Question : Quel est le nombre maximal de concessions perpétuelles qu’une personne peut acheter dans un cimetière ?
Réponse : Avant que vous ne répondiez n’importe quoi, je vous rappelle l’objet de la concession perpétuelle : permettre à quelqu’un et à sa famille de demeurer inhumé en paix pour l’éternité, tant que la concession est entretenue en bon état.
Généralement, une personne acquiert une seule concession perpétuelle à son nom puisqu’elle ne dispose que d’un corps à enterrer. Mais certaines personnes sont de grands voyageurs : tout le monde connaît Phileas Fogg qui a fait le tour du monde en …. 81 jours, d’après Jules Verne. Pour ceux qui se poseraient des questions sur le nombre de jours, j’explique : le tour du monde de Phileas Fogg a duré 81 jours, mais comme il a tourné dans le sens contraire du soleil, le calendrier de Londres n’avait avancé que de 80 jours. En fait, il est arrivé la veille, soit le 79e jour du calendrier, mais il ne s’est présenté que le lendemain sur la ligne d’arrivée, soit le 80e jour du calendrier. Entre nous, la ligne d’arrivée et de départ était un bistrot, ce qui se dit club en anglais. Bref, c’était un grand voyageur, d’autant plus que son siècle ne connaissait ni le TGV ni les lignes aériennes.
Phileas Fogg était un grand voyageur et de plus il était anglais. Il paraît donc légitime qu’il prenne 2 ou 4 concessions perpétuelles afi n que son corps continue à voyager après sa mort. D’où la question posée : combien de concessions perpétuelles Phileas Fogg pourrait-il acheter dans un cimetière français ? La question est d’actualité puisque de plus en plus d’Anglais s’installent en France du fait de son climat viticole.
En fait, c’est un Français qui a acheté 4 concessions perpétuelles de 2 m2 dans un cimetière afin que le monument posé dessus soit à la hauteur de l’importance que ce personnage se donnait. À la 5e demande de concession, le maire a refusé et la question est remontée à la cour administrative d’appel de Douai. Lors de l’audience du 31 janvier 2001, la cour d’appel a estimé que cette 5e concession était inutile puisque les 4 précédentes étaient inutilisées.
Vous en déduisez que la réglementation nationale est muette sur le sujet. Auparavant, le maire devait motiver son refus et le tribunal pouvait casser sa décision pour excès de pouvoir.
Désormais le demandeur doit démontrer l’utilité de sa demande de concession. La ville de Paris avait résolu ce problème en limitant, dans son règlement de cimetière, la surface accordée pour une concession perpétuelle dans le cimetière du Père-Lachaise. Mais la veuve d’un milliardaire sud-américain a voulu acheter 64 m2, pour que le monument érigé dessus soit digne de la grandeur de son défunt mari.
S’appuyant sur son règlement de cimetière, la ville de Paris a réduit sa demande à 15 m2. Le 15 octobre 1963, la veuve a donc acheté sa concession perpétuelle de 15 m2 et trois marbriers ont acheté le même jour les quatre concessions perpétuelles environnantes. Puis la veuve a fait construire une chapelle sur sa concession tandis que les marbriers installaient des dalles funéraires du même granit, permettant ainsi le dépôt de fleurs autour de la chapelle.
Malheureusement pour lui, un des marbriers décède en avril 1964. Conformément à ses dernières volontés, il est crématisé et ses cendres retournent dans sa région natale. L’administration des cimetières parisiens a donc la preuve que les marbriers ont pris des concessions de complaisance.
Le service des cimetières de la ville de Paris porte alors plainte pour détournement du règlement de cimetière en demandant l’annulation des concessions accordées. Il démontre que les marbriers sont tous liés à celui ayant exécuté la chapelle et les dalles voisines.
Le 21 avril 1971, le tribunal administratif de Paris donne raison à la ville de Paris : les trois concessions accordées aux marbriers sont annulées ; les deux marbriers vivants et l’héritière du marbrier décédé ont 15 jours pour rendre leur concession dans son état initial, sous peine que la ville le fasse à leurs frais. Ils n’ont pas droit au remboursement des concessions reprises.
Puisqu’il n’existe pas de règle, tout est possible et les exemples donnés ci-dessus sont des exceptions. Heureusement, par manque de place, les communes suppriment de plus en plus les concessions perpétuelles de leur cimetière. Si votre ego nécessite que votre monument funéraire dépasse en hauteur et en majesté tous les souvenirs voisins du cimetière, il est encore possible de résider dans une commune octroyant des concessions perpétuelles, ce qui donne droit à l’achat d’une ou plusieurs concessions perpétuelles. Dans certaines petites communes, ces concessions perpétuelles sont même pratiquement données. Il est possible, mais de plus en plus rare, que le maire vous laisse installer le monument proportionné à la grandeur de votre moi.
Claude Bouriot
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