"Les personnes les plus formidables que j’ai rencontrées sont celles qui ont connu l’échec, la souffrance, le combat intérieur, la perte et qui ont su surmonter leur détresse. Ces personnes ont une appréciation, une sensibilité, une compréhension de la vie qui les remplissent de compassion, de douceur et d’amour. La bonté ne vient jamais de nulle part". Elisabeth Kübler Ross

 

Pour nous aider à nous détacher de l’ancien et accueillir le nouveau, pour nous accompagner dans notre croissance tout au long de la vie, de façon individuelle et collective, quels  enseignements Elisabeth Kübler Ross nous offre-t-elle ?
Compte-rendu de la conférence EKR du 22 janvier 2010 : Nos passages, nos deuils et notre croissance tout au long de la vie. Dont les intervenants étaient : Dr Hervé Mignot président de l’Association EKR France, médecin de l’équipe d’appui départementale en soins palliatifs de l’Indre et de professionnels de l’accompagnement et membres de l’Association ; Solange Génin, Renée Guignardeau et Pascal Gayet.

Élisabeth Kübler-Ross en tant que psychiatre s’est tournée vers les mourants souvent oubliés, particulièrement de 1950 jusqu’à sa mort en 2004. Cette pionnière des soins palliatifs a décrit le deuil comme un travail intérieur intense se faisant en plusieurs étapes : le choc, le déni, la colère, le marchandage, la dépression et enfin l’acceptation.

Faire son deuil passe par ces étapes successives plus ou moins longues, elles ne sont pas toutes obligatoires, elles peuvent s’intriquer, se succéder dans un sens puis dans l’autre de toute façon elles mobilisent beaucoup d’énergie physique et psychique.

Les étapes du travail de deuil.

- Il est toujours difficile de diviser l’évolution d’un processus humain en différentes étapes. À une personne donnée, un deuil donné. La description que je vais vous donner est vraie en général mais peut-être inexacte dans un cas particulier.
- À chacun son rythme sans chercher à être conforme à un timing qui n’est qu’indicatif.
- À chacun de se reconstruire au rythme de ses énergies.
- Il y a donc une distance à garder entre ce qui est écrit, dit et vécu.
- Encore une fois, inutile d’ajouter de la souffrance en cherchant à coller à un schéma.

1 - Le choc ou la sidération.

C’est la première étape, la personne est comme foudroyée, anesthésiée. Sa conscience ne mesure pas encore l’impact et les conséquences du décès. L’événement est si énorme que parfois certaines personnes ne ressentent rien, agissent comme un automate, sans larmes, sans émotions.

Cette phase s’accompagne d’une grande anxiété, d’angoisses, de difficultés à s’alimenter, à trouver le sommeil qui est souvent ponctué de rêves autour de la personne décédée. Cet état peut persister plusieurs jours, elle se déplace comme "hébétée" d’un endroit à l’autre sans bien comprendre.

Elle peut avoir un malaise à l’annonce de la perte (infarctus). D’où parfois une prescription éventuelle de médicaments en fonction de son état de santé pourra être donnée par son médecin.

2 - Le déni :

Il s’explique par la résistance qu’a la psyché à croire en la perte.
La personne refuse l’évidence, elle nie, renie "Ce n’est pas vrai" ! impossible, c’est une erreur ! Elle refuse d’autant plus l’évidence qu’elle ne peut pas voir le corps, il n’y a pas de confirmation visuelle. "C’est un mauvais rêve, je vais me réveiller, je n’y crois pas". D’autant plus dans le cas d’une mort brutale.

À ce stade, il est fréquent que l’endeuillé puisse voir la personne décédée, lors de l’endormissement, dans ses rêves ou dans toute autre circonstance telle que dans la rue elle peut avoir l’impression de voir la personne chère qui a disparu, ce qui la terrasse de stupeur et d’espoir. On a beau se répéter que c’est impossible, on veut toujours croire que l’on va retrouver celui ou celle que l’on aime. Il convient de rassurer celui qui y est confronté.

Tout ceci peut durer plusieurs semaines

3 - La colère

La colère est un sentiment, une émotion bien légitime dans ce contexte et est fréquente en début de deuil.
Une attitude de révolte peut se mettre en place et se résume souvent par une irritabilité durant des semaines, contre tout, contre tous.

Colère contre le médecin, on critique des décisions médicales ou pas, le retard du diagnostic, contre les soignants qui ont laissé souffrir l’être aimé.

Colère contre le responsable de l’accident si c’est le cas, d’où les différentes attaques en justice.

Colère contre la vie, contre la terre entière, contre Dieu. Arrive parfois un dégagement vis-à-vis de la religion.

Pourquoi cela m’arrive ? Nous devions mourir ensemble, c’était à moi de m’en aller en premier, que vais-je devenir maintenant ?
Lors d’un décès d’enfant : c’était à moi de partir, pas à toi, pourquoi Dieu as-tu fait cela ? Pourquoi m’as-tu retiré mon enfant ? C’est injuste !
Qu’ai-je fait pour mériter cela ?
Et ce pourquoi, pourquoi ? inlassablement.

Colère contre le défunt difficile à avouer, à évoquer, car on ne parvient pas à accepter l’idée d’avoir été abandonné, la colère est une riposte à cet abandon. Que vais-je devenir ? Comment vivre sans toi ?
La colère contre soi-même, parfois la pire, car elle est souvent accompagnée d'un sentiment de culpabilité, souvent très important particulièrement en cas de suicide. Qu’aurais-je pu faire pour éviter cela, qu’est ce que j’ai fait ou pas fait ? Je n’étais pas là, je ne lui ai pas dit au revoir, j’avais tellement de choses à lui dire. !

Colère d’avoir osé aimer, de s’être attaché et d’en payer le prix.


Inévitablement et se prolongeant souvent longtemps, la colère s’émousse peu à peu en s’exprimant maintes et maintes fois et de différentes façons.

Ces différentes colères souvent réveillent des colères enfouies, non exprimées, des non-dits, des deuils non faits d’où l’émergence parfois insoupçonnable d’une révolte intérieure.

4 - Le marchandage ou la fuite

Peu à peu, l’endeuillé intègre le fait que l’autre est parti et essaye de négocier par rapport à la douleur de cette perte.

Certains choisissent de partir pour voyager, d’autres s’investissent dans le travail, dans le faire ou alors se mettent en ménage très rapidement après le décès du conjoint particulièrement fréquent chez l’homme d’âge mûr, inquiet de son devenir.

L’endeuillé s’étourdit pour ne pas penser, ne pas ressentir, une hyperactivité, agitation se fait (TV, radio, internet, sorties).

Le marchandage peut s’exprimer encore sous différentes formes : on peut continuer à maintenir le décédé en vie en mettant des photos de lui partout dans la maison, ou sur soi, en ne rangeant pas ses affaires, en portant ses vêtements, en mettant son couvert, en n’ouvrant pas la succession. Coûte que coûte on maintient le lien physique.

Là aussi, cette phase peut prendre plusieurs mois jusqu’à ce que s’épuise la résistance de l’endeuillé.

5 - La dépression

C’est entre 3 et 8 mois après la mort du défunt que le deuil prend sa pleine dimension.
C’est la phase essentielle du travail de deuil, celle que pressent et redoute toute personne confrontée à la perte d’un être cher et qui va essayer de la repousser le plus longtemps possible.

L’état de fatigue consécutif à l’intégration progressive de la nouvelle va rapidement aboutir à un laisser-aller des tensions physiques et psychologiques.

La personne en deuil se rend compte de sa tristesse, de sa douleur morale et elle a le sentiment qu’elle n’en sortira pas. Elle réalise qu’il n’y a plus rien. Cela réactive parfois les bases de sa confiance en la vie.

Au bout de quelques mois la famille, les amis prennent souvent de la distance : "N’entend-on pas ? :  la vie continue, il faut repartir. Avec le temps, tu verras, cela ira ! Le pire parfois : sèche tes larmes !..." et pourtant à ce stade précis, se produit le mouvement inverse : un gouffre de tristesse !

L’endeuillé parle peu, s’alimente peu, dort mal, pleure, communique avec peu de personnes, gère mal les tâches quotidiennes et il est souvent hanté par le désir d’aller rejoindre le disparu. Il arrive même qu’il passe à l’acte !

Ce n’est que douleur, désespoir : les dates anniversaires, les fêtes, les fêtes de fin d’année, les vacances d’été, le soleil, la chaleur, la plage qui semble comme une injure à sa souffrance.

C’est malheureusement un passage obligatoire, cette phase de dépression est le prélude à la sortie du deuil. Les professionnels ont l’habitude de dire que dans le deuil, c’est quand rien ne va que tout va, c’est le signe que le travail de deuil se fait.

Au bout de plusieurs mois, parfois des années suivant le type de deuil, suivant l’âge de la personne, l’endeuillé se rend compte qu’il n’a pas pensé au mort tous les jours, qu’il a oublié une date anniversaire, la vie commence à reprendre le cours normal, habituel.

Cette prise de conscience est souvent vécue comme une trahison à l’égard du défunt, cela replonge l’endeuillé à nouveau dans la douleur, la culpabilité avec un sentiment qu’il ne pourra jamais s'en sortir !
Pourtant inexorablement ces moments sont de moins en moins fréquents, et peu à peu, de rechute en rechute, la vie reprend petit à petit le dessus.


6 - L’acceptation ou la résolution du deuil.

Tout doucement cette absence extérieure se transforme en une présence intérieure. "Il est désormais avec moi pour toujours, je lui parle". Suivant les deuils si c’est un conjoint : "Quand je fais un chèque, je pense à lui, dans telle circonstance, je me demande ce qu’il aurait dit ou fait." Ainsi s’achève le deuil.

(Certains deuils peuvent être anticipés, lorsqu’il s’agit de personnes âgées, de malades d’Alzheimer.)

Cette sortie de deuil se traduit par une écoute différente à l’égard des personnes extérieures, à l’égard de leurs souffrances et il amène une plus grande aptitude à la compassion. C’est souvent une phase accompagnée d’une intense activité spirituelle.

Certaines personnes n’arrivent jamais à cette étape, car elles trouvent des avantages, des bénéfices à rester dans un état de tristesse, leur état de conscience ne leur permet pas d’y accéder. C’est le cas souvent des personnes âgées, des personnes seules. "Un grand chagrin ne vaut-il pas mieux qu’un grand vide ?" (ce qui entraîne une sollicitude autour d’eux).

Quand cette phase de pacification, de pardon face à la vie est menée à terme, cette étape apporte un sentiment de liberté, de joie.
Après cette immense détresse, cette impression d’anéantissement, de vide, de solitude extrême, la personne s’en remet pleinement à la Vie.

Conclusion

S’approprier ces moments pleinement, ces différentes étapes, n’est-ce pas tout doucement accéder à l’acceptation ?

Le travail de deuil a pour ultime finalité de donner sens à ce qui vient de se passer, à ce déchirement dont il faut coûte que coûte combattre l’absurdité. Il se porte garant d’un "Non-oubli".

Comme nous l’a enseigné Élisabeth Kübler-Ross ayons confiance dans le processus.

Ayez confiance en vous, vous avez les ressources en vous, croyez en vous !

Liste des ouvrages d'Elisabeth Kübler Ross :
- Leçons de vie - en collaboration avec David Kessler - (Lattès, Paris, 2002)
- La mort est un nouveau soleil (Rocher, Paris, 2000 ; Pocket, 2002)
- Avant de se dire au revoir (Presse du Châtelet, Paris, 1999)
- La nostalgie de sa maison (Courrier du livre, Paris, 1998)
- Accueillir la mort (Rocher, Paris, 1998 ; Pocket, 2002)
- Mémoires de vie, mémoires d'éternité (Lattès, Paris, 1998 ; Pocket, 1999)
- La mort est une question vitale (Albin Michel, Paris, 1996 ; Pocket, 2000)
- La mort, porte de la vie (LGF, 1995 ; Pocket)
- La mort, dernière étape de la croissance (Rocher, Paris, 1994 ; Pocket, 2002)
- La mort et l'enfant (Rocher, Paris, 1994 ; Pocket)
- Une lettre à un enfant devant la mort (Tricorne, Genève, 1992)
- Vivre avec la mort et les mourants (LGF, Paris, 1999 ; Tricorne, Genève, 1984)
- Les derniers instants de la vie (Labor et Fides, Genève)
- Le sida, un défi à la société (Inter Editions, Paris)
Antenne EKR Paris
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