Atlantique, mais filtrant cette expérience à travers la culture et les traditions italiennes pour "créer" quelque chose de nouveau, "presque révolutionnaire", qui soit adapté aux besoins du client, lui offrant un "plus" en termes de qualité et de visibilité des produits et services proposés. À commencer par une flotte de corbillards, qui compte aujourd’hui plusieurs dizaines de véhicules, dont une douzaine de Maserati.
Voici l’explication de l’ "American Funeral" qui accompagne le "San Siro", quartier élégant de la capitale lombarde, qui donne aussi le nom à un des plus beaux terrains de foot au monde, où s’est construite la légende de clubs comme le Milan AC et l’Inter FC.

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La bonne approche…

En peu de temps, "San Siro" s’impose comme le leader d’un marché qui a accueilli ce nouvel acteur avec enthousiasme et confiance. Encore aujourd’hui, le "tout Milan" (vedettes de la politique, de la mode, de la culture, de la science, du sport, du spectacle, de la haute finance et de l’industrie etc.) se dirige en majorité vers "San Siro", quand malheureusement la nécessité se présente.
C’est la même démarche qui sous-tend la décision d’ouvrir en 2006 la première "Maison funéraire" à Baggio, à l’ouest de Milan. Une deuxième suivra en 2016 à l’est, pas loin de l’aéroport de Linate. Il s’agit de deux structures absolument remarquables par leur conception, réalisées avec les matériaux les plus nobles (marbre, etc.) et enrichies par la présence d’œuvres d’art (tableaux de maîtres, meubles d’époque, sculptures anciennes et statues en bronze contemporaines, tapis persans et tapisseries etc.), toutes provenant de la richissime collection personnelle du "Cuménda" (commandeur en patois milanais), surnom amical couramment utilisé en se référant à lui.
Là encore, avant de prendre une décision sur la mise en route du projet, M. Cerato a visité, toujours en pionnier, tout ce qu’il y avait de mieux aux "States". Ce long périple qui l’amena dans plusieurs États pour voir les plus importants fabricants de cercueils (à commencer par Batesville, dans la ville homonyme de l’Indiana), de corbillards, d’accessoires, ainsi que les cimetières les plus significatifs du pays, et, bien entendu, les Funeral Homes de référence. Bref, un tour à 360° du monde funéraire nord-américain.

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La dernière visite, avant son retour en Europe, fut Campbell à New York où il eut l’occasion d’admirer l’exemplaire d’un cercueil, un "casket" plus exactement, recouvert d’or et fabriqué en quelques unités par an, par une petite entreprise artisanale de l’Utah. Au prix de 130 000 US dollars. Il avait été utilisé quelques mois auparavant, au mois d’octobre 2003, pour les obsèques de Mme Soong Mayling, la veuve de l’ancien président de Taïwan (la Chine nationaliste), le général Chiang Kaï-Shek, le grand ennemi de Mao. Pour information, signalons que la dame en question avait quitté la vie sur terre à l’âge respectable de 105 ans.
Mais, dans cette circonstance, le but n’était pas celui de reproduire les modèles observés pendant le voyage. Il s’agissait plutôt de trouver des idées, des inspirations, pour les interpréter et les élaborer en fonction des particularités du marché italien.
C’est ainsi que les deux "Maison funéraire" en Italie ont vu le jour. Aujourd’hui, le concept est en train de s’affirmer, et de nombreuses chambres funéraires naissent dans la péninsule avec des caractéristiques différentes en fonction de la géographie, de l’histoire du territoire (tout le monde sait que l’Italie est "unie" – sur le papier... – depuis moins de 160 ans) et des paramètres socio-économiques.
Quoi qu’il en soit, une fois de plus, le "Cuménda" aura ouvert le chemin vers l’innovation pour décider, à quelques jours de son entrée dans ses 80 ans, que les temps étaient mûrs pour un dernier changement de poids dans la profession.
L’entrée de la finance dans le funéraire italien se fait donc par la grande porte. La nouvelle a été vite annoncée, avec l’invitation explicite aux entreprises de rejoindre "San Siro" pour former un groupe comme cela se fait depuis longtemps aux USA, en Grande-Bretagne, en France, en Espagne, etc. Il est probable que d’autres investisseurs suivent ce chemin, même si le fractionnement du marché italien représente un obstacle pas facile à franchir.
Toutefois, le futur est là, et on peut espérer que la réglementation de l’activité au niveau législatif puisse suivre et être mise rapidement à jour. Ce que "presque" tout le monde souhaite et attend depuis longtemps.
Dans les dernières décennies, de nombreux projets de loi ont été envisagés sans jamais aboutir, surtout à cause de l’instabilité politique italienne, mais aussi du fait des intêrets contradictoires des fabricants. Il est évident, par exemple, que les producteurs de zincs et de filtres ne sont pas favorables à l’introduction de la thanatopraxie, toujours interdite en Italie, qui rendrait leurs produits obsolètes. Alors qu’il y a un gisement de profits dans tous les produits, consommables ou non, qui gravitent autour de la conservation temporaire des corps et qu’une reconversion ne poserait pas de problèmes majeurs. Sans parler des soins proprement dits et de leur valeur intrinsèque.

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Il n’empêche que la nouvelle configuration de l’entreprise milanaise agite le microcosme funéraire italien. Tout laisse à penser que des mutations profondes interviendront dans le court terme, entraînant des modifications significatives dans le choix et l’utilisation des produits par les entreprises de pompes funèbres.
Dans ce contexte, il est évident que la présence à l’exposition phare de la profession, Tanexpo (Bologne, 26-28 mars 2020), offrira, au bon moment, des opportunités majeures pour la promotion de son entreprise et, partant, pour l’optimisation de ses marges.
Alcide Cerato aura désormais le temps de se consacrer aux nombreux centres d’intérêt qui sont les siens, y compris le cyclisme, sport auquel il a toujours réservé une place privilégiée dans son cœur. Il a été président de la Ligue professionnelle et sponsor de différentes équipes et de coureurs individuels. Des grands personnages de la petite reine comme Francesco Moser (champion du monde sur route 1977, 3 Paris-Roubaix, etc.), Moreno Argentin (champion du monde sur route 1986), Mario Cipollini, l’athète à l’endurance légendaire, Domenico De Lillo (étoile des 6 jours en demi-fond sur piste), etc., font partie de son cercle d’amis intimes. Son grand regret : le fait que le grand Marco Pantani ne l’ait pas appelé avant de mourir dans un hotel anonyme de Rimini. Il reste convaincu qu’il aurait pu le sauver.
Grand admirateur de la France et de ses champions (Jacques Anquetil, Darrigade et Raphaël Geminiani, entre autres), et grand ami de l’écrivain Antoine Blondin, toujours dans la tribune des personnalités sur les Champs-Élysées lors de l’arrivée du Tour (qu’il considère comme "la" course par étapes), il reconnaît que la pratique d’une discipline tellement dure et exigeante lui a fourni, mieux que tout MBA, les armes pour se battre avec ténacité dans sa vie professionnelle et atteindre des objectifs prestigieux, obtenus avec la volonté constante d’innover pour rendre ses lettres de noblesse à une activité pas facile, et éprouvante sur le plan physique et émotionnel.

Pietro Innocenti
En collaboration avec Oltre Magazine

Résonance n°148 - Mars 2019

Instances fédérales nationales et internationales :

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