Au journal officiel du 20 mai 2010 sont parus deux textes qui révolutionnent (le mot est faible) le diplôme de thanatopracteur :

le décret n° 2010-516 du 18 mai 2010 fixant les conditions d’organisation de la formation et de l’examen d’accès au diplôme national de thanatopracteur ;
l’arrêté du 18 mai 2010 fixant les conditions d’organisation de la formation et de l’examen d’accès au diplôme national de thanatopracteur.

 

L’importance de ces modifications justifie de ne pas présenter ces deux textes article par article, mais de détailler les nouveautés par rapport à l’ancien diplôme, les personnes intéressées pouvant retrouver l’article correspondant dans la reproduction intégrale de ces deux textes, qui est jointe (décret p.58 et arrêté p.60).

1 - Modifications du Code général des collectivités territoriales

Le décret n° 2010-516 modifie les art. D. 2223-122 à D. 2223-131 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) et supprime l’art. D. 2223-132. Le contenu de la formation qui était détaillé dans ces articles est remplacé par l’organisation de la formation et de l’examen. Le contenu de la formation est désormais décrit par l’arrêté du 18 mai 2010.

À l’art. D. 2223-123 du CGCT, les écoles sont responsables de la formation pratique. Auparavant l’élève devait parfois trouver un thanatopracteur qui accepte de le prendre en formation, sans garantie aucune sur la formation suivie. Il s’est trouvé des élèves qui payaient leur formateur, l’attestation des 200 soins réalisés étant comprise dans ce forfait, ou alors l’élève servait d’aide et ne suivait pas de formation. Désormais cette époque est révolue et les écoles sont totalement formatrices.

À l’art. D. 2223-126, les membres du jury sont nommés pour trois ans au lieu de deux. Le ministère de l’Intérieur obtient un siège, et les thanatopracteurs six sièges au lieu de trois. Les six thanatopracteurs détiennent la majorité face aux deux ministères plus les trois médecins légistes ou assimilés ayant enseigné la thanatopraxie. Ainsi les thanatopracteurs se voient reconnaître leur maturité et leur compétence. Les précédentes personnes qualifiées du jury disparaissent, mais elles n’avaient jamais été intégrées aux jurys nommés puisque leurs places étaient occupées par des médecins ayant enseigné la thanatopraxie.

Il est à noter que ce nombre de sièges s’applique aux titulaires qui sont chacun doublés par un suppléant, ce qui permet un large choix de thanatopracteurs puisque sept écoles sont recensées à l’annexe 3 de l’arrêté. En règle générale, les suppléants peuvent participer aux discussions, mais ne peuvent voter en présence de leur titulaire.

Les thanatopracteurs membres du jury sont obligatoirement membres du Comité national d’évaluation de la formation pratique des thanatopracteurs, qui est formé à l’art. D. 2223-123 du CGCT pour évaluer la formation pratique des élèves thanatopracteurs.

Enfin, l’art. 9 du décret fixe les conditions provisoires d’obtention du diplôme pour les candidats du précédent examen qui avaient réussi l’examen théorique mais échoué à la pratique : ces candidats gardent le bénéfice de la réussite à l’examen théorique et peuvent se présenter au nouvel examen pratique qui sera organisé dans les conditions décrites par l’arrêté.

Cet arrêté sera lui aussi décrit selon ses grandes modifications, en suivant les formations puis les épreuves de l’examen permettant d’obtenir le diplôme de thanatopracteur. Enfin, nous terminerons sur l’évolution prévisible de cet examen.

2 - Modifications de la formation théorique

La formation théorique passe de 150 à 195 h, avec une multiplication par 2,5 du temps consacré aux sciences humaines de la mort qui sont complétées par des éléments de déontologie et d’éthique (durée de 15 h à l’annexe 1 de l’arrêté). Aucune formation ne voit sa durée diminuée, seules la théorie des soins de conservation, l’histologie et la gestion conservent les durées de formation précédentes. Toutes les autres formations sont complétées.

Cette formation comprend désormais des cours sur la sécurité sanitaire et l’évaluation des risques sanitaires (d’une durée de 15 h), qui sont essentielles pour la protection du thanatopracteur.

Cette formation théorique est suivie sur une période de trois mois consécutifs alors qu’auparavant la durée de formation s’appliquait sur l’ensemble de la formation, théorique et pratique.

3 - Modification, du contenu de l’examen théorique

L’épreuve écrite de six heures est conservée avec sa correction par les membres du jury. Cette épreuve est toujours notée sur 200 points.

Les épreuves d’histologie et de réglementation funéraire sont notées chacune sur 5 points de moins que la notation précédente, afin de pouvoir noter la nouvelle épreuve de sécurité sanitaire et évaluation des risques sanitaires sur 10 points.

4 - Modifications de la notation de l’examen théorique par le jury

La note zéro à l’épreuve théorique de théorie des soins de conservation ou de réglementation funéraire est désormais éliminatoire, alors qu’auparavant c’était la note globale de l’examen théorique inférieure à la moyenne.

Bien entendu, cette notation s’effectue selon un barème établi par le jury en fonction des bonnes réponses qu’il attend des candidats aux questions posées, comme pour tout examen.

Même si ce n’est pas écrit dans les textes, le jury mettra certainement en œuvre la double correction qui rend plus juste la notation : en cas d’écart important entre les notes des deux notateurs, ceux-ci réexaminent la copie et revoient leur notation en disputant les pour et les contre.

De plus, un groupe de notateurs peut être plus bienveillant, c’est-à-dire noter moins sévèrement qu’un autre groupe de notateurs. Le jury devra donc élever les notes des notateurs plus sévères (et diminuer les notes des notateurs plus bienveillants) afin que la note moyenne attribuée par chaque groupe de notateurs soit voisine. Les membres des universités formant à la thanatopraxie ont l’habitude de ces techniques de correction et sauront convaincre leurs collègues thanatopracteurs. Il existe même des logiciels informatiques qui effectuent automatiquement ces calculs de péréquation.

Ce calcul est juste quand les groupes de copies sont homogènes, donc les copies mélangées car les premiers candidats à rendre leurs copies sont souvent moins bons que les derniers. De plus, le nombre de copies de chaque lot doit être élevé pour que le résultat soit statistiquement valable. Quand le nombre de candidats est peu élevé, le jury conserve comme admissibles les candidats arrivés dans les premiers à la fois par la notation des notateurs et par la notation issue de la péréquation, afin d’éviter toute discrimination statistique, cette opération s’effectuant tout en respectant le nombre maximal de candidats retenus.

En effet, auparavant, l’obtention de la moyenne permettait d’être admissible et de passer l’épreuve pratique. Désormais, l’art. D. 2223-124 du CGCT prévoit qu’un arrêté conjoint des ministres chargés de l’Intérieur et de la Santé fixe le nombre de places offertes pour la formation pratique, après avis du jury. Ce nombre de places résulte du nombre de thanatopracteurs formateurs à la pratique des soins de conservation que chaque école pourra trouver dans un premier temps.

Les candidats sont donc classés en fonction de leur notation à l’examen théorique et seuls peuvent suivre la formation pratique les candidats reçus à l’épreuve théorique et correspondant au nombre figurant sur l’arrêté interministériel. En conséquence, ce n’est pas la moyenne obtenue à l’épreuve théorique qui conditionne l’admissibilité, mais le classement, comme dans tout concours : il ne suffit pas d’avoir la moyenne pour être reçu, il faut être meilleur que les autres candidats.

En effet, l’art. D. 2223-124 du CGCT précise que les candidats admis à la formation pratique sont ceux reçus aux épreuves théoriques (donc sans note éliminatoire prévue par l’art. 7 de l’arrêté) et classés en rang utile, c’est-à-dire dans les premiers par rapport au nombre de places fixé par l’arrêté interministériel. C’est le classement et non la moyenne qui détermine le nombre de candidats retenus à l’issue de l’épreuve théorique.

Ce nombre de places va fixer la délimitation entre les candidats non retenus et les candidats retenus, ces derniers pouvant avoir une note de 12 ou 8 selon les cas puisque la moyenne n’est pas exigée.

Si deux élèves ayant la même note sont en compétition pour une seule place restant libre en formation pratique (après attribution des premières places aux meilleurs candidats), alors le jury doit réexaminer leurs copies afin de différencier leurs notes et qu’un seul obtienne la seule place restée libre en formation pratique.

Toutes ces dispositions ne figurent pas dans les textes parus, mais seront certainement adoptées par le jury afin d’obtenir un traitement équitable des candidats.

5 - Modifications de la formation pratique

L’école est désormais responsable de la formation pratique par l‘art. D. 2223-123 du CGCT. Un mauvais thanatopracteur formateur sera l’objet de plaintes, peut-être formulées auprès du jury, mais qui seront nécessairement transmises à l’école.

Chaque école sera donc attentive à son choix de thanatopracteurs formateurs, d’autant plus qu’elle participera, dans le cadre du Comité national d’évaluation de la formation pratique, à l’établissement de la grille d’évaluation du candidat stagiaire et du choix des évaluateurs chargés de noter l’épreuve pratique.

Conformément à l’article 2 de l’arrêté, le thanatopracteur formateur doit être habilité pour la pratique des soins de conservation par le préfet (art. L. 2223-23 du CGCT), donc titulaire du diplôme de thanatopracteur, mais titulaire du diplôme selon les conditions définies au 2° de l’annexe de l’arrêté. En conséquence, le thanatopracteur formateur doit avoir été diplômé après avoir suivi la formation pratique sur 100 soins et 20 h d’enseignement à l’art restauratif. Un thanatopracteur ancien qui aurait obtenu son diplôme national par équivalence sans cette qualité de formation de 100 soins et de 20 h d’art restauratif ne pourrait être formateur.


6 - Modifications de l’épreuve pratique de l’examen

L’épreuve théorique est toujours notée sur 200 points, mais l’examen pratique qui était noté sur 300 points passe à 400 points : le coefficient de la pratique devient donc double de la théorie alors qu’auparavant il était de 50 % plus élevé. Cela signifie que les candidats qui auront dû faire des efforts pour être meilleurs que leurs collègues lors de l’examen théorique seront d’autant plus exigeants sur la formation pratique et sur le mode d’évaluation de leurs pratiques, alors que la majorité des réclamations relative à l’examen portait déjà sur cet examen pratique.

L’épreuve pratique de l’examen se déroulera sur le lieu de stage par la visite des évaluateurs : cette pluralité d’évaluateurs figure à la fin de l’article 3 de l’arrêté, au sujet de l’évaluation du candidat (c’est la lettre "S" à la fin du mot "évaluateurs" qui est importante). Comme pour la notation de l’épreuve théorique, cette pluralité de contrôle pratique est un gage de plus grande justice dans la notation de l’épreuve.

Il y aura donc au moins deux évaluateurs pour noter un candidat et on peut espérer que l’habitude de prendre des évaluateurs indépendants de l’école subsiste, sinon la suspicion de favoritisme émergera nécessairement (avec sept écoles, il est facile de choisir un évaluateur indépendant d’une école).

De plus, le Comité national d’évaluation de la formation pratique est chargé d’établir une grille d’évaluation des stagiaires. Ce point est particulièrement important puisque des candidates des précédents examens s’étaient plaintes de propositions sexuelles par des thanatopracteurs évaluateurs en échange d’une bonne note.

Désormais, la pratique d’un bon soin de conservation sera détaillée dans ses différentes caractéristiques, avec un barème de notation et éventuellement des coefficients d’importance. Cette grille contribue également à une meilleure égalité de traitement des candidats.

Cette méthode de jugement des bons élèves thanatopracteurs n’avait jamais été mise en place depuis la création du diplôme de thanatopracteur. Pourtant c’est la base d’une notation scientifique d’un soin de conservation.
Le Comité national devra donc établir une grille d’appréciation du travail de l’élève. Cette grille existait déjà sur le comportement de l’élève : a-t-il respecté ou non les méthodes de protection du travailleur ? Mais la grille existante ne donnait aucune indication sur la qualité du soin de conservation réalisé :
- l’introduction du liquide soin de conservation par l’artère fémorale était-elle justifiée ?
- la couleur de la peau est-elle restituée ?
- les actes médicaux réalisés sont-ils dissimulés ?
- l’élasticité de la peau est-elle rétablie ?

Ce sont des exemples de critères qui peuvent être pris en compte pour juger de la qualité du soin de conservation réalisé. Chacun des futurs critères choisis par le Comité national devra être accompagné d’un coefficient, témoin de son importance dans la qualité du soin de conservation.

Ce Comité, qui reçoit les notes attribuées par les évaluateurs aux candidats (en fonction de cette grille d’évaluation) avant de les transmettre au jury, devra donc absolument pratiquer lui aussi une péréquation entre les groupes de notateurs afin d’équilibrer les notations (voir les explications sur la péréquation au point 4 – Modification de la notation de l’examen théorique par le jury).

Auparavant, une note inférieure à 180 sur 300 était éliminatoire. Désormais, toute note inférieure à 200 points sur 400, soit la moyenne, est éliminatoire (article 8 de l’arrêté). L’épreuve est donc plus facile.

7 - Attribution du diplôme

On a vu que la note zéro à l’épreuve théorique de théorie des soins ou de réglementation funéraire est éliminatoire, de même que toute note inférieure à 200 pour l’examen pratique.

En dehors de ces notes éliminatoires, l’attribution du diplôme s’effectue sur la simple obtention de la moyenne à l’ensemble des épreuves théoriques et pratiques. Là encore, le jury est souverain : il ne peut plus revenir sur la notation de l’épreuve théorique qui a décidé de l’admissibilité à la formation pratique, mais il peut revoir la note de l’examen pratique si un candidat est juste en dessous de la moyenne. Les thanatopracteurs présents à la fois dans le Comité national et le jury pourront détailler les résultats de l’examen pratique en vue de la révision éventuelle de la note.

8 - Frais d’inscription au diplôme

L’art. D. 2223-132 du CGCT qui prévoyait le paiement de frais d’inscription servant à financer les frais d’organisation de l’examen (location de salles, achat de copies d’examen, surveillance des épreuves et frais de déplacement des membres du jury) a été supprimé par le décret. Ces frais d’inscription n’avaient jamais été réclamés, ce qui n’empêchait pas le ministère de financer ces dépenses. Le jury dépendant des ministères continuera donc à être pris en charge par les ministères.

Le Comité national d’évaluation de la formation pratique comprend deux représentants (1 titulaire et 1 suppléant) de chacune des sept écoles françaises figurant sur la liste de l’annexe 3 de l’arrêté, et seulement eux. Il fonctionne donc en l’absence de l’administration.

Le Comité national d’évaluation de la formation pratique a des activités liées à l’examen, donc au jury, mais son indépendance de l’administration peut poser problème au contrôleur financier chargé du paiement des dépenses publiques.

Si le contrôleur financier refuse de rembourser les frais de fonctionnement de ce Comité national au motif que l’administration ne contrôle pas son fonctionnement, ces dépenses seront nécessairement incluses dans le budget des écoles et se répercuteront sur les frais d’inscription à ces écoles. Toutefois, cette solution est peu réaliste dans la mesure où l’administration a les moyens de contrôler ce Comité via les documents réalisés par ce Comité.

Ce problème, qui a peu de probabilité de se présenter, est simplement signalé en période de gestion budgétaire serrée qui peut avoir des répercussions imprévues.

9 - Évolution prévisible du diplôme

Sachant que 800 diplômes de thanatopracteurs environ ont été attribués et dans l’hypothèse où la majorité de ceux-ci poursuivraient leur activité (certains sont devenus directeurs de sociétés et n’exercent plus le métier de thanatopracteur), il se trouverait 7 à 8 thanatopracteurs en activité en moyenne par département pour un nombre annuel de 2 500 soins de conservation (avec un taux de 50 % de décès faisant l’objet de soins de conservation). Cette approximation rapide montre qu’un thanatopracteur effectue moins de deux soins de conservation par jour (les week-ends n’existant pas pour lui). Bien entendu, certains thanatopracteurs sont mieux appréciés de la clientèle et ont plus de travail.

Par la suite, un thanatopracteur formateur soumis à une forte concurrence d’autres thanatopracteurs ne souhaitera pas contribuer à l’augmentation de cette concurrence par l’attribution de nouveaux diplômes. De plus, il doit augmenter ses prix pour vivre.

La conséquence en sera que l’on se dirige vers un numerus clausus, comme pour les médecins, avec les mêmes problèmes : les diplômés préfèrent s’installer dans les régions ensoleillées.

Il existe donc de fortes probabilités que le diplôme de thanatopracteur suive l’évolution du diplôme de médecin, mais en plus sévère puisqu’il existe moins de thanatopracteurs-députés que de médecins-députés.


10 - Conclusion

Toute cette procédure démontre la maturité des écoles de thanatopracteurs, qui s’élèvent au-dessus de leur concurrence entre formateurs pour délivrer un diplôme commun.

Le contrôle pratique sur le lieu de stage est également un facteur antistress qui marque une étape vers le contrôle continu des formations, évolution en cours dans toutes les formations.

Au vu de toutes ces modifications, il est aisé de conclure que le diplôme de thanatopracteur a évolué dans le bon sens, avec une meilleure formation et une égalité accrue de traitement des candidats lors de l’examen.

Enfin, le problème des frais de fonctionnement et l’évolution prévisible du diplôme sont des observations qui n’engagent que leur auteur, lequel, est-il nécessaire de le rappeler, n’est pas titulaire du diplôme de thanatopracteur.


Claude Bouriot,
coauteur du Code pratique des opérations Funéraires.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations