Nous sommes arrivés sur les lieux 24 h après les faits. Seule la femme de ménage était présente, la famille ayant préféré quitter la maison. Elle nous ouvre et nous indique la porte de la chambre du doigt. Elle reste sur le seuil, découvrant la scène en même temps que nous. Les informations fournies par la petite-fille du défunt se révèlent inexactes : son grand-père ne s’est pas suicidé avec une balle pleine, mais à la chevrotine… , les murs ne sont pas peints, mais tapissés.
Les termes du devis vont devoir être rediscutés. La question est réglée rapidement au téléphone. Nous nous mettons immédiatement au travail. Nous déchargeons notre matériel, enfilons nos combinaisons de protection, nos deux paires de gants, nos masques, lunettes et autres surbottes. Fin prêtes, nous nous répartissons les tâches. Virginie s’attaque aux murs, elle se rend vite compte que le papier peint ne pourra pas être nettoyé, il ne lui reste plus qu’à décoller les lais souillés par les projections de sang et matières. Anne grimpe sur l’escabeau et entreprend de frotter la totalité de la surface du plafond, mouchetée de taches de sang, faisant apparaître au fur et à mesure les plombs incrustés dans le plâtre.

Auparavant, nous avions conditionné les draps et vêtements tachés dans des cartons destinés au centre de retraitement des DASRI (Déchets des Activités Sanitaires à Risque Infectieux). Les heures passent et le travail avance, nous avons encore la moquette à découper et à décoller. Elle rejoindra les autres DASRI. La chambre est nettoyée et désinfectée en surface, ne reste plus que la désinfection aérienne. Nous installons le nébulisateur au centre de la pièce, et y insérons un bidon d’Anios Spécial DJP SF. Ce produit a une action bactéricide et fongicide. La famille ayant déclaré que le défunt n’était pas malade et que son corps n’était pas resté sur place plus de 48 h, les actions virucides et sporicides ne sont pas nécessaires. Le temps de contact du produit est d’une demi-heure, puis nous ouvrons grand les fenêtres de la pièce afin de renouveler l’air ambiant. Nous en profitons pour nettoyer notre matériel et charger notre véhicule. Notre intervention est terminée, elle a duré près de huit heures. La pièce est salubre.

Nous avons créé manes, ium il y a quelques mois. À ce jour, nous constatons que les nettoyages et désinfections après suicides par arme à feu constituent l’essentiel de notre activité. Dans ces cas dramatiques et soudains, les proches se retrouvent totalement démunis en face des considérations matérielles et pratiques. Les pompes funèbres ont procédé à la levée du corps, organisé les funérailles, déchargeant la famille et la guidant en ces moments difficiles. Reste le problème de la remise en état des lieux du drame. Et c’est là que nous intervenons. Notre rôle consiste à permettre aux survivants de réinvestir la ou les pièces concernées. Celles-ci étant, après notre action, parfaitement salubres, ils pourront entreprendre des travaux de rénovation et de décoration, sans risque sanitaire. En effet, la putréfaction d’un corps génère un risque pathogène important. Elle résulte d’une autodigestion tissulaire, mais aussi des bactéries intestinales qui se répandent. Les premières escouades d’insectes apparaissent quelques heures après la mort, selon les conditions météorologiques, la ventilation du lieu… Sans l’intervention de professionnels, la salubrité des lieux ne peut être garantie. En outre, les familles qui décident de prendre en charge elles-mêmes le nettoyage des scènes de suicide ne mesurent pas l’impact émotionnel auquel elles s’exposent. Le traumatisme peut être extrêmement durable, et pénible à dépasser. Enfin, les particuliers n’ont pas accès au circuit de retraitement des DASRI, sévèrement réglementé. Ceux-ci sont donc évacués comme n’importe quel déchet ménager. Là encore, le risque sanitaire est important.

Notre objet social est le nettoyage et la désinfection après décès. À l’heure actuelle, cette activité n’est pas reconnue dans notre pays. Nous nous sommes donc dans un premier temps inspirées des sociétés outre-Atlantique spécialisées dans ce secteur ; puis nous avons contacté le ministère de la Santé et avons étudié les normes hospitalières en vigueur.

Le nettoyage est un préalable incontournable, car on ne peut désinfecter que ce qui est propre. Un nettoyage soigneux et minutieux précède donc la désinfection. L’élimination des salissures optimise l’action du désinfectant. L’action mécanique et chimique supprime les substances interférentes et leur adhérence. Tous les déchets, ainsi que les textiles souillés par des liquides biologiques sont évacués selon les circuits réservés aux DASRI dans des conditionnements spécifiques. On peut ensuite procéder à la désinfection des lieux. L’objectif est de réduire les micro-organismes (bactéries, champignons, virus) présents sur des objets, sur des surfaces verticales ou horizontales, et dans l’air ambiant. La désinfection consiste à mettre les micro-organismes en contact avec une solution désinfectante à une concentration adéquate, et durant un temps donné.

À partir de ces éléments, nous avons élaboré une procédure d’intervention :
1 - Étude du lieu à rendre salubre à partir d’un questionnaire précis rempli par le client et destiné à établir rapidement un devis.
2 - Si présence d’insectes : utilisation d’insecticides.
3 - Nettoyage soigneux et minutieux par application manuelle d’un détergent ou d’un nettoyant-désinfectant sur les surfaces horizontales ou verticales, sur le matériel fixe et mobile, ou le mobilier.
4 - Récupération des déchets mous (DASRI) et conditionnement dans des cartons prévus à cet effet, collectés par la suite par un organisme agréé.
5 - Aérosolisation (homologation ministérielle Norme Afnor 72.281).
Mise en place du nébulisateur au centre de la pièce avec la solution adaptée.
Mise en marche de l’appareil avec port d’un masque à cartouche filtrante.
Verrouillage des accès.
Apposition d’une pancarte "Accès interdit".
Temps de contact : entre une demi-heure et deux heures.
Renouvellement du volume d’air 5 à 7 fois.

Vêtements de protection pour les intervenants : combinaisons de catégorie III (risque  chimique), gants simples, gants en néoprène ou nitrile, masques respiratoires à cartouche filtrante, lunettes masques, surbottes.
Nous avons professionnalisé cette activité encore balbutiante en Europe. Les particuliers ou sociétés de nettoyage classique ne peuvent garantir un tel résultat, que ce soit au niveau du service au client et de la salubrité du lieu du drame, ou au niveau de la protection des intervenants.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations