Compte-rendu de l’atelier organisé le 22 novembre dernier, par le Salon des Maires et des Collectivités Locales sur le thème : "Comment monter le projet d’ouverture d’un crématorium, du financement à la réception du bâtiment". Intervention de Claude Bouriot (co-auteur du Code Pratique des Opérations Funéraires) :

Crématoriums : ouverture de l’enquête publique et protection de l’environnement

1 - Ouverture de l’enquête publique

L’ordonnance du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires a remplacé l’enquête "de commodo – incommodo" du Code Général des Collectivités Territoriales par l’enquête publique prévue aux articles L. 123-1 à L. 123-16 du Code de l’Environnement.

Il faut se souvenir que cette enquête publique du Code de l’Environnement, applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement, c’est-à-dire les grandes infrastructures (viaduc de Millau, TGV, etc. …) et les usines polluantes est l’aboutissement de l’enquête "de commodo – incommodo". En effet, Napoléon 1er avait créé cette enquête "de commodo – incommodo", par le décret de Prairial an XII pour les cimetières et les manufactures et ateliers insalubres, incommodes ou dangereux, suite à l’explosion de la poudrière de Grenelle.

De nombreux procès ont été engagés pour les usines polluantes, par exemple les établissements classés Seveso car ils présentent des risques graves en cas d’accident, similaires à l’usine chimique de Seveso en Italie qui a explosé et relâché de la dioxine. De ce fait, le code de l’Environnement a évolué de l’enquête "de commodo – incommodo" vers une enquête beaucoup plus précise appelée aussi enquête publique "Bouchardeau".

En résumé, l’enquête publique du code de l’environnement est une enquête "de commodo – incommodo" très détaillée. Par exemple, la durée de l’enquête "de commodo incommodo" est fixée par une circulaire du 18 mai 1884 comme suffisamment longue pour permettre la consultation de l’ensemble de la population. Par contre, l’enquête publique dure un mois minimum ; elle a lieu aux heures ouvrables des administrations et peut être étendue à des demi-journées des samedis, dimanches et jours fériés (article R. 123-16 du code de l’environnement). De plus, le commissaire enquêteur peut prolonger la durée de l’enquête de 15 jours maximum sous réserve d’en informer la population avant la fin de la première période d’enquête.

Actuellement, il manque des dispositions complétant la loi, notamment l’étendue du périmètre d’enquête autour d’un futur crématorium et la nature des polluants à prendre en compte dans l’étude d’impact de l’établissement sur la population voisine. Par conséquent, les préfectures appliquent en ce moment une enquête "de commodo – incommodo" complétée par les certitudes applicables tant en matière juridique que scientifique.

Ainsi, l’enquête publique a donc lieu sur la commune d’implantation, ou plusieurs communes si le crématorium est en limite de plusieurs communes. L’ouverture de l’enquête est autorisée par le préfet après qu’un dossier d’enquête ait été déposé, qui présente à la population les risques de l’installation en fonctionnement normal et en cas d’accident (étude d’impact).

Il est certain qu’un crématorium rejette du mercure, présent à 45 % dans les plombages dentaires des français, qui ont, en moyenne, 0,7 g de plombage pour une restauration dentaire et 6 plombages par bouche, selon le rapport du sénateur Gérard Miquel, en date du 5 avril 2001 (rapport du Sénat n° 261 Les effets des métaux lourds sur l’environnement et la santé). Les préfectures réclament donc du pétitionnaire une étude d’impact de l’exposition au mercure de la population avoisinante.

Ce dossier une fois constitué, la préfecture réclame au maître d’ouvrage le versement d’une provision sur le financement de l’enquête publique correspondant au montant estimé des fonds, conformément à l’article L. 123-14 du code de l’Environnement :

  • indemnisation du commissaire enquêteur qui sera nommé par le président du tribunal administratif sur une liste d’experts indépendants ;
  • frais de publication dans deux journaux locaux de l’ouverture de l’enquête publique ;
  • moyens matériels de réception du public (en mairie généralement, mais location de salle possible par exemple).

Le financement de l’enquête publique est assuré par le pétitionnaire, c’est-à-dire la collectivité locale maître d’œuvre du crématorium. Dans le cadre d’une délégation à une entreprise privée, le contrat de délégation peut prévoir que ces dépenses seront à la charge du délégataire, à condition qu’elles aient été prévues ainsi dès l’appel d’offres.

Quinze jours avant l’ouverture de l’enquête publique et dans les huit premiers jours de l’enquête, deux journaux locaux publient l’ouverture de l’enquête, avec :

  • son objet ;
  • les lieux,  dates et horaires de consultation du dossier par le public ;
  • les nom et qualités du commissaire enquêteur ;
  • les lieux, jours et horaires de réception du public par le commissaire ;
  • le lieu de consultation du rapport du commissaire et de ses conclusions.

Ce rapport du commissaire enquêteur relate les observations du public de la manière la plus objective possible avec une analyse des contre-propositions présentées, puis les conclusions du commissaire qui lui sont personnelles. Elles prennent donc en compte l’intérêt public de l’installation et ses conséquences sur le voisinage.

Si les conclusions du commissaire sont défavorables pour un équipement d’une collectivité, l’organe délibérant de cette collectivité doit se prononcer de nouveau avant l’installation de l’équipement.
Ce rapport du commissaire enquêteur est ensuite examiné par la Commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques, avant délivrance de l’autorisation d’exploitation par le préfet.

Enfin, tout équipement non engagé dans les 5 ans suivant une enquête publique nécessite une nouvelle enquête.

2 - Pollution des crématoriums

On a vu que les fumées de crémation contenaient du mercure dû aux amalgames dentaires, apparus en Chine au IV ième siècle avant J.C. Actuellement cet amalgame au mercure est le plus efficace pour les grosses caries et présente un effet bactéricide. Il n’est donc pas prêt d’être remplacé (cf. rapport du sénateur Gérard Miquel).

C’est pourquoi les déchets de filtration des fumées de crématorium sont classés dangereux (décret n° 2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets) et doivent être éliminés en décharge de classe 1 pour un coût d’environ 58 € par tonne.

Toutefois, l’Europe et la France ont signé la convention OSPAR de protection de l’Atlantique Nord, qui prévoit une réduction des pollutions de l’air et des rivières par les métaux lourds, dont le mercure. Après avoir restreint la pollution des usines de transformation des métaux, les Etats Membres de l’Europe devraient donc réglementer les rejets des crématoriums, comme l’ont déjà fait les pays nordiques.

Cette filtration des gaz par un filtre à manche aurait également son utilité pour les dioxines, composés chloro - benzoïques et substances cancérogènes qui sont certainement présentes dans les fumées. En effet, le bois du cercueil est le plus souvent résineux, c’est-à-dire qu’il contient des substances aromatiques, composés benzoïques. De plus, le corps humain contient du chlore, un des composants du sel présent dans la sueur, et les conditions de combustion sont strictement identiques à celles des usines d’incinération d’ordures ménagères qui produisent des dioxines,. Cette production de dioxines est un avis personnel. L’incertitude actuelle porte plus sur la quantité de dioxines présentes que sur l’éventualité de leur présence.

C’est pourquoi une étude du ministère de la santé a été lancée sur la douzaine de crématoriums les plus importants pour mesurer le respect de la réglementation (arrêté du 29 décembre 1994) car depuis cette date, les teneurs en poussières et en composés organiques volatils, qui étaient en 1994 inférieurs à 50 % de la valeur réglementaire, dépassent désormais cette valeur sans que l’on en connaisse la raison.

De plus, cette enquête mesure les rejets de dioxines et de mercure. Certains crématoriums, tels celui de Strasbourg, étant déjà équipés d’un filtre, cette enquête démontrera aussi l’efficacité de la filtration.

Cette étude précise les conditions de mesure et répertorie des sources éventuelles de pollution : nature du bois, présence de soins de conservation, cercueil hors gabarit habituel.

Les résultats de cette étude ne sont pas encore connus.

C’est à cause des dioxines que de nombreuses installations d’incinération d’ordures ménagères ont été fermées car ces dioxines font peur à la population. Il importe donc de les prendre en compte dans la réglementation des crématoriums avant que des phénomènes de rejet des crématoriums s’installent dans l’esprit de la population.

L’étude menée actuellement devrait déboucher sur un ciblage de pratiques à condamner (peut-être interdire les soins de conservation en cas de crémation, ou utiliser des produits spécifiques, ou interdire le résineux pour le bois des cercueils de crémation) et des mesures à prendre pour éviter la contamination du voisinage (filtres à mercure par exemple).

Toutes les solutions sont envisageables, sachant que le critère limitant est le respect du corps du défunt, qui présente un caractère sacré et empêche de ce fait certains traitements portant atteinte au corps.

Intervention de Guillaume d'Abbadie (co-auteur du Code pratique des opérations funéraires) :

"Le service public de la crémation en France"

Repères historiques : L'acte fondateur de la crémation en France est la loi du 15 novembre 1887 relative à la liberté des funérailles qui a permis aux Français d’ imposer à leurs proches, sous le contrôle du juge judiciaire, le choix de la crémation par la manifestation de leur volonté en la forme testamentaire. Il faudra ensuite attendre le décret du 27 avril 1889 pour que soit pleinement reconnu ce mode de sépulture, que l'on appelait à l'époque incinération à côté et à égalité avec l’inhumation. C'est d'ailleurs à cette même époque, 1889, qu’a été inauguré le crématorium du Père Lachaise, premier crématorium installé en France.

Le deuxième temps fort de l'histoire de la crémation, c'est le décret de 1976, qui a substitué le mot "crémation" au mot "incinération", et surtout a élargi à la manifestation de la volonté du défunt en faveur de la crémation à la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. 1976... c'est l'autre acte fondateur de la crémation dans notre pays.

Pour finir ce bref historique, il est important de rappeler que la loi du 8 janvier 1993 relatif au domaine funéraire qui a abrogé le monopole communal du service extérieur des pompes funèbres a créé, en parallèle, le service public communal exclusif en matière de gestion et de création de crématorium.

Quelques éléments statistiques : Il faut maintenant se référer à quelques statistiques qui vont nous amener vers le constat suivant : si la crémation est autorisée en France depuis fort longtemps, largement plus d'un siècle, sa pratique n’est que très récente. En effet en 1979, on ne comptabilisait que 4996 crémations en France alors que les statistiques de 2005 nous affichent un nombre de crémations en France qui est de 127 992, soit un taux de 24,8 % par rapport au nombre total de décès.

On peut également compléter ces statistiques, par le nombre de crématoriums existants en France en 2006, qui est de 124 crématoriums en fonctionnement et 15 en cours de construction. À propos du mode de gestion de ces crématoriums 70 % d’entre eux sont en gestion déléguée, autrement dit, gérés par des entreprises privées. Les 30 % restants sont soit en régie directe, soit en société d'économie mixte.

Les aspects juridiques de la crémation : Le crématorium en France comporte plusieurs caractéristiques juridiques, qui relèvent pour l'essentiel de la loi de 1993 citée ci-dessus. Il s'agit d’un service public, c'est-à-dire d’une mission d'intérêt général qui peut être exercée soit par une personne publique, soit par une personne privée habilitée. C'est bien entendu un service public communal, dans ce contexte, on peut bien évidemment faire le parallèle avec le cimetière car celui-ci est également communal. C'est un service public exclusif, car il s'agit là d'un monopole communal strict, et là aussi on constate un parallèle avec le cimetière, mais là où il y a une rupture avec le cimetière, c'est dans le fait qu'il s'agisse d'un service communal exclusif facultatif, autrement dit, les communes ne sont pas obligées d'organiser ce service public du crématorium, et par ailleurs, ce service public du crématorium est délégable, ce qui n'est évidemment pas le cas du cimetière, mais dans le respect bien évidemment de la loi Sapin.

Si on veut faire un point complet sur le caractère juridique et législatif de la crémation dans notre pays, il est utile de rappeler que c'est un service public industriel et commercial. Cet aspect, c'est la doctrine qui l’a établi, moins par son objet que par son mode de financement : la redevance . Il s'agit donc d'un service public qui doit s'équilibrer avec la redevance.

La procédure de création d'un crématorium : Aujourd'hui, quand une commune ou un groupement de communes décide de se lancer dans la création d'un crématorium, il faut avant tout un choix raisonné pour ce qui est du mode de gestion, c’est là que réside toute la complexité du projet. Il faut passer en revue tous les modes de gestion, que ce soit le mode de régie directe, la délégation de service public à une entreprise privée ou la mise en place d'une société d'économie mixte.

Pour la mise en place d'une régie directe, il faut passer devant un comité technique paritaire pour avis.

Si le choix se porte sur une délégation de service public à une entreprise privée, celui-ci impose le respect de la procédure de la loi Sapin, à laquelle les collectivités locales ne peuvent se soustraire. Cette procédure sous-entend le lancement d'un appel d'offres, auxquelles les entreprises privées intéressées devront répondre,, afin que leur dossier puisse être examiné par une commission impartiale.

Enfin, pour une éventuelle délégation de service public, il faut passer devant la commission consultative des élus locaux, établir un rapport qui sera soumis au conseil municipal, pour que celui-ci prenne connaissance des tenants et des aboutissants, afin de pouvoir émettre une délibération.

À ce stade de la création, il est également très important de tenir compte du terrain d’implantation du crématorium, le crématorium étant in fine la propriété de la collectivité territoriale, ce choix doit être valorisant et le terrain, tout à fait propre au service public de la crémation tel qu'on peut l'imaginer aujourd'hui.

Après, il y aura une autorisation de création qui sera délivrée par le représentant de l'État dans le département, à savoir le préfet, avec au préalable une enquête publique, notamment en matière d'environnement, qui permettra de rendre un avis, dont le préfet devra tenir compte lors de la délivrance de son autorisation. En effet, la création d'un crématorium pourrait être refusée seulement pour des motifs de non-respect de l'ordre public ou d'hygiène.

Au bout de ce parcours, il ne reste plus à l'opérateur qu'à obtenir, pour l'exercice de cette mission, son habilitation au titre de la loi de 1993. Cette habilitation, délivrée par le préfet, permettra la gestion du crématorium.

Les débats autour de la crémation aujourd'hui : L'essentiel de l'actualité législative concernant la crémation se situe aujourd'hui autour de la proposition de loi votée en première lecture par le Sénat le 22 juin 2006, à savoir : le statut des cendres et le devenir des cendres ainsi que la mise en place d'un schéma régional en matière de crématorium. Ce dernier point, se rajoutant aux procédures de création, telle que décrites plus haut, nous laisserait imaginer que le marché de la crémation dans notre pays serait à maturité avec un taux de crémation autour de 40 %, et nous permettrait d'anticiper sur l'offre en matière de crémation dans notre pays afin de maintenir le niveau de qualité de ce service alors que le coût d'un crématorium aujourd'hui se situe entre 2 et 3 millions d'euros, et son amortissement se fait sur une durée relativement longue (entre 18 et 25 ans). Le coût d'une crémation aujourd'hui se situe autour de 600 euros, il serait donc souhaitable que le niveau de ce service public offert aux usagers ne baisse pas, bien au contraire, et pour ce faire, il est donc très important que les pouvoirs publics anticipent sur la maturité du marché de la crémation. Le seuil d'amortissement d'un crématorium se situe autour de 1 000 crémations par an, il faut écarter l’idée qu’un crématorium serait viable économiquement à  prestations égales pour les familles autour de 500 crémations par an voire 300.

Intervention de jean-Claude Bastit :

Crématorium : quel enjeu pour la collectivité ?

En 1998, fin du monopole, la ville de Béziers exerçait le service extérieur des pompes funèbres, gérait les deux cimetières de la ville, au moyen d’une régie municipale. Compte tenu des textes, cette régie a été transformée en régie à autonomie financière sans personnalité morale.

Le contexte local à la fin du monopole :
  • La population
  • Les équipements

Le choix de la collectivité :
  • Spectateur ou acteur ?
  • Régie ou SEM ?

L’expérience de Béziers :
  • Les axes de développement
  • La certification

Présentation de la Ville de Béziers :

75 000 habitants. Une Communauté d’agglomération composée de 13 communes soit un bassin de population de 100 000 habitants. Quelques communautés de communes satellites

La chambre funéraire la plus proche et la seule était à 25 kms.
Elle était gérée par le groupe PFG. Le crématorium le plus proche était à Montpellier soit à une distance de 75 Kms.

Face à ce désert en matière d’équipement funéraire, au lobbying des  crématistes de plus en plus nombreux, et poussé par la volonté de quelques élus convaincus de l’intérêt de maintenir une structure sous le contrôle de la collectivité, le Maire avait le choix.
Soit, il mettait un terme à la régie municipale où il la laissait aller à vau l’eau sachant que la concurrence se chargerait de l’éteindre. En effet, des entreprises privées faisaient des propositions pour implanter une structure.

Soit, il décidait de maintenir le service public, ou du moins sa référence, et dans ce cas, il était indispensable de s’en donner les moyens par des investissements matériels et humains.

Le choix n’a pas été facile, tant les investissements étaient lourds, la problématique humaine complexe (en effet, le personnel de la régie était pour moitié de droit privé) et surtout comment imaginer qu’un service public puisse être compétitif dans un secteur commercial où la concurrence est forte...

Clairement, les enjeux en valaient-ils la chandelle ?
Pour tout dire, les élus étaient peu nombreux à y croire, peu d’entre eux pensaient que la crémation évoluerait à ce point et que nous arriverions aujourd’hui a avoir de tels résultats.

Être "SPECTATEUR" ou "ACTEUR".

Les élus avaient donc le choix entre :

Soit être "SPECTATEUR"
  • En se désintéressant de ce secteur  d’activité, l’abandonner totalement, laisser l’usager consommateur sans la référence du service public.

Soit être "ACTEUR" :
  • Directement en confiant à sa régie communale ou intercommunale l’exploitation du crématorium,
  • Indirectement par une procédure de délégation de service public et confier ainsi la gestion du crématorium à un délégataire externe.

Les élus ont, en conséquence tout d’abord analysé le marché :
  • Descriptif de la population, évolution et tendance pour les années à venir,
  • Répartition et zone de chalandise des crématoriums voisins, entretien avec leur responsable,
  • Son accessibilité et les impacts environnementaux inhérents,
  • Ensuite diagnostic financier (je vous rappelle que le crématorium est un SPIC et non un SPA), diagnostic social et  juridique.

Ils ont décidé d’en déléguer la gestion à une SEM qui est une entreprise publique locale.
Parallèlement la Ville organisait un tour de table pour créer cette SEM.
Cette SEM a été constituée par 5 collectivités, qui détiennent 85% de capital public, une banque institutionnelle, deux mutuelles et une association crématiste pour les 15% de ce capital.

La SEM s’est portée candidate et a obtenue la délégation de service public du service de pompes funèbres et du crématorium pour une durée de 18 ans.

La collectivité a ainsi gardé la main avec sa SEM , intervenant dans la création du crématorium, notamment dans le choix architectural, la dimension, les équipements techniques… et veillant, au moment de la négociation à l’intérêt du personnel, à la nature des biens mobiliers et immobiliers et à leur qualification, au volet social, à la capacité d’évolution du crématorium sous d’autres aspects que les aspects économiques.

Depuis nous nous sommes focalisés sur 3 points essentiels :
  1. la professionnalisation du personnel,
  2. les besoins émergents en matière de service,
  3. la qualité.

La professionnalisation par :
La formation du personnel à l’UPPFP  une association de régies et de SEM, qui organise régulièrement et depuis 8 ans maintenant, non seulement des formations habilitantes tous niveaux, mais privilégie aussi des échanges, des formations continues et des stages pour ces nouveaux métiers (sur la prise de parole en public, l’organisation de cérémonies civiles).

Les besoins des familles par :
La mise en place de nouveaux services et plus particulièrement les cérémonies au crématorium qui sont une alternative entre le service religieux et "le rien du tout".

La qualité par :
Le contrôle permanent de la qualité des services et un engagement en matière de protection de l’environnement.

Alors où en sommes-nous après 3 ans d’existence ?

La SEM a créé 6 emplois et a un effectif à ce jour de 30 salariés à temps complet.
Le crématorium seul occupe 6 personnes à temps plein pour plus de 900 crémations et 600 cérémonies par an, soit une fréquentation annuelle de plus de 30 000 personnes.

La satisfaction de ses clients, des familles, des prescripteurs, de la ville et des élus est unanime.

C’est grâce à la capacité à fédérer des élus autour de cette activité sensible, grâce au choix qu’ils ont fait en choisissant l’outil le mieux adapté à la gestion d’une entreprise publique locale si l’on veut de la performance, de la réactivité et en garder le  contrôle que l’on peut aujourd’hui parler de réussite et d’exemplarité.
D’ailleurs 3 nouvelles SEM viennent d’être constituées dont 2 pour gérer le Crématorium.

Nous étions 5 communes au départ, en juin 2002, nous sommes aujourd’hui 30.
Nous avons voulu démontrer ensemble la capacité d’un service public à se positionner en acteur majeur dans un secteur commercial.
Cette démarche nous a amené, tout comme  2 autres SEM avant nous dans le domaine de la Qualité, à obtenir pour le crématorium les certifications AFAQ aux normes Qualité ISO 9001 et Environnement ISO 14001.   

Tout change vite :

Evolution de la société, nouvelles modes, nouvelles méthodes, nouveaux métiers, nouveaux hommes, et par conséquent, nouveau management, et dans ce domaine particulier et encore tabou tout change encore plus vite.

Mais la mutabilité n’est-elle pas un des principes du service public ?

Intervention de Michel Haefele, Directeur Centre Funéraire de Strasbourg :

"Prenons en exemple du Centre Funéraire de Strasbourg"

Un équipement funéraire existe à Strasbourg depuis 1923. Le crématorium était à l’époque, le deuxième à être mis en service en France, après celui du cimetière du Père Lachaise à Paris.

L’existence de longue date de l’équipement, est une des explications du fort taux de crémation à Strasbourg puisque plus d’un strasbourgeois sur deux se fait incinérer. L’autre explication est, l’importance de la communauté protestante en Alsace. Lors de la révocation de l’Edit de Nantes, l’Alsace était allemande et constituait le premier territoire ou les protestants exilés pouvaient s’installer. Or les protestants étaient favorables à la crémation dès 1882 alors que les catholiques ne l’ont permise qu’en 1964.

Lors de la parution de la loi du 08 janvier 1993 et de ses décrets d’application en 1995, les services de la CUS se sont rendus compte, après examen de la nouvelle réglementation de la non-conformité de l’ancien bâtiment.
La collectivité, la communauté urbaine en l’occurrence puisque la construction de crématorium est de la compétence des groupements de collectivités a décidé, de mettre l’équipement en conformité avec la nouvelle réglementation et avec les pratiques funéraires d’aujourd’hui.

A l’époque du début de la réflexion, en 1996, il a été procédé à 1792 crémations. En 2006 nous allons dépasser les 3200 crémations.

Les surfaces disponibles dans l’ancien bâtiment ne permettant pas l’intégration de tous les équipements imposés par la réglementation, il a été décidé de mener la réflexion comme s’il s’agissait d’un nouveau projet.

Mon intervention, basée sur l’étude du projet du nouveau centre funéraire de Strasbourg va aborder des points qui me paraissent importants et qu’il serait souhaitable de prendre en compte lorsque l’on aborde ce type de construction.

1 - Le choix du terrain d’implantation :

L’emplacement d’un équipement tel un crématorium ne peut se faire n’importe où. Les POS et PLU créent des zones où certaines constructions sont autorisées et d’autres sont interdites.
Pour une école ou une autre construction publique, équipement sportif, culturel, des emplacements réservés sont inscrits dans le document d’urbanisme.

Il est également possible d’inscrire un tel emplacement pour un équipement funéraire, voire un lieu de culte. On se rend souvent compte que ces deux types de constructions sont oubliés dans les documents d’urbanisme. On en arrive ainsi à trouver des lieux de culte et des crématoriums dans des zones commerciales ou des zones industrielles qui sont les seules zones qui peuvent admettre ces constructions sans réglementation particulière de la zone d’implantation ou sans emplacement réservé inscrit au POS ou au PLU.

Je connais un crématorium riverain d’un giratoire très circulé donnant accès à une grande zone commerciale et un autre implanté au milieu de dépôts d’entreprise de travaux publics ou d’ateliers de mécanique industrielle, au milieu d’une zone industrielle.

L’environnement de ces deux équipements, n’est vraiment pas propice au recueillement que demande une cérémonie d’adieu ou l’accompagnement du défunt jusqu’à sa crémation.

Un autre problème qui commence à se poser pour d’autres crématoriums est le rapprochement des habitations du fait de l’urbanisation des terrains alentours. Souvent les nouveaux habitants acceptent, au départ, les contraintes visuelles que peut représenter un centre funéraire avec la circulation de corbillards et de familles endeuillées. Au fil des années les riverains en arrivent à demander le déplacement de l’équipement pour ne plus subir la gêne que représente, pour eux, l’équipement funéraire.

Pour Strasbourg différentes possibilités d’implantation ont été envisagées. L’une des propositions a été abandonnée car les chambres d’un hôpital auraient eu une vue directe sur le bâtiment. Les terrains en zone d’activité ou zone industrielle ont également été abandonnés de même que ceux en zone trop urbanisée. Le terrain finalement retenu a été distrait d’un cimetière de la Ville de Strasbourg en prolongement du bâtiment qui abritait l’ancien crématorium et deux salles de cérémonies.

Le lieu d’implantation d’un crématorium doit être réfléchi dès l’élaboration ou la modification du document d’urbanisme et clairement inscrit dans ce document pour ne pas devoir le repousser dans une zone industrielle ou commerciale. La proximité ou la possibilité de construire des habitations à proximité devra être analysée, pour ne pas arriver à terme à un rejet de l’équipement.

2 - L’établissement du programme :

Après le choix du terrain, il y a lieu de définir le programme qui va être remis aux architectes dans le cadre d’un concours d’architecture. Il me semble très important d’associer un "programmiste" qualifié pour définir les besoins et bien prendre en compte les contraintes techniques de ce type de construction.
En effet si les contraintes techniques sont très lourdes, les contraintes culturelles sont également très importantes.

Au niveau du projet, pour ce qui est des contraintes techniques il suffit de joindre les décrets les précisant. C’est surtout lors de l’appréciation des projets présentés qu’il faudra s’assurer que toutes ces contraintes sont bien respectées. L’oubli d’un local prescrit ou d’un équipement de climatisation ou de renouvellement d’air peut avoir de grandes conséquences sur la réalisation de la construction.

Les contraintes culturelles sont plus difficiles à apprécier. A Limoges par exemple quasiment toutes les familles sont présentes pendant toute la durée de la crémation. A Strasbourg si certaines familles assistent à l’introduction du cercueil dans le four de crémation, il est tout à fait exceptionnel qu’elles attendent la fin de celle-ci. Les capacités d’accueil à proposer aux familles ne sont pas les mêmes.

Pour ce qui est des cérémonies, la réglementation impose la création d’une telle salle dans le cadre de la construction du crématorium. Si la pratique religieuse locale n’est pas très importante, cette salle sera peut-être insuffisante pour accueillir toutes les familles qui n’ont pas d’autre lieu pour organiser leur cérémonie d’adieu.

A Strasbourg nous disposons de 3 salles de cérémonies. Près du tiers des défunts strasbourgeois ont leur cérémonie d’adieu organisée dans ces salles.

Il est important de pouvoir bien estimer les besoins à court et à moyen terme par rapport à la culture locale ou tout au moins de préserver des possibilités d’extension en cas de besoin.

3 - Le problème de la filtration :

Le sujet qui préoccupe actuellement les gestionnaires de crématorium est la parution et dans quels délais d’une réglementation concernant la filtration des gaz de combustion des fours de crémation.

Les produits rejetés par ces fours sont de deux sortes :
  • Les poussières qui sont totalement inertes car elles ont été soumises à une température supérieure à 850 voire à 1000 °C pendant plus de 2 secondes selon la norme française.
  • Les matières polluantes comme le plomb, le mercure qui se trouvent dans les amalgames que nous ont posés les dentistes ainsi qu’une infime quantité de dioxine produite par la combustion du bois du cercueil et des vêtements à plus de 1000 °C.

Pour ce qui est de la dioxine il s’agit de quelques pico grammes voire milligrammes par an.
Pour ce qui est du mercure qui est le produit le plus polluant, il s’agit pour un crématorium de la taille de Strasbourg, d’environ 4,5 kg/an soit 1,5 gramme par corps. Avec une densité de 13,6, cela représente, en volume, 33cl de mercure à récupérer par an.

Petites précisions :
  • Le volume des 3200 cercueils incinérés à Strasbourg  représente un parallélépipède d’environ 64 m de long, 7 m de large et 5 m de haut, soit 2240 m3.
  • L’usine de traitement des ordures ménagères de Strasbourg rejette encore, après filtration, 252 kg de mercure par an !

Bien que cette opération relève plus du laboratoire que du domaine industriel, il s’agit de récupérer 1,5 g de plomb, 1,5 g de mercure, quelques traces de dioxine sur un corps qui avec son cercueil pèse entre 70 et 100 kg, la technologie pour arriver à ce résultat existe.

Elle est toutefois particulièrement onéreuse puisque le système de filtration coûte deux fois plus cher que le four seul. Un four filtré coûte donc 3 fois le prix d’un four non filtré !

Cet investissement ramené au prix unitaire de la crémation augmentera le prix de la prestation de 60 à 100 .

Un convoi funéraire revient en moyenne à la famille entre 2500 et 3000. L’installation des équipements de filtration entraînera une augmentation minime du prix du convoi de l’ordre de 2 à 3 %.

Par ailleurs les pays limitrophes imposent déjà la filtration des gaz aux crématoriums, Angleterre, Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne.
Soyons réalistes et pragmatiques, il ne sera pas possible de s’opposer à une réglementation qui va imposer ces équipements à court ou à moyen terme.

Tout cela pour dire que dans un projet de crématorium, même si cette filtration n’est pas obligatoire aujourd’hui, il y a lieu, au minimum, de prévoir une possibilité d’extension du bâtiment pour y installer les équipements nécessaires qui représentent une surface au sol et un volume non négligeable.

4 - La salle de convivialité :

Dans la plupart des régions, toujours l’influence de la culture, il est de tradition de se réunir après la cérémonie ou l’inhumation, soit dans une salle (paroissiale ou communale), soit dans un restaurant soit à la maison pour prendre une collation.

Du fait des contraintes d’urbanisme, il est souvent difficile de pouvoir disposer d’une telle salle à proximité du crématorium et beaucoup de familles apprécient de pouvoir tout faire au même emplacement, la cérémonie, la crémation, la collation.

A Strasbourg nous disposons d’une grande salle que nous pouvons subdiviser ainsi qu’une autre plus petite. Ces locaux nous permettent d’accueillir 3 familles simultanément.

Sans aller jusqu’à prévoir des locaux pouvant accueillir jusqu’à 300 personnes comme à Gand en Belgique ou, que la superficie des salles de réception dépasse la superficie des autres locaux comme à Vilvorde toujours en Belgique, il est souhaitable d’inclure une salle que l’on peut dénommer salle de "convivialité" dans le projet.

5 - Le mode de gestion :

Les deux modes de gestion les plus utilisés pour gérer des services qui perçoivent des recettes correspondant à des prestations, tels le service des eaux, du ramassage des ordures ménagères, les transports, sont la régie directe avec la seule autonomie financière ou la gestion déléguée.

Le mode de gestion mis en œuvre à Strasbourg est une Régie à autonomie financière et à personnalité morale. Nous ne dépendons pas du Conseil de la CUS mais d’un Conseil d’Administration formé majoritairement de Conseillers Communautaires. Pour simplifier et utiliser un langage courant, nous sommes une filiale à 100% de la CUS. Du fait que nous manipulons de l’argent public, c’est un agent comptable nommé par la Trésorerie Générale du Bas-Rhin qui s’assure du respect des procédures de la comptabilité publique.

Cela nous permet d’être beaucoup plus réactif que si nous n’avions que la simple autonomie financière.

Un simple exemple. En août 2005 un des deux fours du Centre Funéraire a pris feu. Les dégâts ont nécessité 7 semaines de travaux de réparation. Les Services de la CUS nous ont informé qu’en additionnant les différents délais administratifs inhérents à une structure de la taille de la CUS, les travaux ne pourraient être commencés avant début avril 2006 et le four remis en service vers la fin mai 2006.

La Régie du Centre Funéraire est soumise aux mêmes règles de la commande publique que toutes les communes de France, mais nous disposons de notre propre CAO. Du fait que nous ne sommes pas appelés à lancer beaucoup de marchés, nous ne sommes pas touchés par les seuils des marchés publics imposant des procédures d’appel d’offres lourdes.

Tout cela réuni nous a permis de remettre le four endommagé en service le 6 décembre 2005. Nous avons ainsi remis l’équipement en service près de six mois plus tôt que nous n’aurions pu le faire avec l’intervention des services de la CUS.

Point important, la collectivité est assurée de garder la maîtrise de son équipement car l’établissement public est une émanation directe de la collectivité, sans participation de partenaire(s) extérieur(s).
En effet si la création d’une SEM est décidée pour gérer le crématorium, il sera nécessaire de mettre en œuvre une procédure d’appel à concurrence pour une délégation de service public (procédure loi Sapin). Malgré la rédaction du cahier des charges par la collectivité, il n’est pas assuré que la gestion de l’équipement puisse être attribuée d’office à la SEM. La moindre faille risque d’être utilisée pour mettre en cause la procédure d’attribution.

Par ailleurs les liens qui lient la collectivité à son établissement public sont plus forts que ceux qui la lient à une SEM. Un fonctionnaire, ce qui est mon cas, peut diriger ce type de structure. Le contrôle de la Trésorerie du département et de la chambre régionale des comptes assure la collectivité de la bonne gestion des fonds publics.

Sans être la panacée, car des lourdeurs administratives subsistent, la structure de la Régie à autonomie financière et à personnalité morale mérite d’être examinée dans le cadre du choix du mode de gestion d’un crématorium.

En conclusion :

Construire un crématorium, pour une collectivité, n’est pas aussi courant que construire ou agrandir une école. Au respect de toutes les réglementations s’ajoute la nécessité de bien prendre en compte la culture, les pratiques et les rituels régionaux voire locaux.

Les points que je viens d’évoquer peuvent être considérés comme "hors ou en plus" de la réglementation. Il y aurait encore bien des choses à préciser concernant la réglementation elle-même.

La proposition que je peux vous faire c’est de venir visiter le Centre Funéraire de Strasbourg afin de prendre conscience de toutes ces contraintes, afin de les gérer au mieux dans le cadre de votre projet

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations