Est-il possible de modifier une sépulture perpétuelle de famille : la mettre au nom du seul des héritiers qui en assure l’entretien ?

 

Lorsque le fondateur (celui qui a acquis à l’origine la concession) est décédé se forme une indivision perpétuelle entre ses héritiers. En effet, la sépulture est insusceptible de partage.

Se pose alors entre les héritiers, membre de l’indivision, une série de questions auxquelles il convient d’apporter des réponses.

Le droit à l’inhumation dans la concession perpétuelle

Tout d’abord, la question du droit à l’inhumation dans la sépulture appartenant à une indivision ne se pose que concernant les sépultures de famille (comme dans le cas de la question posée par le courriel transmis).

En effet, s’il s’agit d’une sépulture individuelle ou d’une sépulture collective, l’acte de concession (le plus souvent un arrêté du maire, mais il peut s’agir d’une véritable convention) mentionne "la" ou "les" personnes admises dans la sépulture et le droit à être inhumé n’est pas susceptible de bénéficier à une autre personne. Si les héritiers du fondateur ne bénéficient donc pas du droit à être inhumés dans la sépulture (sauf s’il figure expressément dans l’acte de concession), ils bénéficieront cependant du droit de la renouveler (s’il ne s’agit pas d’une concession perpétuelle ; article L. 2223-15 du Code général des collectivités territoriales "CGCT"), de la convertir en concession d’une durée plus longue (article L. 2223-16 du CGCT), ou d’engager des travaux d’entretien ou de construction (article L. 2223-13 du CGCT).

Dans une sépulture familiale (attribuée pour l’inhumation de son fondateur et celle de ses enfants et successeurs), chacun des cotitulaires bénéficie du droit à l’inhumation, de même que son conjoint et ses enfants (Réponse ministérielle à la question n° 46115, JO Débats Assemblée nationale, Questions, 8 juin 1992 p. 2595), sans que les autres membres de l’indivision ne puissent venir s’y opposer ou n’aient à donner leur accord préalable à l’inhumation de ces personnes. En revanche, l’inhumation d’une tierce personne, qui n’appartient pas à la famille, devra recueillir l’assentiment de tous (CE, Sect., 11 oct. 1957, Consorts Hérail, Rec. CE p. 523).

Le régulateur du droit à l’inhumation

Ainsi, si "le titulaire de la concession demeure le régulateur du droit à inhumation dans la concession" (Réponse ministérielle à la question n° 47006, JO Débats Assemblée nationale, Questions, 26 oct. 1992 p. 4919), ce droit n’appartient qu’au fondateur de la sépulture et éventuellement à celui, parmi ses héritiers, auquel il a légué cette prérogative (ce qui n’est pas le cas dans votre affaire). À défaut chacun des héritiers doit respecter les principes sus-évoqués.

Il convient de garder à l’esprit que les règles ci-dessus décrites ont pour conséquence de donner aux prémourants une priorité pour l’attribution des places dans la sépulture. En effet, le nombre de places étant limité (par l’acte de concession ou par le nombre de cases que comporte le caveau construit), les cotitulaires de la sépulture ayant des droits égaux, s’appliquera la règle "Prior tempore potior jure" (voir notamment : M. Grimaldi [dir.], Droit patrimonial de la famille, Dalloz Action 2000-2001, n° 1579 p. 411). Il est ainsi tout à fait envisageable en pratique que l’un des héritiers, s’il venait à perdre son conjoint et plusieurs de ses enfants, bénéficie à titre exclusif de l’ensemble des places encore disponibles dans la sépulture (sans que les autres cotitulaires ne puissent juridiquement s’y opposer).

Il est possible par ailleurs de relever que le caractère familial reconnu à la sépulture a éventuellement pour effet de générer parfois des litiges au sein des familles quant aux droits respectifs des titulaires de la concession. C’est alors le juge judiciaire qui, en cas de contestation, appréciera le droit d’être inhumé dans la concession familiale ou les demandes d’exhumation (il ne s’agit pas d’apprécier la validité de l’autorisation d’inhumer ou d’exhumer délivrée par le maire ; est concernée ici l’hypothèse où, alors que le maire est sollicité pour délivrer une telle autorisation, une opposition se manifeste sur le droit à être inhumé dans la concession familiale ou sur l’exhumation demandée), et la nature des droits et obligations respectives des indivisaires quant à la concession. Cependant, les litiges relatifs à l’interprétation de l’acte de concession ressortent naturellement de la compétence du juge administratif (CE, Sect., 11 oct. 1957, Consorts Hérail, précité).

L’exécution des travaux

Ensuite, les travaux exécutés sur la sépulture doivent recevoir l’accord de tous les co-indivisaires.

Il a été reconnu que, dans l’hypothèse où l’un des membres de l’indivision, sans s’opposer expressément aux travaux, avait indiqué aux autres qu’il refuserait de participer aux frais générés par la remise en état de la sépulture, dès lors que la sépulture n’était pas en état de délabrement, il n’était pas possible d’imposer à ce co-indivisaire le versement de sa quote-part (Cass. 1ère civ. 22 déc. 1969, Bull. civ. I, n° 403 p. 322 ; voir également D. Dutrieux, Paiement des frais d’obsèques et remboursement du monument payé par un seul des deux enfants, note sous : CA Rouen 2 juil. 2008 : Droit de la famille, mars 2009, comm. 30 p. 33).

La renonciation au profit d’un autre titulaire

En outre, il a été admis que l’un des membres de l’indivision pouvait renoncer à ses droits au profit des autres (c’est ce qui a été appliqué en l’espèce). En effet, la Cour de cassation est venue préciser que : "si le droit à la sépulture est hors du commerce, aucune disposition légale n’interdit au bénéficiaire de ce droit d’y renoncer au profit des autres membres de la famille" (Cass. 1ère civ. 17 mai 1993, Bull. civ. I, n° 183 p. 125). Cependant, dans le cas soumis, la renonciation des membres de l’indivision ne modifie pas la concession qui reste une concession de famille. Les ascendants et descendants du fondateur, même s’ils ne sont pas des héritiers directs, disposent toujours du droit d’être inhumé dans la sépulture. La seule particularité, c’est que, éventuellement, après toutes les renonciations, un seul des héritiers sera en droit de décider de la modification du monument ou de pratiquer des réductions de corps (en l’absence de dispositions spéciales dans le règlement du cimetière ; voir notamment D. Dutrieux, Réduction de corps et revente illégale de concession, note sous CA Dijon 17 nov. 2009 : JCP A, n° 20-21, 17 mai 2010, 2172, p. 28). Néanmoins, s’il devient, une fois les renonciations obtenues, l’unique "héritier" de la sépulture (les textes évoquent les notions d’"ayant droit" ou d’"ayant cause"), les membres de la famille qui n’ont pas renoncé (puisque non héritiers directs), bénéficient, comme il a été dit, toujours du droit d’être inhumés dans la concession. Par ailleurs, la mairie ne peut modifier la concession qui est toujours au nom du fondateur. La mairie, en revanche, conservera les renonciations reçues et désignera l’unique "héritier" comme seul "ayant droit" de la sépulture. Ainsi, l’accord exprès de ce dernier devra être obtenu pour l’inhumation de personnes membres de la famille qui ne sont pas ascendants ou descendants du fondateur ou conjoint (ici s’impose un mariage) de l’un des ascendants ou descendants (voir notamment : M. Perrier-Cussac, Les droits du titulaire d’une concession funéraire, JCP, éd. N., 1990, Doctrine p. 343-353).

Enfin, des difficultés particulières surgissent lorsqu’il s’agit de "porter atteinte" aux corps présents dans la sépulture. En effet, se combinent à la fois les dispositions relatives aux droits des titulaires de la concession funéraire, celles afférentes à l’exhumation et celles qui concernent le respect de la volonté du défunt.

Le transfert et la réduction de corps

Deux hypothèses doivent être envisagées ; tout d’abord le transfert de sépulture d’un corps présent dans la concession, et, ensuite, l’opération de réduction de corps.

Concernant le transfert de corps, il conviendra non seulement d’obtenir l’accord de l’ensemble des titulaires de la concession, mais encore celui des personnes pouvant juridiquement autoriser l’exhumation.

L’article R. 2213-40 du CGCT précise que l’exhumation doit être demandée par le plus proche parent du défunt. Or, les cotitulaires de la sépulture donnant leur autorisation pour que cette dernière soit ouverte afin qu’y soit pratiquée l’exhumation ne disposent pas toujours de la qualité de plus proche parent du défunt.

En effet, selon le paragraphe 426-7 de l’Instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 (annexée au JO du 28/07/1999), "l’ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents (père et mère), les frères et sœurs".

Toutefois, même si l’accord, tant des cotitulaires de la concession familiale que celui du plus proche parent, est obtenu, un autre membre de la famille voire un tiers à celle-ci (un ami ou un concubin par exemple) peut légitimement s’opposer à l’exhumation. Dès lors, devant une opposition à l’exhumation, le maire (compétent pour délivrer l’autorisation d’exhumer) va surseoir à statuer en invitant les parties à saisir le juge. Or, le juge refuse habituellement d’autoriser une exhumation en cas de désaccord au sein de la famille, si la volonté du défunt n’a pas été contredite par l’inhumation ou si le requérant ne démontre pas le caractère provisoire de la sépulture (voir notamment : D. Dutrieux, Le principe de l’immutabilité de la sépulture, note sous CA Aix-en-Provence 18 déc. 2008 : Revue Lamy Droit Civil, n° 71, mai 2010, n° 3818, p. 47). Sans contestation au moment des funérailles, le juge rappelle en effet que la paix des morts ne doit pas être troublée par les divisions des vivants (voir notamment les jurisprudences reproduites et commentées par B. Beignier, Le respect dû aux morts n’est pas mort …, Droit de la famille, janv. 2001, p. 24-27).

Concernant la réduction de corps (qui consiste à recueillir les restes mortels dans une boîte à ossements pour la déposer dans la même sépulture ; cette opération est en général utilisée pour libérer une ou plusieurs cases dans un caveau), si cette opération est autorisée par le règlement municipal du cimetière, c’est en général au titulaire de la concession de la décider, l’opération n’étant pas régie par le CGCT.


Damien Dutrieux,
Consultant au CRIDON Nord-Est, Maître de conférences associé à l’Université de Valenciennes.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations