M. Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, se réjouit de l’adoption par le Sénat, le 24 mars dernier de son amendement visant à rétablir les deux articles sur les contrats obsèques : "les décisions unanimes du parlement doivent être respectées"…

 

Résonance : Jean-Pierre Sueur, pouvez-vous nous expliquer ce qu’il s’est passé et pourquoi vous êtes revenu au Sénat sur la question des contrats obsèques ?

Jean-Pierre Sueur : Vous vous souvenez que la proposition de loi sur la législation funéraire que j’avais présentée a été votée par le Sénat puis par l’Assemblée nationale et, à nouveau, par le Sénat à l’unanimité. Ce texte a été promulgué par le président de la République le 19 décembre 2008 et est paru au Journal Officiel le 20 décembre 2008. L’Assemblée nationale avait introduit dans ce texte deux articles sur les contrats obsèques avec – j’insiste là-dessus – l’accord du gouvernement.

Ces deux articles ont été maintenus par le Sénat et sont donc inscrits dans la loi. Ce sont les articles 8 et 9. Le premier prévoit que le capital versé par le souscripteur d’un contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance produit intérêt à un taux au moins égal au taux légal. Il s’agit d’une mesure protectrice pour toutes les personnes qui concluent des contrats obsèques. Le second article crée un fichier national destiné à centraliser tous les contrats conclus. Il s’agit, là aussi, d’une mesure protectrice qui doit permettre de savoir lors d’un décès que le défunt a conclu un contrat obsèques. On ne le sait pas toujours et lorsqu’on l’ignore la famille se trouve lésée. Je sais que ces deux dispositions ont suscité des réactions dans le monde des assurances. Mais la méthode utilisée pour tenter de les supprimer est plus que contestable… puisqu’il s’agit d’une ordonnance parue le 30 janvier 2009.

Résonance : Pouvez-vous nous en dire plus sur cette ordonnance ?

Jean-Pierre Sueur : Comme vous le savez, quand le Parlement habilite le Gouvernement à rédiger une ordonnance, il l’autorise à faire un texte qui aura, in fine, force de loi. On recourt à cette procédure pour des sujets a priori techniques. Je pense, pour ma part, qu’on fait aujourd’hui un usage excessif des ordonnances. Quoi qu’il en soit, l’ordonnance qui a été publiée le 30 janvier 2009 et qui comportait donc un article annulant les deux articles de la loi du 19 décembre 2008 traitant des contrats obsèques l’a été sur la base d’une loi d’habilitation promulguée… le 8 août 2008. Il est facile de comprendre qu’au moment où cette loi a été discutée, en juillet 2008, le législateur ne pouvait en aucun cas avoir l’intention d’abroger des articles de loi adoptés par l’Assemblée nationale … en novembre 2008… puisque les députés comme les sénateurs ignoraient que ces articles seraient présentés puis adoptés. Je rappelle en effet que ces articles proviennent d’amendements déposés à l’Assemblée nationale en novembre 2008 !

De surcroît, la loi d’habilitation du 8 août 2008 avait un objet précis. Cet objet, c’était l’adaptation de la législation au droit communautaire par la transposition de directives de 2005 et de 2007… et non de la directive 2002/83/CE du 5 novembre 2008 qui concerne l’assurance directe sur la vie !
Les rédacteurs de l’ordonnance se sont donc doublement fourvoyés. J’ajoute qu’il est, pour le moins, inélégant de supprimer, deux mois après leur adoption, deux articles d’une loi votée unanimement par les deux chambres du Parlement avec l’accord du Gouvernement.

Résonance : Qu’avez-vous fait ?

Jean-Pierre Sueur : Nous avons tout simplement déposé un amendement à la récente proposition de loi de simplification administrative dont l’objet est de supprimer l’article de l’ordonnance et de rétablir les articles 8 et 9 sur la législation funéraire. Cet amendement a été voté au Sénat à l’unanimité moins une voix.

Résonance : Et maintenant… ?

Jean-Pierre Sueur : Maintenant, j’espère que cet amendement sera adopté par l’Assemblée nationale. Et j’espère que le ministère des Finances et ceux qui ont dû l’inspirer comprendront le message !

Je dis aux représentants des assurances qui souhaitent faire valoir leur point de vue sur l’application de la future loi que je suis ouvert à la discussion. Mais la méthode qui a été employée avec ce recours à l’ordonnance est la pire de toutes. La moindre des choses est que nous soyons attachés aux droits et aux votes du Parlement, surtout quand il s’exprime à l’unanimité.

Propos recueillis par
Maud Batut

Proposition de Loi
Simplification du droit
(1ère lecture)
(n° 210 , 209 , 225, 227)

AMENDEMENT

présenté par

M. SUEUR, Mme BONNEFOY, MM. BOTREL, COLLOMBAT, YUNG
et les membres du Groupe Socialiste, apparentés et rattachés

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 14 TER

Après l'article 14 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L'article L. 2223‑34‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le capital versé par le souscripteur d'un contrat prévoyant des prestations d'obsèques à l'avance produit intérêt à un taux au moins égal au taux légal. » ;

2° L'article L. 2223‑34‑2 est ainsi rétabli :

« Art. L. 2223‑34‑2. - Il est créé un fichier national destiné à centraliser les contrats prévoyant des prestations d'obsèques à l'avance souscrits par les particuliers auprès des entreprises visées à l'article L. 310‑1 du code des assurances et des mutuelles et unions mentionnées à l'article L. 111‑1 du code de la mutualité.

« Les modalités d'application du présent article, y compris la durée de conservation des informations enregistrées, sont déterminées par décret en Conseil d'État après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

Objet
Cet amendement a pour objet de rétablir les dispositions des articles 8 et 9 de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, qui concernent les contrats prévoyant des prestations d'obsèques à l'avance et qu'une ordonnance du 30 janvier 2009 a subrepticement et indûment remis en cause.

Les dispositions en question ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée nationale, le 20 novembre dernier, avec l'avis favorable du Gouvernement, puis par le Sénat, le 10 décembre dernier.
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Elles étaient destinées à renforcer les garanties des familles endeuillées, d'une part en prévoyant que le capital versé par le souscripteur d'un contrat prévoyant des prestations d'obsèques à l'avance produit intérêt à un taux au moins égal au taux légal, d'autre part en créant un fichier national des contrats prévoyant des prestations d'obsèques à l'avance souscrits par les particuliers auprès des entreprises d'assurance.

Curieusement, ce même Gouvernement les a remises en cause, peu après leur entrée en vigueur, par une ordonnance n° 2009‑106 du 30 janvier 2009 portant sur la commercialisation des produits d'assurance sur la vie et sur des opérations de prévoyance collective et d'assurance.

Les auteurs de l'amendement considèrent que le Gouvernement a excédé le champ de son habilitation à un double titre.

En premier lieu, l'ordonnance a été prise sur le fondement d'une habilitation délivrée par l'article 152 de la loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

Il ne pouvait bien évidemment pas être dans les intentions des parlementaires, à l'été 2008, d'habiliter le Gouvernement à remettre en cause des dispositions qu'ils allaient adopter quelques mois plus tard.

En second lieu, rien dans le texte même de l'article 152 de la loi du 4 août 2008 qui habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures tendant à amoindrir les garanties des familles endeuillées.

L'habilitation à adapter la législation au droit communautaire vise la transposition de directives qui datent de 2005 et de 2007 et non celle de la directive 2002/83/CE du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie, à laquelle le rapport de présentation de l'ordonnance au Président de la République fait référence.

Au demeurant, la non-conformité de l'article 8 de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire à l'article 20 de cette directive n'est pas établie : il appartiendra le cas échéant à la Commission européenne d'introduire un recours en manquement contre la France. Quant aux dispositions prévoyant la création d'un fichier national des contrats en prévoyance d'obsèques, il est certain qu'elles ne sont pas contraires au droit communautaire.

En conclusion, le Parlement ne saurait admettre la remise en cause, par la voie d'une ordonnance dépourvue de véritable base légale, de dispositions adoptées il y a peu, à l'unanimité et avec l'avis favorable du Gouvernement.

 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations