Bien que le 28 juin 1935, dans une décision Marecar (Rec., p. 734), le Conseil d’État ait affirmé que les cimetières faisaient partie du domaine public communal, cette même assemblée confirmait la compétence judiciaire dans un arrêt de section rendu le 10 février 1950, Veuve Durand-Sachot, Rec., p. 93.
Avec la réforme du contentieux administratif initiée par les décrets des 30 septembre 1953 et 28 novembre 1953, et par l’arrêt d’assemblée, demoiselle Méline du 21 octobre 1955, le Conseil d’État a tiré les conséquences de l’évolution jurisprudentielle, en ce qui concerne le régime juridique des concessions privatives dans les cimetières en décidant que "les contrats de concessions de terrains dans les cimetières comportaient l’occupation du domaine public communal… ainsi, nonobstant les circonstances que cette occupation n’a pas le caractère précaire et révocable attaché aux occupations ordinaires du domaine public, les litiges relèvent de la juridiction administrative".
L’arrêt demoiselle Méline a été confirmé ultérieurement par deux autres décisions du Conseil, ville de Royan c/ dame Oger du 20 janvier 1956, puis consorts Herail du 11 octobre 1957.
Depuis l’arrêt du Conseil d’État du 12 décembre 1986, consorts Ferry, Recueil Lebon, p. 429 et 605 ; obs. Xavier Pretot, AJDA, 1987, p. 283 ; note Eric Boehler "à propos de la qualification juridique d’un acte de cession à titre gratuit de terrains à une commune, réputée par la haute assemblée d’offre de concours", celle-ci a qualifié un cimetière "d’ouvrage public".
Selon Xavier Pretot, le fait qu’un cimetière ayant la qualité d’ouvrage public, l’offre de concours relative à son extension constitue bien un contrat administratif, ressortant de la compétence de la juridiction administrative.
La compétence judiciaire, n’est pas pour autant bannie, notamment dans le régime juridique des concessions funéraires pour les conflits entre le concessionnaire et ses héritiers et successeurs, voire ceux-ci entre eux, portant sur l’exercice des droits conférés par l’acte de concession, dont le caractère contractuel est désormais établi, ainsi que pour les atteintes aux droits individuels et collectifs de la part de l’administration susceptibles d’être qualifiés de voies de fait ou d’emprises irrégulières.
Le fait de reconnaître au cimetière la qualité d’ouvrage public lui confère une protection juridique relativement assez large.
Durant des décennies, la règle qui prévalait en la matière était le principe de son intangibilité.
En d’autres termes, l’ouvrage public ne se démolissait pas, le juge ne pouvant adresser d’injonction à l’administration.
Par l’application de ce principe, l’intérêt public était privilégié au détriment des intérêts privés.
L’intangibilité de l’ouvrage public a cependant été remise en cause, paraissant trop favorable à l’administration au détriment de l’intérêt particulier. Ainsi, la jurisprudence a progressivement atténué la portée de ce principe au travers de plusieurs décisions, dont :
Avec la réforme du contentieux administratif initiée par les décrets des 30 septembre 1953 et 28 novembre 1953, et par l’arrêt d’assemblée, demoiselle Méline du 21 octobre 1955, le Conseil d’État a tiré les conséquences de l’évolution jurisprudentielle, en ce qui concerne le régime juridique des concessions privatives dans les cimetières en décidant que "les contrats de concessions de terrains dans les cimetières comportaient l’occupation du domaine public communal… ainsi, nonobstant les circonstances que cette occupation n’a pas le caractère précaire et révocable attaché aux occupations ordinaires du domaine public, les litiges relèvent de la juridiction administrative".
L’arrêt demoiselle Méline a été confirmé ultérieurement par deux autres décisions du Conseil, ville de Royan c/ dame Oger du 20 janvier 1956, puis consorts Herail du 11 octobre 1957.
Depuis l’arrêt du Conseil d’État du 12 décembre 1986, consorts Ferry, Recueil Lebon, p. 429 et 605 ; obs. Xavier Pretot, AJDA, 1987, p. 283 ; note Eric Boehler "à propos de la qualification juridique d’un acte de cession à titre gratuit de terrains à une commune, réputée par la haute assemblée d’offre de concours", celle-ci a qualifié un cimetière "d’ouvrage public".
Selon Xavier Pretot, le fait qu’un cimetière ayant la qualité d’ouvrage public, l’offre de concours relative à son extension constitue bien un contrat administratif, ressortant de la compétence de la juridiction administrative.
La compétence judiciaire, n’est pas pour autant bannie, notamment dans le régime juridique des concessions funéraires pour les conflits entre le concessionnaire et ses héritiers et successeurs, voire ceux-ci entre eux, portant sur l’exercice des droits conférés par l’acte de concession, dont le caractère contractuel est désormais établi, ainsi que pour les atteintes aux droits individuels et collectifs de la part de l’administration susceptibles d’être qualifiés de voies de fait ou d’emprises irrégulières.
Le fait de reconnaître au cimetière la qualité d’ouvrage public lui confère une protection juridique relativement assez large.
Durant des décennies, la règle qui prévalait en la matière était le principe de son intangibilité.
En d’autres termes, l’ouvrage public ne se démolissait pas, le juge ne pouvant adresser d’injonction à l’administration.
Par l’application de ce principe, l’intérêt public était privilégié au détriment des intérêts privés.
L’intangibilité de l’ouvrage public a cependant été remise en cause, paraissant trop favorable à l’administration au détriment de l’intérêt particulier. Ainsi, la jurisprudence a progressivement atténué la portée de ce principe au travers de plusieurs décisions, dont :
- Époux Denard, Conseil d’État, 19 avril 1991 : en cas d’erreur manifeste d’appréciation le juge aurait pu décider la démolition d’une partie d’un réseau d’alimentation en eau potable ;
- M. et Mme Binet, Tribunal des Conflits, 6 mai 2002 : cette décision permet au juge judiciaire de décider d’une démolition, lorsque l’ouvrage est établi, consécutivement à une voie de fait. Le juge administratif demeure néanmoins compétent en dehors d’une voie de fait ;
- Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-Maritimes, Conseil d’État 29 janvier 2003, n° 245 239.
Par cet arrêt, il est mis un terme au principe de l’intangibilité absolue de l’ouvrage public, sous réserve néanmoins de plusieurs conditions :
La compétence du juge administratif pour ordonner la démolition de l’ouvrage est confirmée, sur les fondements de l’ancien article L. 911-4 du Code de justice administrative, en l’assortissant des conditions suivantes :
"Considérant que lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’exécution d’une décision juridictionnelle dont il résulte qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de cette décision implique qu’il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher d’abord, si eu égard, notamment, aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général".
Cette décision est à rapprocher de celle de la Cour de cassation, 3e chambre civile du 30 avril 2002, consorts X contre commune de Verdun sur Ariège, n° 01-14-148, arrêt n° 518, dans laquelle l’instance juridictionnelle supérieure en droit judiciaire avait conclu en ces termes :
"Qu’en statuant ainsi (la cour d’appel), alors que si les juridictions de l’ordre judiciaire ne peuvent prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité et au bon fonctionnement d’un ouvrage public, il en va autrement dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage public procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée, la Cour d’appel qui, par un motif non critiqué, a retenu l’existence d’une voie de fait, a violé le texte sus visé".
Force est donc d’admettre que, malgré l’atténuation de la force probante du principe de l’intangibilité de l’ouvrage public, les cimetières en cours de création ou d’agrandissement sont juridiquement encore fortement protégés, eu égard aux procédures complexes et exigeantes à mettre en œuvre, qui font participer les autorités communales et étatiques, alors que parallèlement les mesures d’impact sur la population au niveau des nuisances de toutes sortes, sont évaluées et étudiées, grâce notamment à l’enquête de commodo et incommodo, à l’avis formulé par la commission compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques et l’intervention de l’expert hydrogéologue, afin de sauvegarder l’hygiène et la salubrité publique.
En fait, c’est vraisemblablement au niveau des procédures d’acquisition des terrains, hors le cas de la cession amiable, que les instances communales sont le plus exposées, l’annulation de la déclaration d’utilité publique entraînant la suspension, voire la remise en cause du projet.
Mais à ce stade, l’ouvrage public n’existe pas matériellement, et il appartient au maire ou au préfet de tenter d’aménager les actes procéduraux afin de coller à la rectitude juridique des textes gouvernant l’expropriation publique.
À notre sens, il paraît difficilement concevable qu’un cimetière en cours d’aménagement, voire achevé, puisse faire l’objet d’un acte de démolition, tant son existence est conditionnée par des règles juridiques, qui bien que parfois contraignantes pour les collectivités, n’en sont pas moins protectrices de leurs intérêts.
La compétence du juge administratif pour ordonner la démolition de l’ouvrage est confirmée, sur les fondements de l’ancien article L. 911-4 du Code de justice administrative, en l’assortissant des conditions suivantes :
"Considérant que lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’exécution d’une décision juridictionnelle dont il résulte qu’un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’exécution de cette décision implique qu’il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher d’abord, si eu égard, notamment, aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général".
Cette décision est à rapprocher de celle de la Cour de cassation, 3e chambre civile du 30 avril 2002, consorts X contre commune de Verdun sur Ariège, n° 01-14-148, arrêt n° 518, dans laquelle l’instance juridictionnelle supérieure en droit judiciaire avait conclu en ces termes :
"Qu’en statuant ainsi (la cour d’appel), alors que si les juridictions de l’ordre judiciaire ne peuvent prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité et au bon fonctionnement d’un ouvrage public, il en va autrement dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage public procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée, la Cour d’appel qui, par un motif non critiqué, a retenu l’existence d’une voie de fait, a violé le texte sus visé".
Force est donc d’admettre que, malgré l’atténuation de la force probante du principe de l’intangibilité de l’ouvrage public, les cimetières en cours de création ou d’agrandissement sont juridiquement encore fortement protégés, eu égard aux procédures complexes et exigeantes à mettre en œuvre, qui font participer les autorités communales et étatiques, alors que parallèlement les mesures d’impact sur la population au niveau des nuisances de toutes sortes, sont évaluées et étudiées, grâce notamment à l’enquête de commodo et incommodo, à l’avis formulé par la commission compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques et l’intervention de l’expert hydrogéologue, afin de sauvegarder l’hygiène et la salubrité publique.
En fait, c’est vraisemblablement au niveau des procédures d’acquisition des terrains, hors le cas de la cession amiable, que les instances communales sont le plus exposées, l’annulation de la déclaration d’utilité publique entraînant la suspension, voire la remise en cause du projet.
Mais à ce stade, l’ouvrage public n’existe pas matériellement, et il appartient au maire ou au préfet de tenter d’aménager les actes procéduraux afin de coller à la rectitude juridique des textes gouvernant l’expropriation publique.
À notre sens, il paraît difficilement concevable qu’un cimetière en cours d’aménagement, voire achevé, puisse faire l’objet d’un acte de démolition, tant son existence est conditionnée par des règles juridiques, qui bien que parfois contraignantes pour les collectivités, n’en sont pas moins protectrices de leurs intérêts.
Jean-Pierre Tricon
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :