Le maire autorisant l'exhumation engage la responsabilité de la commune s'il ne procède pas à la vérification de la qualité du demandeur.
L'exhumation est une opération qui consiste à sortir le corps d'une sépulture en vue de son inhumation dans une autre sépulture, dans l'ossuaire du cimetière communal ou en vue de sa crémation. Elle doit faire l'objet d'une autorisation délivrée par le maire (CGCT, art. R. 2213-40). Il importe de ne pas la confondre avec l'opération de réduction (appelée "réunion" quand elle concerne plusieurs corps) qui résulte de la réunion d'ossements dans un reliquaire afin de libérer une place dans un caveau ou une sépulture en pleine terre (voir notamment CE 11 décembre 1987, n° 72998, commune de Contes : Rec. CE p. 413 ; CA Caen, RG 03/03750, 19 mai 2005 : Collectivités - Intercommunalité 2005, comm. 185, note D. Dutrieux).

Il est aisément compréhensible qu'existe en la matière une grande sensibilité des familles, générant un contentieux, lorsque l'exhumation est pratiquée, puisque - pour reprendre l'intéressante formule d'un rapport parlementaire des sénateurs Lecerf et Sueur publié en 2006 - en quelque sorte, en même temps qu'est violée la paix des morts, se trouve troublée la sérénité des vivants (D. Dutrieux, Le contentieux de l'exhumation [note sous TA Amiens 27 avril 2006, TA Nice 7 mars 2006 et CAA Douai 22 juin 2006] : JCP A, n° 20, 14 mai 2007, 2122, p. 42).

Si les autres autorisations en matière d'opérations funéraires (transport de corps, soins de conservation, moulage, mise en bière, inhumation, crémation) sont délivrées à la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, l'exhumation en revanche est autorisée à la demande du plus proche parent du défunt. C'est parce que le maire en l'espèce n'a pas vérifié la qualité de plus proche parent du défunt que la commune a vu sa responsabilité engagée, sur le fondement de la faute simple (la faute lourde s'imposait jusqu'en 1998 : CAA Nantes 30 septembre 1998, n° 96NT01061, Mordellet :Rec. CE, tables p. 1064 ; Dr. adm. 1999, comm. 57) devant le juge administratif.

Si la Cour administrative d'appel de Bordeaux reprend les principes posés par le Conseil d'État le 9 mai 2005, elle semble innover en ce qu'elle refuse la hiérarchie proposée par le ministère de la Justice et utilisée par de nombreuses communes sans véritablement justifier sa position.

Au préalable, il convient de relever que, avec l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, l'exhumation pour pratiquer une crémation implique par surcroît désormais la vérification par le maire que le défunt n'était pas opposé à la crémation (D. Dutrieux, La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire - La fin d'un long processus législatif : JCP A 5 janvier 2009, Act. 2, p. 6).

1 - Les vérifications pour autoriser l'exhumation confirmée !

Les principes posés par le Conseil d'État sont ici repris par la Cour administrative d'appel. En effet dans son arrêt "Rabau" (CE, 9 mai 2005, n° 262977, Rabau : JCP G 2005, II 10131, note D. Dutrieux ; JCP A 2005, p. 1312, chron. MM. Glaser et Séners), le Conseil d'État impose à la commune de vérifier la qualité de plus proche parent du défunt, puis de faire attester sur l'honneur qu'il n'y a pas de plus proche parent au même degré ou que ceux-ci ne s'opposent pas à l'opération.

Cette vérification va le plus souvent impliquer de remplir un formulaire pré-imprimé, qui servira de document attestant l'absence d'opposition des personnes étant au même degré que le demandeur (ou l'absence de telles personnes). La commune exigeant que le formulaire soit accompagné de la preuve de la qualité de parent, preuve apportée notamment par un certificat d'hérédité (à noter que ces certificats ne sont plus délivrés par les juges d'instances ; sur leur délivrance facultative par les mairies et payantes par les notaires : Rép. min. Giudicelli n° 06967 : JO Sénat Q 19 février 2009 p. 449). Il est possible de rappeler que l’attestation sur l’honneur connaît des conséquences importantes du point de vue pénal puisqu’une fausse attestation est réprimée par l’article 441-7 du code pénal (un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende).

En l’espèce, la commune se contentait d’une promesse de porte-fort, qui n’a de valeur qu’en droit civil dans le cadre de rapports familiaux ou de show business.

La Cour, après avoir reproduit ce considérant de l'arrêt "Rabau", constate donc la faute de la commune et indemnise les enfants du défunt du préjudice subi en prenant soin d'éviter que le même préjudice se trouve deux fois réparé en raison de l'intervention d'une décision du juge judiciaire.

2 - Une nouvelle hiérarchie définie ?

Toutefois, la Cour prend soin de poser une hiérarchie entre les parents en l'espèce, hiérarchie contraire à celle proposée dans l'instruction générale relative à l'état civil. Or, cette instruction du 11 mai 1999, que la Cour écarte expressément, est utilisée par de nombreuses communes et l'on comprend difficilement sur quoi est fondée la nouvelle hiérarchie proposée.

En effet, l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999 (annexée : JO 28 septembre 1999 et mise à jour par l'IGEC, 29 mars 2002 : JO 28 avril 2002, p. 7719) qui indique (§ 426-7) dans une note que : "À titre indicatif et sous réserve de l'appréciation de tribunaux, en cas de conflit, l'ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents (père et mère), les frères et sœurs." Contrairement à ce que peut laisser penser la lecture de la décision de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, cette instruction vise justement l'autorisation d'exhumation.

La Cour affirme de façon péremptoire que la commune ne peut "soutenir que les enfants de M. Claude ne pourraient être regardés comme étant parents de ce dernier au moins au même degré de parenté que Mme C épouse". Ainsi, la veuve est au même degré que ses enfants selon la Cour ; mais pourquoi compliquer le schéma beaucoup plus simple et opérationnel défini par le ministre de la Justice qui place la veuve et le veuf en première position (tant qu'il n'a pas contracté une nouvelle union). Cette préférence au conjoint existe concernant l'organisation des obsèques - l'intimité du couple laissant présumer une bonne connaissance des volontés du défunt (V. notamment D. Dutrieux, Opérations funéraires : Juris-Classeur Collectivités territoriales, fasc. 717, § 5) - sa reprise comme critère de proche parent du défunt ne constituait pas une aberration, dès lors qu'il s'agit de déplacer le corps et de modifier la sépulture.

Aucune jurisprudence administrative n'avait jusque-là remis en cause l'ordre proposé et il paraît évident qu'il conviendra d'attendre une prise de position sur ce point par le juge de cassation. Il convient effectivement de rappeler que le Conseil d'État, sans fixer cet ordre, a considéré que la responsabilité de la ville de Marseille était engagée en raison de la délivrance d'une autorisation d'exhumer au frère du défunt alors que les services municipaux connaissaient l'existence d'une veuve (CE 27 avril 1987, n° 38492, Ségura : Dr. adm. 1987, comm. 334). La Cour administrative d'appel de Nantes a condamné quant à elle une commune en raison de l'absence de vérification de la qualité de plus proche parent du défunt (CAA Nantes 30 septembre 1998, n° 96NT01061, Mordellet, précité ; il s'agissait d'une autorisation d'exhumation de ses beaux-parents accordée à leur belle-fille - titulaire de la concession funéraire - au mépris des droits de la fille des personnes exhumées).

Si l'existence d'une faute et d'une responsabilité est peu contestable, il convient donc de demeurer plus réservé sur l'affirmation de la Cour posant une hiérarchie sans véritablement la justifier. Toutefois, sauf hypothèse où n'existeraient que des enfants mineurs du même lit, il conviendra par souci de sécurité juridique, dans l'attente d'une éventuelle infirmation par le Conseil d'État, en cas de demande d'exhumation de son époux par une veuve (ou l'inverse !) de faire attester l'absence d'opposition des enfants du défunt (majeurs ou nés d'une autre union).
 
Damien Dutrieux
 
Annexe :

Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, n° 07BX00828, 5 juin 2008, Commune de Chauvigny


[…] Considérant que, par décision du 4 avril 2006, le maire de Chauvigny a autorisé Mme C, épouse en secondes noces de M., à procéder à l'exhumation du corps de ce dernier décédé le 4 janvier 2005 et inhumé le 7 janvier 2005 en vue de procéder à sa crémation ; que la commune de Chauvigny fait appel du jugement en date du 15 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers l’a condamnée à verser une indemnité de 5 000 € à chacun des quatre enfants de M. en réparation de leur préjudice moral résultant de l’illégalité fautive dont serait entachée la décision du 4 avril 2006.

Sur la responsabilité de la commune de Chauvigny :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales : "Toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule la demande" ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'exhumation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer, au vu des pièces fournies par le pétitionnaire, de la réalité du lien familial dont il se prévaut et de l'absence de plus proche parent du défunt que lui ; qu'il appartient en outre au pétitionnaire d'attester sur l'honneur qu'il n'existe aucun autre parent venant au même degré de parenté que lui ou, si c'est le cas, qu'aucun d'eux n'est susceptible de s'opposer à l'exhumation sollicitée ; que si l'administration n'a pas à vérifier l'exactitude de cette attestation, elle doit en revanche, lorsqu'elle a connaissance d'un désaccord sur cette exhumation exprimé par un ou plusieurs autres parents venant au même degré de parenté que le pétitionnaire, refuser l'exhumation, en attendant le cas échéant que l'autorité judiciaire se prononce ; Considérant que si le formulaire de demande d'autorisation d'exhumation signé le 31 mars 2005 par Mme C épouse était revêtu de la mention pré-imprimée selon laquelle le pétitionnaire "déclare se porter fort au nom d'éventuels autres ayants droit", ce formulaire ne comportait aucune précision sur le degré de parenté de ces éventuels autres ayants droit et ne permettait donc à la commune de Chauvigny ni de s'assurer de l'absence de plus proche parent du défunt que l'intéressée, ni, en cas de parents venant au même degré de parenté, de s'assurer de l'absence d'opposition de ces derniers ; que la commune de Chauvigny ne saurait se prévaloir utilement de l'évolution sociologique ou d'une instruction générale du 11 mai 1999, qui se rapporte aux actes de l'état civil et non aux autorisations d'exhumation, pour soutenir que les enfants de M. Claude ne pourraient être regardés comme étant parents de ce dernier au moins au même degré de parenté que Mme C épouse ; qu'en conséquence, le maire n'a pu délivrer l'autorisation d'exhumation sollicitée sans méconnaître les dispositions précitées de l'article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales ; qu'ainsi la commune de Chauvigny n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 15 février 2007, le Tribunal administratif de Poitiers a estimé que cette décision était entachée d’une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité à raison du préjudice qui en est directement résulté pour les consorts.

Sur la réparation du préjudice subi par les consorts :

Considérant qu’en fixant à 5 000 € le préjudice moral subi par chacun des enfants de M., le Tribunal administratif de Poitiers en a fait une juste appréciation ; Considérant toutefois que la commune de Chauvigny se prévaut pour la première fois en appel de l'intervention d'un jugement en date du 23 octobre 2006 par lequel le Tribunal de grande instance de Poitiers a condamné Mme C à verser à chacun des quatre enfants de M. une indemnité de 500 € en réparation de leur préjudice moral résultant de l’exhumation et de la crémation du corps de leur père réalisées sans qu'ils aient donné leur accord ou leur avis, de l'impossibilité dans laquelle ils se trouvaient désormais de se recueillir sur la tombe de leur père et de la douleur d'avoir appris tardivement l'opération d'exhumation et de crémation du corps sans avoir été conviés à y assister ; Considérant que le préjudice dont les enfants de M. ont demandé la réparation par la commune de Chauvigny est identique à celui que Mme C a été condamnée à réparer par le jugement précité du Tribunal de grande instance de Poitiers ; que ceux-ci ont droit à ce que leur préjudice soit réparé à hauteur de 5 000 € chacun ; qu’ayant déjà obtenu la condamnation de Mme C au paiement d’une somme de 500 €, dont il n’est pas soutenu qu’elle n’aurait pas été payée, ils sont en droit de prétendre au paiement par la commune de Chauvigny d’une somme de 4 500 € chacun ; Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la commune de Chauvigny est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué du 15 février 2007, le Tribunal administratif de Poitiers l’a condamnée à verser une somme supérieure à 4 500 € à chacun des consorts et à demander , dans cette mesure, la réformation dudit jugement ; […]

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations