Question : Peut-il exister à la même adresse des locaux commerciaux d’une entreprise de pompes funèbres et une chambre Funéraire, et un téléphone unique pour les deux ?

 

Il peut exister à la même adresse à la fois les locaux commerciaux d’une entreprise de pompes funèbres et ceux de la chambre Funéraire. Toutefois, il va importer d’assurer une autonomie "fonctionnelle" à cette dernière ; en effet, cette séparation physique des locaux n’implique cependant pas qu’il y ait des bâtiments distincts puisque, comme le rappelait le député F. Colcombet, rapporteur à l’Assemblée nationale (JOAN CR, 3 décembre 1992, p. 6471), "il n’est pas impossible qu’il s’agisse d’un local voisin, éventuellement desservi par la même entrée". Cette position a été reprise par le ministère de l’Intérieur (Direction générale des collectivités locales, Le service extérieur des pompes funèbres, ministère de l’Intérieur, coll. "Décentralisation", 1997, p.61]).

En revanche, il ne semble pas possible qu’existe un téléphone unique.

La cour d’appel de Lyon a en effet rendu un arrêt dont il importe de reproduire les principaux attendus (CA Lyon, 3e ch. civ., 15 mai 2003, SARL P... Pompes Funèbres, Sté Pompes Funèbres D. L., n° 2002/00175 ; voir le commentaire de cet arrêt par D. Dutrieux, De la neutralité de la chambre Funéraire : JCP A 2003, n° 40, 1876 ; cet arrêt a été d’ailleurs suivi d’un autre arrêt allant dans le même sens et condamnant la même entreprise : CA Lyon, 10e chambre, 30 octobre 2007, R.G. 06/03430 dans lequel il était par ailleurs reproché à cette entreprise de maintenir une confusion entre le magasin de pompes funèbres et la chambre Funéraire, avec les numéros de rue inscrits pour l’adresse figurant dans les avis nécrologiques des journaux) :

 

"Attendu que l’article L. 361-19 du Code des communes [L. 2223-38 du CGCT] dispose que les locaux où l’entreprise gestionnaire d’une chambre Funéraire offre les autres prestations du service des pompes funèbres doivent être distincts de ceux abritant la chambre Funéraire ; que cette distinction, voulue par la loi afin d’assurer la libre concurrence entre les opérateurs de pompes funèbres habilités à gérer une chambre Funéraire et ceux non habilités à le faire, s’étend à d’autres éléments que la séparation purement physique des locaux ; que l’unicité d’exploitation des différentes activités de pompes funèbres entraîne un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle qui ne doit pas être privée de la possibilité de choisir, en toute connaissance de cause, un opérateur déterminé éventuellement non gestionnaire d’une chambre Funéraire si elle recourt au service d’une chambre Funéraire exploitée par un gestionnaire également opérateur de pompes funèbres ;

Attendu qu’il convient pour assurer le "principe de neutralité" énoncé par le législateur que l’opérateur de pompes funèbres gestionnaire d’une chambre Funéraire ne se livre pas à des agencements, à des amalgames, à des pratiques publicitaires ou à des démarches commerciales créant, dans l’esprit peu informé de la clientèle des familles en deuil, une confusion préjudiciable au jeu de la libre concurrence et à d’autres opérateurs de pompes funèbres ;

Attendu qu’en l’espèce, il ressort d’un procès-verbal d’huissier en date du 11 mars 1999 que dans les locaux de la chambre Funéraire de la SA D... L... Pompes Funèbres (...) sont apposées très visiblement dans le salon d’accueil des publicités pour l’entreprise de Monsieur D... L... (dépliants publicitaires, photographie en pied de Monsieur L..., calendrier, cartes de visite professionnelles...) ; que des articles Funéraires (cercueils, urnes, crucifix...) sont exposés avec indication de leur prix dans une pièce adjacente ; qu’un panonceau sur la porte d’entrée renvoie, en cas de fermeture de la chambre Funéraire, au local voisin où la S.A. D... L... Pompes Funèbres exerce son activité ; que toutes les indications écrites se trouvant dans ce local ("livre d’or", affiche mentionnant le numéro d’appel téléphonique de la SA D... L... Pompes Funèbres dans le local voisin...) réalisent un amalgame entre les deux activités différenciées exercées par la SA D... L... Pompes Funèbres ;
Attendu qu’il ressort amplement de ce constat que la SA D... L... Pompes Funèbres a eu en vue, par un agencement particulier des lieux et un affichage informatif tendancieux, de créer une confusion pour capter la clientèle qui venait dans sa chambre Funéraire ; que la SA D... L... Pompes Funèbres était si consciente des dévoiements auxquels elle s’était livrée, qu’elle a fait établir, ensuite de la régularisation à laquelle elle a procédé, un procès-verbal d’huissier en date du 9 octobre 2002 qui constitue "l’envers", point par point, du précédent et dans lequel il est relaté "l’absence" de tous "les éléments à charge" relevés dans le premier procès-verbal ;

Attendu qu’au surplus, dans les avis nécrologiques que la SA D... L... Pompes Funèbres fait insérer dans la presse locale à la demande des familles, la mention même de la raison sociale de la chambre Funéraire soit, D... L..., soit F..., soit même F...- D... L... y figure à la suite de l’adresse permettant la localisation de la chambre (...) ; que cette indication, outre qu’elle est sans intérêt pour les lecteurs des avis nécrologiques renseignés suffisamment par la mention d’une adresse, est contraire au principe élargi de "neutralité"; qu’elle contredit également la "délicatesse" de mise dans des circonstances de deuil, dont se targue la SA D... L... Pompes Funèbres dans ses dépliants publicitaires".

 


Évidemment, cette séparation physique s’accompagne d’une obligation spécifique, posée à l’article 33 du règlement national des pompes funèbres (décret n° 95-653 du 9 mai 1995), qui oblige le gestionnaire d’une chambre Funéraire à veiller à ce qu’aucun document de nature commerciale ne soit visible dans ses locaux (art. R. 2223-72 du CGCT).

Ces obligations résultant d’un "principe élargi de neutralité" sont précisées par la cour d’appel de Lyon dans l’arrêt reproduit ci-dessus ; en effet, la cour considère, comme l’avait fait la Cour de cassation concernant les pratiques de certains concessionnaires pendant la période transitoire de l’article 28 de la loi du 8 janvier 1993 (art. L. 2223-44 du CGCT ; Cass. civ. 1re, 3 juillet 1996, n° 1351 D), qu’il convient de dépasser la simple séparation physique des locaux et éviter que "l’unicité d’exploitation des différentes activités de pompes funèbres entraîne un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle". À la Cour de remettre en cause la simple mention de l’adresse ou du téléphone de l’opérateur gestionnaire (la doctrine administrative conseillait déjà une ligne téléphonique distincte ; voir Le service extérieur des pompes funèbres, précité, p. 61) sur la porte de la chambre Funéraire lorsque cette adresse correspond à celle de l’établissement où cet opérateur fournit les autres prestations du service extérieur des pompes funèbres, ainsi que les mentions figurant dans les avis nécrologiques publiés dans la presse.
Outre le fait que le juge stigmatise clairement des pratiques usuelles des professionnels en la matière, ces précisions apportées sur le sens qu’il convient de donner aux dispositions du Code général des collectivités territoriales concernant la neutralité de la chambre Funéraire invitent à s’interroger sur la nécessité pratique d’une distinction juridique entre le gestionnaire et l’opérateur Funéraire, quand ce gestionnaire fournit également les autres prestations du service extérieur des pompes funèbres ; en d’autres termes, il semble que la seule façon d’échapper à toute critique du juge consiste, pour les opérateurs privés, à créer deux personnes morales distinctes - l’une gérant la chambre Funéraire, la seconde assurant les autres prestations de l’article L. 2223-19 du CGCT - dont les appellations ne peuvent être confondues.
Il résulte donc de ces éléments qu’un numéro de téléphone différent de celui de l’opérateur doit être utilisé dans les documents relatifs à la chambre Funéraire (l’arrêt précité de la dixième chambre de la Cour d’appel de Lyon du 30 octobre 2007 va indubitablement dans ce sens).

Damien Dutrieux

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations