À l’occasion d’une réponse écrite publiée le 16 juin 2009, le ministre de la Justice a rappelé la procédure applicable en cas de contestation sur la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles.
La police des funérailles doit s’inscrire dans le respect du principe de laïcité et dans celui de la liberté des funérailles, qui lui est historiquement liée. S’appliquent les dispositions de l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 (DP 1887, législ. p. 101) selon lesquelles tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, a le droit "de régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture".
Cette liberté est protégée par le Code pénal qui érige en délit le non-respect de la volonté du défunt (art. 433-21-1).
Toutefois, avant un éventuel contentieux pénal, existe au préalable la possibilité de saisir le juge d’instance, comme le rappelle le ministre de la Justice dans une réponse récente (Rép. Min. n° 48153, JOAN Q 16 juin 2009, p. 5936) lorsque la volonté du défunt ne semble pas être respectée.
Expression de la volonté présumée du défunt
Lorsque les conditions des funérailles n’ont pas été expressément formulées, il va donc importer de déterminer quelle est la personne la plus apte à connaître les volontés du défunt quant à l’organisation de ses obsèques. Les textes ne sont, dans ce domaine, d’aucun secours puisque s’il est fréquemment fait référence dans le Code général des collectivités territoriales à "la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles", aucune définition légale ou réglementaire n’est donnée de cette personne.
L’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 (annexée : JO 28 sept. 1999 et mise à jour par l’IGEC, 29 mars 2002 : JO 28 avr. 2002, p. 7719) rappelle (§ 426), à propos de la définition de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, que :
"Les textes ne donnent aucune précision sur la définition de cette personne. Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées :
1. La loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles pose pour principe que c’est la volonté du défunt qui doit être respectée ; en conséquence, lorsqu’une personne a été nommément désignée par un écrit ou dans le testament du défunt, c’est elle qui est chargée de l’organisation des obsèques ;
2. Lorsque aucun écrit n’est laissé par le défunt, ce sont les membres de la famille qui sont présumés être chargés de pourvoir aux funérailles ; enfin, lorsqu’il n’y a ni écrit, ni famille ou que celle-ci ne se manifeste pas ou reste introuvable, la personne publique (commune) ou privée qui prend financièrement en charge les obsèques a qualité pour pourvoir aux funérailles. Il appartient au juge civil, seul compétent en la matière, de décider quel membre de la famille ou quel héritier est, suivant les circonstances, le plus qualifié pour l’interprétation et l’exécution de la volonté présumée du défunt. En vertu d’une jurisprudence constante, le conjoint survivant a la priorité pour régler les conditions de la sépulture du défunt même sur les autres membres de la famille. Ce droit n’est cependant ni exclusif ni absolu. Des circonstances particulières peuvent faire écarter le droit du conjoint survivant. La Cour de cassation considère qu’à défaut d’ordre de préférence légal, il faut chercher les éléments permettant de déterminer qui apparaît comme le meilleur interprète des volontés du défunt (Cass. 1re civ., 14 oct. 1970, Vve Bieu c/ Cts Bieu. - CA Paris, 20 mai 1980, Nijinski et a. c/ Serge Lifar)".
Compétence du juge civil
Comme le rappelle le ministre de la Justice dans la réponse ci-après annexée, le juge d’instance est compétent pour trancher les litiges familiaux relatifs aux funérailles (Code de l’organisation judiciaire, ancien art. R. 321-12 devenu R. 221-7. - V. également CA Douai, 14 juin 1999 : Petites affiches 1er sept. 1999, p. 10, note X. Labbée).
Le juge, selon l’article 1061-1 du Code de procédure civile, statue dans le jour de l’assignation et appel peut être interjeté dans les vingt-quatre heures. Le premier président de la cour d’appel statue immédiatement.
Le juge d’appel ne peut déclarer le recours irrecevable quand il est formé un lundi alors que l’expiration du délai d’appel intervenait un samedi (Cass. 1re civ., 1er juin 2005, pourvoi n° 05-15.476. - Pour une illustration récente de ce contentieux, CA Paris, ord. réf., 3 juin 2005 - Cass. 1re civ., 15 juin 2005 : Dr. famille 2005, comm. 193, note B. Beigner).
Si la décision du juge est notifiée au maire, l’ancien article R. 321-12 précisait qu’il n’est pas "porté atteinte aux attributions de ce dernier, concernant les mesures à prendre dans l’intérêt de la salubrité publique". Ainsi, si le juge détermine la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, le maire pourra opposer à cette personne un refus, si les demandes qui lui sont présentées ne répondent pas aux conditions posées par le Code général des collectivités territoriales.
Ce contentieux ne doit pas être confondu avec le contentieux civil de l’utilisation de la sépulture qui ressort de la compétence du tribunal de grande instance (V. notamment, Cass. 1re civ., 23 mai 2006, pourvoi n° 05-13774 ; Dr. famille 2006, comm. 195, note D. Dutrieux).
Le respect de la volonté du défunt va également permettre d’obtenir - mais il s’agit alors d’un contentieux différent puisqu’il intervient après les funérailles - l’exhumation d’un défunt (CA Poitiers, 7 mars 2007, B. c/ L. ; V. D. Dutrieux, Volonté du défunt et volonté du fondateur de la sépulture : JCP N 2008, n° 16, 18 avril 2008, 1178, p. 24).
Ainsi, plutôt que tenter de régler par la négociation des conflits familiaux des plus passionnels et risquer des poursuites pénales pour non-respect de la volonté du défunt, le maire doit, dès lors qu’il a connaissance d’un conflit en la matière, surseoir à statuer sur les demandes d’autorisation et inviter les parties à saisir le juge d’instance.
Damien Dutrieux
Annexe 13e législature
Question N° : 48153 | de Mme Reynaud Marie-Line ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Charente ) | QE |
Ministère interrogé : | Justice | |
Ministère attributaire : | Justice | |
Question publiée au JO le : 05/05/2009 page : 4153 | ||
Réponse publiée au JO le : 16/06/2009 page : 5936 | ||
Rubrique : | mort | |
Tête d’analyse : | funérailles | |
Analyse : | habilitation. réglementation | |
Texte de la QUESTION : | Mme Marie-Line Reynaud attire l'attention de Mme le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur la loi du 19 décembre 2008, relative à la législation funéraire. Les articles 15 et 16 du texte de loi font référence à la "personne habilitée à pourvoir aux funérailles". Cette formulation ne posera aucun problème lorsque le défunt aura désigné cet individu mais ce terme imprécis ouvre la porte à de multiples interprétations, qui sont potentiellement source de conflits, lorsque personne n'aura été désigné préalablement. Elle lui demande de bien vouloir indiquer qui désignera "la personne habilitée" en cas de litige et de préciser par quelle procédure, à l'initiative de qui et sur quels critères. | |
Texte de la REPONSE : | Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la notion de "personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles", dont use l'article 16 de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, constitue la reprise d'une notion qui, tout à la fois, figurait déjà dans plusieurs articles du code général des collectivités territoriales, et est familière à la jurisprudence judiciaire. L'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, en reconnaissant à toute personne majeure, ainsi qu'au mineur émancipé, le droit de décider librement des conditions de ses propres funérailles, a consacré le principe fondamental du respect des volontés du défunt. À défaut d'expression de celles-ci sous la forme d'un testament ou d'une déclaration sous signature privée, désignant nommément la personne chargée des obsèques, on entend par « personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles » toute personne qui, par le lien stable et permanent qui l'unissait à la personne défunte, apparaît ou peut être présumée la meilleure interprète des volontés du défunt. S'il agit, en règle générale, d'un proche parent (conjoint survivant lorsque les époux vivaient en bonne intelligence, père et mère, enfants, collatéraux les plus proches), on conçoit aisément que la loi ne puisse procéder à sa détermination a priori. En cas de contestation sur les conditions des funérailles, celle-ci doit être tranchée par le tribunal d'instance dans le ressort duquel s'est produit le décès, dont la compétence se fonde sur les articles 1061-1 du code de procédure civile et R. 221-7 et R. 221-47 du code de l'organisation judiciaire. Il appartient à cette juridiction, saisie par la partie la plus diligente, de statuer dans les vingt-quatre heures. La demande, qui peut être formée par assignation, peut l'être aussi par remise au greffe d'une simple requête et ne nécessite pas le concours d'un avocat. |
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