Depuis 3 ans chef du service des cimetières de Paris, Pascal-Hervé Daniel présente la politique de sauvegarde du patrimoine artistique et historique de la ville de Paris. Dans le souci de mieux répondre aux attentes des parisiens, il met en place une vraie stratégie de préservation du patrimoine et d'amélioration des services.

Réson@nce : Monsieur Pascal-Hervé Daniel, vous êtes responsable des cimetières Parisiens depuis maintenant 3 ans. Nous aimerions savoir quelle est votre attitude en matière de conservation et mise en valeur du patrimoine funéraire.

Pascal-Hervé Daniel :
Notre souci est de préserver le patrimoine, mais aussi de garder les cimetières en activité et disponibles pour les habitants de la ville, et non pas de les garder en musées figés, qui ne répondraient pas aux besoins funéraires et aux attentes des familles.

Réson@nce :
Quelle est la situation actuelle ?

Pascal-Hervé Daniel :
Il n’est bien sûr pas question de reprendre des concessions perpétuelles systématiquement et sans discernement, mais en tenant compte de la valeur du patrimoine à conserver. Depuis le 19ème siècle la gestion des terrains des cimetières intra et extra muros, n’a pas laissé d’autre choix, qu’une politique de reprise des terrains compte tenu de l’accroissement continuel de la population parisienne sur la période.  Jusqu’au 10 mars 2003, il n’y avait que des sépultures perpétuelles dans les cimetières intra-muros. Dans le cas de nombreuses sépultures à l’état d’abandon, dont certaines sont bicentenaires, et  dont les familles ne se sont plus manifestées d’une manière ou d’une autre depuis plusieurs années, il faut mettre en œuvre la procédure de reprise administrative de concession conformément à l’application du Code Général des Collectivités Territoriales (CGTC).

Réson@nce :
En cas de reprise de concessions quels sont les critères de préservation d’une sépulture ?

Pascal-Hervé Daniel : Il y a une étude systématique, concession par concession, pour déterminer l’intérêt patrimonial, architectural et historique de la sépulture. Il faut rechercher si dans la liste des personnes inhumées, il n’y a pas une personne qui ait une notoriété historique. S’il y a un doute, la procédure peut aller jusqu’à son terme, mais cela ne veut pas dire pour autant que la sépulture disparaîtra.

Une sépulture appartient en toute propriété à son concessionnaire, puis à ses ayant droits, en conséquence dans le cas d’un projet de sauvegarde ce sont les seules personnes qui ont la possibilité de l’initier. S’ils ne le souhaitent pas, pour que la ville puisse entreprendre ces travaux, elle devra d’abord  mener à son terme la procédure de reprise administrative de la sépulture dans son intégralité en suivant les règles édictées par le (CGCT). Cette phase de réappropriation de la sépulture par l’administration est une condition nécessaire en droit, pour que la ville de Paris puisse agir sur sa conservation. Ensuite selon les cas, la ville étant propriétaire pourra soit effectuer les travaux, soit trouver un mécène pour les financer. Par exemple, dans le cas de personnalités d’origine étrangère inhumées dans un cimetière parisien, ou bien qui y ont été inhumées et dont les corps ont été transférés, lorsque les monuments cénotaphes sont toujours en place, nous pouvons être en contact avec les représentations diplomatiques pour qu’ils assurent la restauration des sépultures.

C’est le cas actuellement, par exemple, de 180 sépultures qui intéressent  le gouvernement polonais, qui souhaiterait   les restaurer. Les travaux ont débuté en 2006 sur des concessions du cimetière de Montmartre. Outre les  gouvernements ou représentations diplomatiques étrangères et selon les cas, il est aussi possible de trouver un autre mécène en fonction de la personnalité du défunt ou de l’artiste, qui a réalisé le monument.

Réson@nce : Êtes-vous seul à prendre les décisions ?

Pascal-Hervé Daniel : Non bien sûr ! Les agents du service des cimetières ne font qu’appliquer en tout domaine, la politique funéraire de l’exécutif parisien. Dans le domaine particulier de la restauration du patrimoine, interviennent également, la Commission d’architecture funéraire de la ville de Paris, la Commission du vieux Paris sans oublier la direction de l’architecture et du patrimoine. Les sites historiques intéressent également les  architectes des bâtiments de France, dépendant des services de l’État. Dans un site classé comme le Père-Lachaise, rien ne peut se faire sans l’accord de l’architecte des bâtiments de France compétent sur le cimetière.

Réson@nce :
Quel est le rôle de l’architecte des bâtiments de France:

Pascal-Hervé Daniel :
Sa mission principale est de conserver le patrimoine du site.
Il va étudier la mise en valeur du cimetière, et déterminer en fonction de critères, architecturaux, environnementaux et patrimoniaux comment mettre en valeur les monuments qui ont une valeur architecturale. Il contrôle également la qualité des réhabilitations des monuments anciens, et donne son accord pour tous les nouveaux projets  de nouveaux monuments,  afin qu’ils s’insèrent dans les paysages historiques du cimetière. Dans le cas du Père-Lachaise, une paysagiste de la direction des parcs et jardins et espaces verts travaille avec des plans anciens du cimetières et nous fournit de précieuses informations sur l’évolution des paysages au cours des deux siècles précédents : Certains paysages qui avaient totalement disparu du fait de la surexploitation du site, sont réhabilités en fonction des reprises que nous arrivons à mener. C’est donc un véritable travail d’équipe aux compétences multiples qui assure la conservation et la mise en valeur du patrimoine funéraire.

Dans le cas du cimetière du Père-Lachaise, par exemple, l’architecte des bâtiments de France a défini un périmètre protégé pour lequel un cahier des charges rigoureux a été établi pour la construction et la restauration des monuments. Rien n’est fait avant une étude minutieuse de chaque cas, ainsi sur 69 000 concessions au Père-Lachaise, seulement 320 sont reprises à des fins de lotissement chaque année, ce qui ne représente en fait que 0,46% des concessions. Ce ratio semble totalement en adéquation avec l’ambition de conserver intelligemment le patrimoine, qui doit l’être tout en assurant la rotation de terrains pour permettre de conserver un cimetière en activité. L’architecte des bâtiments de France pourra autoriser la construction de nouveaux monuments en secteur protégé, s’ils sont construits en fonction du cahier des charges et s’ils sont  de qualité ; le cimetière n’étant plus seulement le témoignage d’un passé lointain, mais le reflet de notre époque. C’est aussi l’une de nos responsabilités de laisser s’épanouir l’art funéraire du XXI ème  siècle qui reflète les moeurs funéraires de notre époque.

On peut aussi pour préserver des sépultures dont la valeur artistique est reconnue, mais qui n’appartiennent plus à personne, effectuer une reprise administrative et revendre le monument avec une nouvelle concession, seuls les noms seront changés.

D’autre part, dans le cadre de la préservation du patrimoine, il faut signaler que le cimetière a été l’objet de vols d’œuvres d’arts, et suite à une enquête de police, 12 bustes ont été restitués à ce jour, parmi lesquels se trouve le buste du compositeur Georges Bizet. Tous seront remis en place dans un avenir très proche.

Réson@nce : Quels sont vos projets pour l’avenir.

Pascal-Hervé Daniel : Notre volonté est de faire évoluer la conservation du patrimoine en terme de mise en valeur.
A cet effet, le poste d’historien des cimetières, dont la mission est fondamentale dans la sécurisation des reprises administratives que nous venons de décrire, va évoluer cet été par l’arrivée à ce poste, d’un conservateur du patrimoine.  Sa première mission sera d’étudier l’extension des secteurs protégés en coordination avec les architectes des bâtiments de France, comme il en existe déjà au Père-Lachaise et à Montparnasse, à l’ensemble des cimetières parisiens et en mettant en place un cahier des charges adapté à chaque nécropole, ce qui permettra de sauvegarder un plus grand nombre de monuments. D’autre part, toutes les pistes légales permettant de développer la conservation du patrimoine funéraire seront étudiées. 

Pour finir, nous avons encore beaucoup de projet à l’étude tels que l’amélioration de la signalétique, l’installation de bornes informatiques  et la continuation de l’amélioration de la qualité de l’accueil des usagers et du public. Nos efforts se portent sur la préservation du patrimoine, sans pour autant rester figés dans une optique de cimetières-musées. Mais, en permettant la mise en valeur des sites et en remplaçant les sépultures qui n’ont ni valeur historique, ni architecturale, pour laisser place à des monuments qui soient le reflet de l’époque actuelle, qui seront les monuments représentatifs du 21ème siècle.
Des musées à ciel ouvert, oui, mais des musées vivants…

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations