À l’issue de son Assemblée Générale qui s’est déroulée le 2 juin dernier, l’Union des Gestionnaires de Crématoriums Français (UGCF) avait organisé un colloque sur les conséquences concrètes des nouvelles réglementations techniques de l’arrêté du 28 janvier 2010.

 

Ce colloque, ouvert à tous les gestionnaires de crématoriums français a rassemblé environ une soixantaine de participants qui ont suivi avec grand intérêt les interventions des 5 conférenciers invités :
- M. Simon Godefroy, SP 2000.
- M. Didier Thibault, GDF Suez Expert Gaz.
- M. Eric Boissier, Énergies Communes Conseil.
- M. Jan-Willem Gabriëls, Orthometals.
- M. Sandy Sullivan, Resomation Ltd.

Il s’est terminé par un débat avec la salle sur les diverses questions soulevées par les intervenants et notamment par un échange sur les pratiques de certains gestionnaires quant à la conservation des urnes.

L’arrêté du 28 janvier 2010 relatif à la hauteur des cheminées des crématoriums et aux quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés dans l’atmosphère a déjà fait couler beaucoup d’encre. Simon Godefroy, consultant de la société SP 2000, a abordé le texte sous l’angle de son impact contractuel et économique sur la création de crématoriums.

Un surcoût de 15% à 20% pour les nouveaux équipements

Si les crématoriums existants disposent de huit ans de délai pour se mettre en conformité, la mise aux normes est obligatoire pour ceux en cours de réalisation. Or, la mise en place d’une nouvelle installation de filtrage des fumées pour respecter les normes représente, selon Simon Godefroy, 35 à 90 € H.T. par crémation, soit 15 à 20% du prix. Ces contraintes instaurent une distorsion de concurrence au profit des équipements existants. Pour que les nouvelles installations soient compétitives, elles doivent maintenir des prix inférieurs au coût de revient, ce qui n’est pas admis par les textes régissant les services publics. Il existe toutefois des exceptions. L’autorité organisatrice a le droit d’apporter une subvention pour "contrainte de service public". Mais qui va payer ? Est-il légitime de demander une compensation d’intérêt général à la collectivité ? Et laquelle ? La solution proposée dans certains contrats est que cette contribution soit supportée par la collectivité d’accueil, alors que le service a une vocation territoriale plus large. D’où l’intérêt d’aborder le projet dans une logique d’intercommunalité ou départementale.

Hausse des charges sur les contrats en cours

Il va falloir revoir les contrats de délégation passés pour tenir compte de la filtration obligatoire. Peut-on procéder par avenant ? Théoriquement, celui-ci ne doit  pas bouleverser l’économie du contrat, c’est-à-dire : l’objet, la durée et les modalités de rémunération. Or, la mise aux normes aura un impact important (10 à 15%) sur les coûts.

Une exception est possible sur les avenants ayant pour origine un changement de réglementation. Si l’on raisonne par analogie avec l’incinération, la mise aux normes des fumées en 2005 s’est principalement effectuée dans le cadre de la passation d’avenants et a pu entraîner le doublement des charges.

Autre cas : lorsque les collectivités ont voulu étendre le contrat Vélib à la petite couronne, l’avenant a conduit à une hausse de 30% des charges. Mieux vaut anticiper, car la procédure est assez longue (un an avant travaux, prévoir 3 à 4 ans pour la mise aux normes). Si l’opérateur prend de l’avance, il pourra mettre en concurrence les fabricants d’unités de filtration et éviter de payer les pénalités pour retard de mise aux normes.

Encadrer la création des crématoriums

Les crématoriums sont une compétence exclusive des communes et intercommunalités depuis 1993. L’article L. 2223-40 du CGCT impose d’obtenir une autorisation du préfet après la réalisation d’une enquête publique conformément au Code de l’environnement. Il n’existe aucune autre forme de régulation, puisque l’enquête intervient une fois le gestionnaire choisi et le projet défini. On se trouve parfois devant une concurrence entre communes pour la création de "leur" équipement. Or, la rentabilité étant atteinte à environ 1 000 crémations par an, il existe une réelle incertitude sur l’équilibre financier d’un projet dès lors que la densité des équipements est importante. Les procédures de mise en concurrence se font en parallèle. Les opérateurs ont des difficultés à apprécier le niveau de risque pris. Doit-on aller vers une régulation  et si oui, à quel niveau ? Un transfert de compétence au niveau intercommunal ou départemental, sur l’exemple des syndicats d’énergie est envisageable. On peut aussi prendre l’exemple de la gestion des déchets où la compétence est restée communale mais la planification est une compétence départementale. Il faudra dans tous les cas gérer aussi la question des départements limitrophes qui chevauchent plusieurs bassins de vie.

Des économies d’énergie qui diminuent les coûts d’exploitation et le volume des fumées à filtrer

Eric Boissier, Énergies Communes Conseil (Gdf Suez) a évoqué les enjeux de la construction de nouveaux crématoriums. Un tel projet ne se prépare pas à la légère : l’équipement engage la collectivité sur le long terme et s’inscrit dans une mission de service public à forte dimension humaine et sociale. Il comporte des implications environnementales qui dépassent largement la maîtrise de l’énergie et les rejets directs. Il s’agit d’une problématique spécifique qui touche l’ensemble de la politique du territoire et nécessite un suivi et des restitutions dans la durée.

Une forte déperdition de chaleur par les fumées…

À titre d’exemple, Jean-Paul  Moyse, de la société Provalys Performance  Énergétique (GDF Suez Branche Énergie) a présenté le résultat d’études sur les quantités d’énergie consommées par un crématorium. Il en ressort que les pertes d’énergie s’effectuent par les ouvertures, en fonction du niveau d’étanchéité des ouvrants et de la durée des ouvertures. D’autres déperditions de chaleur passent par les parois et dépendent de la qualité réfractaire et de l’épaisseur de l’appareil de crémation. Mais c’est principalement par les fumées que la déperdition est la plus importante. La législation impose une teneur en oxygène  de  6% minimum et une température supérieure à 850°, ce qui équivaut à un rendement thermique de 52%. Mais en réalité, les contrôles effectués sur place par les équipes de Gdf Suez montrent que la teneur en oxygène des fumées est nettement plus élevée (15 à 17%), ce qui accroît la déperdition de chaleur.

… qu’il faut ensuite refroidir avant de les filtrer

Améliorer l’efficacité de l’appareil par une isolation accrue et en respectant le taux d’oxygène (6%) permet de diminuer le volume d’air à traiter. Didier Thibault, GDF Suez Pôle Expertgaz rappelle que l’arrêté instaurant une nouvelle obligation de traitement des fumées passe par leur refroidissement à 150°, ce qui rend d’autant plus nécessaire la maîtrise pérenne de la température de ces fumées.

Recycler les métaux pour protéger l’environnement

Jan Gabriëls, chirurgien orthopédiste, et son associé Ruud Verberne ont fondé en 1997 la société Orthometals afin de procéder au recyclage des résidus métalliques issus de la crémation. Cette société néerlandaise travaille dans plus de 15 pays et avec 300 crématoriums. Elle collecte, trie et recycle 120 000 tonnes de métal tous les ans (poignées de cercueils, implants orthopédiques, dentaires, etc.). Les métaux récupérés sont ensuite fondus pour être réemployés. En France, Orthométals travaille avec 21 crématoriums auprès desquels elle récolte 1 600 tonnes de métal. La société travaille ainsi pour la protection de l’environnement. Mettant ses valeurs en pratique, elle reverse aux crématoriums une partie des bénéfices récoltés afin qu’ils subventionnent des œuvres caritatives.

La bio-crémation

Sandy Sullivan, fondateur de la société Resomation Ltd, a exposé les avantages de la technique de résomation, aussi appelée bio-crémation, comme alternative à la crémation. Le procédé consiste à dégrader le corps du défunt préalablement placé dans un linceul en textile naturel (soie) par chauffage à 160°C dans une solution alcaline pendant environ 2 heures. Le corps est ainsi transformé en substances solubles dans l’eau (sucres, sels minéraux, acides aminés, petits peptides) et non polluantes. Cette technique consiste à reproduire la décomposition naturelle du corps dans la terre mais sur une durée plus courte. On obtient comme avec la crémation par combustion des fragments qui, après pulvérisation, sont remis dans une urne à la famille.

L’avantage : pas d’émissions de mercure par la combustion des amalgames dentaires, moins d’énergie dépensée qu’avec la crémation, moindre émission de CO2, retour de la solution alcaline dans la nature, des résidus métalliques propres et pas de combustion de cercueils. À ce propos, il convient de signaler qu’en France, ce procédé se heurte à la réglementation qui interdit de placer le corps d’un défunt ailleurs que dans un cercueil.


Au Royaume-Uni, la UK Cremation Society a modifié ses statuts, vieux de 134 ans pour y ajouter la résomation. Le sujet est en cours d’examen, sur le plan légal, en Écosse et en Angleterre. En Amérique du Nord, la "Crémation Association" a modifié son règlement en janvier 2010 pour ajouter cette pratique. Cinq états américains l’autorisent ainsi que l’Ontario, au Canada. De nouvelles législations sont à l’étude en en Suède, en Australie et en Chine.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations