A - Le dernier hommage à la dignité de la personne humaine
S’agissant des frais d’obsèques, Damien Dutrieux a utilisé l’image de Charon, nocher infernal qui faisait traverser l’Achéron aux âmes des morts en échange d’une obole(2). Pour beaucoup d’auteurs, le règlement des frais d’obsèques n’est pas seulement une obligation légale, mais est surtout une obligation morale.
Les frais d’obsèques recouvrent principalement les dépenses afférentes aux services des pompes funèbres et à la sépulture. Si le défunt a souhaité avoir des funérailles religieuses ses ayants droit ont pu faire appel au service intérieur des pompes funèbres. Ce service comprend les activités des fabriques et des consistoires, c’est-à-dire les associations diocésaines pour les catholiques et les associations cultuelles pour les protestants et les israélites, qui jouissent en la matière d’un monopole(3). Ils fournissent en effet les objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration intérieure et extérieure de ceux-ci. Les établissements religieux pourront solliciter des familles une contribution financière, étant entendu que le service est gratuit pour les indigents(4). Les dépenses afférentes au service extérieur des pompes funèbres peuvent comprendre le transport, l’organisation des obsèques, la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs, ainsi que les urnes cinéraires, la fourniture des tentures extérieures des maisons mortuaires, la gestion et l’utilisation des chambres funéraires, la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations. Seuls les frais liés au transport et à la mise en bière, l’acquisition d’un cercueil, d’une urne cinéraire et ceux afférents aux opérations d’inhumation ou de crémation sont obligatoires, auxquels il faut ajouter les vacations de police. Des frais attenants à la sépulture peuvent s’ajouter, si l’inhumation en terrain commun est gratuite, l’inhumation en terrain concédé impose le versement d’un capital, tout comme l’achat d’une cavurne ou d’une case de columbarium.
De plus, d’autres dépenses peuvent être générées par les activités comme la fourniture des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d’imprimerie et de la marbrerie funéraire. Damien Dutrieux explique que ces dépenses constituent les frais d’obsèques dans le langage courant, mais le droit retient une conception beaucoup plus restrictive. Le défunt peut avoir exprimé sa volonté sur les conditions de ses funérailles, ses ayants droit devant pourvoir à l’organisation de celles-ci sous peine de sanctions pénales. Cependant, le droit civil a conféré à l’obligation de payer les frais d’obsèques le caractère d’obligation alimentaire. Il était généralement admis que les charges de la succession étaient des dettes résultant directement du décès du de cujus, parmi lesquelles se trouvaient les frais d'obsèques (T. paix Toulouse, 21 mai 1901, DP 1902.2.206). Aujourd’hui, l'article 873 du Code civil dispose que "les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession" et l’article 806 du même code dispose que l'obligation alimentaire s'étend, à proportion des moyens de la personne, au paiement des frais funéraires des parents ou des enfants même dans le cas de renoncement à la succession.
Seules les dépenses strictement nécessaires pour l’inhumation sont privilégiées et la détermination de ces dépenses par le juge, implique la prise en compte de la position sociale et de la fortune apparente du défunt(5). À l’exception des dépenses somptuaires, la personne qui aura de sa propre initiative pris en charge les obsèques d’un proche, pourra en obtenir le remboursement en priorité par rapport aux autres créanciers du défunt grâce à ce privilège général sur les meubles. Toutefois, il peut exister des hypothèses où l’actif successoral n’est pas suffisant pour couvrir les frais funéraires consécutifs à une inhumation décente. Aussi la Cour de cassation, était venu préciser que "lorsque l’actif successoral ne (permettait) pas de faire face aux frais d’obsèques, l’enfant, tenu de l’obligation alimentaire à l’égard de ses ascendants, (devait), même s’il (avait) renoncé à la succession, assumer la charge de ces frais, dans la proportion de ses ressources"(6). Le visa qui précédait cet attendu de principe était particulièrement intéressant : l’article 205 du Code civil a trait à l’obligation alimentaire, tandis que l’article 371 du même code dispose que "l’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère". Pour Jacques Massip, cette assimilation des frais funéraires aux aliments, était tout à fait admissible. "Les aliments (…) sont destinés à pourvoir aux besoins de la vie ; les frais funéraires aux besoins de la fin de vie"(7). Pour autant, la décision était plus morale que juridique, J.-F. Eschylle faisait remarquer que l’obligation alimentaire cessait avec la mort, puisqu’elle avait pour effet d’assurer des moyens d’existence. Il ne saurait alors être question d’obligation alimentaire post-mortem(8). Et pourtant, si l’article 371 était invocable à l’égard des enfants, l’article 212 du Code civil sur le devoir de secours et d’assistance était (et est toujours) invocable à l’égard du conjoint survivant qui se trouve tenu de régler les frais funéraires de son époux prédécédé(9). Aujourd’hui, à l’endroit des parents et des enfants, ces solutions jurisprudentielles ont été entérinées dans l’article 806 du Code civil.
Comme l’explique François-Xavier Testu, "si les obsèques se nomment ainsi, c’est précisément parce qu’il s’agit de l’acte de respect par excellence"(10). L’auteur explique en effet que le droit à la sépulture est un droit fondamental "fût-ce le droit d’un mort contre des vivants alors que le sens commun parlerait simplement d’un devoir des vivants à l’égard des morts". Si la personne décédée est sans ressources et que sa famille ne peut pourvoir à ses funérailles, c’est la commune qui a l’obligation de lui donner une sépulture décente.
B - L’organisation insatisfaisante des obsèques des indigents
Dans l’un de ses testaments, Victor Hugo a écrit "je désire être porté au cimetière dans le corbillard des pauvres"(11). En refusant le faste de la pompe républicaine, il voulait montrer à quel point les différences sociales étaient marquées à l’occasion d’un enterrement, lui qui eut pourtant des funérailles de chef d’État. Comme l’explique Philippe Ariès, il était coutumier que les voisins et amis participent au convoi des plus pauvres(12), la tradition chrétienne plaçant parmi les œuvres de miséricorde l’ensevelissement des morts. La transformation des villes sous l’effet d’une urbanisation accrue a fait disparaître ces usages. Des mouvements de secours mutuels se sont alors chargés de la sépulture des plus démunis, en assistant aux obsèques et en assurant le service religieux. À la fin du XVIIIe siècle, les fabriques et les consistoires en sont chargés par le décret du 23 prairial an XII. Avec la loi du 28 décembre 1904, cet usage devient une prérogative de la commune.
D’après l’article L. 2213-7 du CGCT, "le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance". Combiné à l’article L. 2223-27 du même code, il découle de ces dispositions que la commune doit pourvoir gratuitement aux obsèques des "personnes dépourvues de ressources suffisantes"(13). Pour Damien Dutrieux, cette notion n’est pas claire, d’autant plus qu’elle n’est définie dans aucun texte(14). Lorsque la commune du lieu de décès de la personne a organisé le service extérieur des pompes funèbres en régie, les opérations effectuées à l’occasion des obsèques des indigents sont incluses dans le budget annexe de celle-ci(15). Lorsqu’elle a délégué le service, ces frais sont mis à la charge du délégataire, car cette disposition est une clause
obligatoire de la convention de délégation de service public(16). Si la municipalité n’a pas organisé le service, elle est tenue d’avoir recours aux services d’une entreprise privée qu’elle choisira et dont elle devra régler les frais(17). En général, le service funèbre des personnes sans ressources est le moins coûteux, chaque commune fixant le montant alloué pour ces obsèques. D’après la circulaire du ministre de l’Intérieur du 14 février 1995, "la commune qui peut faire valoir des dépenses à ce sujet, a toujours la faculté d’essayer de recouvrer les sommes dépensées à ce titre auprès de la famille du défunt et bien sûr auprès de la commune du lieu du domicile du défunt". La commune peut utiliser le privilège de l’article 2101 du Code civil ou peut demander le recouvrement des dépenses auprès des enfants ou du conjoint survivant s’ils existent et à hauteur de leurs propres ressources sans pour autant leur demander d’intervenir physiquement (par exemple pour le creusement de la fosse).
Ces "services minimum" concernent le plus souvent les personnes décédées sans famille et n’ayant rien prévu pour leurs obsèques et les personnes sans domicile fixe. L’article R2223-77 du CGCT exige que le corps de toute personne décédée sur la voie publique soit examiné par un médecin, commis pour s’assurer de la réalité et de la cause du décès. Si personne ne réclame le corps, il sera inhumé en terrain commun pour une durée de cinq ans ou crématisé et les cendres dispersées au jardin du souvenir. Quelques associations se sont insurgées contre ces enterrements par "voie administrative". Par exemple, au cimetière de Thiais dans le Val-de-Marne, dont le carré des indigents représente un ensemble de trois mille trois cents fosses identiques et anonymes, les associations Les morts de la rue(18) et Aux captifs la libération(19) ont obtenu de la ville de Paris que les enterrements soient accompagnés de deux personnes prononçant un ultime hommage.
Cependant, l’inhumation n’est que temporaire, cinq ans après, la tombe sera relevée pour accueillir un autre corps, les os seront déposés à l’ossuaire municipal ou réduits en cendres. Certaines municipalités ont opté pour la crémation des corps des indigents afin de disperser leurs cendres dans le jardin du souvenir en se fondant sur une "interprétation" de l’article L2223-4 al. 2 qui dispose que "le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés". Or, non seulement les corps des indigents ne sont pas des "restes exhumés", mais cinq ans est un délai qui laisse le temps à une famille de se manifester et de donner éventuellement une sépulture plus longue à leur proche. Aujourd’hui, c’est l’article L2223-27 du CGCT, remanié par la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, qui prévoit explicitement cette possibilité "lorsque le défunt en a exprimé la volonté".
Espace urbain précaire, le cimetière obéit à une gestion rationalisée des corps de ses usagers décédés. En effet, les terrains concédés ont une durée "d’utilisation". Arrivés au terme de cette durée, les terrains peuvent être repris par la commune et réattribués. Ainsi, si des inégalités apparaissent dans l’organisation des funérailles, il semble que cette gestion rationnelle des nécropoles amenuise celles-ci et tend vers une égalité de fait.
S’agissant des frais d’obsèques, Damien Dutrieux a utilisé l’image de Charon, nocher infernal qui faisait traverser l’Achéron aux âmes des morts en échange d’une obole(2). Pour beaucoup d’auteurs, le règlement des frais d’obsèques n’est pas seulement une obligation légale, mais est surtout une obligation morale.
Les frais d’obsèques recouvrent principalement les dépenses afférentes aux services des pompes funèbres et à la sépulture. Si le défunt a souhaité avoir des funérailles religieuses ses ayants droit ont pu faire appel au service intérieur des pompes funèbres. Ce service comprend les activités des fabriques et des consistoires, c’est-à-dire les associations diocésaines pour les catholiques et les associations cultuelles pour les protestants et les israélites, qui jouissent en la matière d’un monopole(3). Ils fournissent en effet les objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration intérieure et extérieure de ceux-ci. Les établissements religieux pourront solliciter des familles une contribution financière, étant entendu que le service est gratuit pour les indigents(4). Les dépenses afférentes au service extérieur des pompes funèbres peuvent comprendre le transport, l’organisation des obsèques, la fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs, ainsi que les urnes cinéraires, la fourniture des tentures extérieures des maisons mortuaires, la gestion et l’utilisation des chambres funéraires, la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations. Seuls les frais liés au transport et à la mise en bière, l’acquisition d’un cercueil, d’une urne cinéraire et ceux afférents aux opérations d’inhumation ou de crémation sont obligatoires, auxquels il faut ajouter les vacations de police. Des frais attenants à la sépulture peuvent s’ajouter, si l’inhumation en terrain commun est gratuite, l’inhumation en terrain concédé impose le versement d’un capital, tout comme l’achat d’une cavurne ou d’une case de columbarium.
De plus, d’autres dépenses peuvent être générées par les activités comme la fourniture des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d’imprimerie et de la marbrerie funéraire. Damien Dutrieux explique que ces dépenses constituent les frais d’obsèques dans le langage courant, mais le droit retient une conception beaucoup plus restrictive. Le défunt peut avoir exprimé sa volonté sur les conditions de ses funérailles, ses ayants droit devant pourvoir à l’organisation de celles-ci sous peine de sanctions pénales. Cependant, le droit civil a conféré à l’obligation de payer les frais d’obsèques le caractère d’obligation alimentaire. Il était généralement admis que les charges de la succession étaient des dettes résultant directement du décès du de cujus, parmi lesquelles se trouvaient les frais d'obsèques (T. paix Toulouse, 21 mai 1901, DP 1902.2.206). Aujourd’hui, l'article 873 du Code civil dispose que "les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession" et l’article 806 du même code dispose que l'obligation alimentaire s'étend, à proportion des moyens de la personne, au paiement des frais funéraires des parents ou des enfants même dans le cas de renoncement à la succession.
Seules les dépenses strictement nécessaires pour l’inhumation sont privilégiées et la détermination de ces dépenses par le juge, implique la prise en compte de la position sociale et de la fortune apparente du défunt(5). À l’exception des dépenses somptuaires, la personne qui aura de sa propre initiative pris en charge les obsèques d’un proche, pourra en obtenir le remboursement en priorité par rapport aux autres créanciers du défunt grâce à ce privilège général sur les meubles. Toutefois, il peut exister des hypothèses où l’actif successoral n’est pas suffisant pour couvrir les frais funéraires consécutifs à une inhumation décente. Aussi la Cour de cassation, était venu préciser que "lorsque l’actif successoral ne (permettait) pas de faire face aux frais d’obsèques, l’enfant, tenu de l’obligation alimentaire à l’égard de ses ascendants, (devait), même s’il (avait) renoncé à la succession, assumer la charge de ces frais, dans la proportion de ses ressources"(6). Le visa qui précédait cet attendu de principe était particulièrement intéressant : l’article 205 du Code civil a trait à l’obligation alimentaire, tandis que l’article 371 du même code dispose que "l’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère". Pour Jacques Massip, cette assimilation des frais funéraires aux aliments, était tout à fait admissible. "Les aliments (…) sont destinés à pourvoir aux besoins de la vie ; les frais funéraires aux besoins de la fin de vie"(7). Pour autant, la décision était plus morale que juridique, J.-F. Eschylle faisait remarquer que l’obligation alimentaire cessait avec la mort, puisqu’elle avait pour effet d’assurer des moyens d’existence. Il ne saurait alors être question d’obligation alimentaire post-mortem(8). Et pourtant, si l’article 371 était invocable à l’égard des enfants, l’article 212 du Code civil sur le devoir de secours et d’assistance était (et est toujours) invocable à l’égard du conjoint survivant qui se trouve tenu de régler les frais funéraires de son époux prédécédé(9). Aujourd’hui, à l’endroit des parents et des enfants, ces solutions jurisprudentielles ont été entérinées dans l’article 806 du Code civil.
Comme l’explique François-Xavier Testu, "si les obsèques se nomment ainsi, c’est précisément parce qu’il s’agit de l’acte de respect par excellence"(10). L’auteur explique en effet que le droit à la sépulture est un droit fondamental "fût-ce le droit d’un mort contre des vivants alors que le sens commun parlerait simplement d’un devoir des vivants à l’égard des morts". Si la personne décédée est sans ressources et que sa famille ne peut pourvoir à ses funérailles, c’est la commune qui a l’obligation de lui donner une sépulture décente.
B - L’organisation insatisfaisante des obsèques des indigents
Dans l’un de ses testaments, Victor Hugo a écrit "je désire être porté au cimetière dans le corbillard des pauvres"(11). En refusant le faste de la pompe républicaine, il voulait montrer à quel point les différences sociales étaient marquées à l’occasion d’un enterrement, lui qui eut pourtant des funérailles de chef d’État. Comme l’explique Philippe Ariès, il était coutumier que les voisins et amis participent au convoi des plus pauvres(12), la tradition chrétienne plaçant parmi les œuvres de miséricorde l’ensevelissement des morts. La transformation des villes sous l’effet d’une urbanisation accrue a fait disparaître ces usages. Des mouvements de secours mutuels se sont alors chargés de la sépulture des plus démunis, en assistant aux obsèques et en assurant le service religieux. À la fin du XVIIIe siècle, les fabriques et les consistoires en sont chargés par le décret du 23 prairial an XII. Avec la loi du 28 décembre 1904, cet usage devient une prérogative de la commune.
D’après l’article L. 2213-7 du CGCT, "le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance". Combiné à l’article L. 2223-27 du même code, il découle de ces dispositions que la commune doit pourvoir gratuitement aux obsèques des "personnes dépourvues de ressources suffisantes"(13). Pour Damien Dutrieux, cette notion n’est pas claire, d’autant plus qu’elle n’est définie dans aucun texte(14). Lorsque la commune du lieu de décès de la personne a organisé le service extérieur des pompes funèbres en régie, les opérations effectuées à l’occasion des obsèques des indigents sont incluses dans le budget annexe de celle-ci(15). Lorsqu’elle a délégué le service, ces frais sont mis à la charge du délégataire, car cette disposition est une clause
obligatoire de la convention de délégation de service public(16). Si la municipalité n’a pas organisé le service, elle est tenue d’avoir recours aux services d’une entreprise privée qu’elle choisira et dont elle devra régler les frais(17). En général, le service funèbre des personnes sans ressources est le moins coûteux, chaque commune fixant le montant alloué pour ces obsèques. D’après la circulaire du ministre de l’Intérieur du 14 février 1995, "la commune qui peut faire valoir des dépenses à ce sujet, a toujours la faculté d’essayer de recouvrer les sommes dépensées à ce titre auprès de la famille du défunt et bien sûr auprès de la commune du lieu du domicile du défunt". La commune peut utiliser le privilège de l’article 2101 du Code civil ou peut demander le recouvrement des dépenses auprès des enfants ou du conjoint survivant s’ils existent et à hauteur de leurs propres ressources sans pour autant leur demander d’intervenir physiquement (par exemple pour le creusement de la fosse).
Ces "services minimum" concernent le plus souvent les personnes décédées sans famille et n’ayant rien prévu pour leurs obsèques et les personnes sans domicile fixe. L’article R2223-77 du CGCT exige que le corps de toute personne décédée sur la voie publique soit examiné par un médecin, commis pour s’assurer de la réalité et de la cause du décès. Si personne ne réclame le corps, il sera inhumé en terrain commun pour une durée de cinq ans ou crématisé et les cendres dispersées au jardin du souvenir. Quelques associations se sont insurgées contre ces enterrements par "voie administrative". Par exemple, au cimetière de Thiais dans le Val-de-Marne, dont le carré des indigents représente un ensemble de trois mille trois cents fosses identiques et anonymes, les associations Les morts de la rue(18) et Aux captifs la libération(19) ont obtenu de la ville de Paris que les enterrements soient accompagnés de deux personnes prononçant un ultime hommage.
Cependant, l’inhumation n’est que temporaire, cinq ans après, la tombe sera relevée pour accueillir un autre corps, les os seront déposés à l’ossuaire municipal ou réduits en cendres. Certaines municipalités ont opté pour la crémation des corps des indigents afin de disperser leurs cendres dans le jardin du souvenir en se fondant sur une "interprétation" de l’article L2223-4 al. 2 qui dispose que "le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés". Or, non seulement les corps des indigents ne sont pas des "restes exhumés", mais cinq ans est un délai qui laisse le temps à une famille de se manifester et de donner éventuellement une sépulture plus longue à leur proche. Aujourd’hui, c’est l’article L2223-27 du CGCT, remanié par la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, qui prévoit explicitement cette possibilité "lorsque le défunt en a exprimé la volonté".
Espace urbain précaire, le cimetière obéit à une gestion rationalisée des corps de ses usagers décédés. En effet, les terrains concédés ont une durée "d’utilisation". Arrivés au terme de cette durée, les terrains peuvent être repris par la commune et réattribués. Ainsi, si des inégalités apparaissent dans l’organisation des funérailles, il semble que cette gestion rationnelle des nécropoles amenuise celles-ci et tend vers une égalité de fait.
Marion Perchey
(1) Sophocle, Antigone, Deuxième épisode, scène trois, ligne 502. (2) Dutrieux D., "Les Frais d’obsèques", JCP N, 1999, n° 49, p. 1771. (3) Cependant, il leur est interdit de fournir des prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres : article L. 2223-28 du CGCT. (4) Article L. 2223-29 al. 2 du CGCT. (5) CA de Bordeaux, 15 juillet 1903, cit. in Dutrieux D., "Les Frais d’obsèques", op. cit. p. 1773. (6) Cass., civ., 1ère, 14 mai 1992, Sté des Pompes funèbres générales c/ Mme S… et a., JCP G, 1993, n° 30, 22 097, p. 299, note Testu ; D. 1993, Jurisp., p. 247, note Eschylle ; RTDCiv janvier-mars 1993, p. 171, note PATARIN ; LPA 1993, n° 6, p. 20, note Massip. (7) Massip J., "L’obligation de faire face aux frais d’obsèques d’un ascendant même quand on a renoncé à la succession", LPA 1993, n° 6, p. 20, spéc. p. 21. (8) Eschylle J.-F., "L’enfant, tenu de l’obligation alimentaire, même s’il a renoncé à la succession, doit assumer la charge des frais d’obsèques lorsque l’actif successoral est insuffisant", D. 1993, Jurisp., p. 247. (9) TGI de Maubeuge, 26 février 1993, Pompes funèbres Delcroix c/ Mme Poupier, LPA 1996, n° 138, p. 25, note Massip. (10) En effet, le mot "obsèques" vient du latin obsequium qui signifie déférence, cit. in Testu F. X., note sur Cass., civ., 1ère, 14 mai 1992, Sté des Pompes funèbres générales c/ Mme S… et a., JCP G, 1993, n° 30, 22 097, p. 299. (11) Grimaldi M., "Les dernières volontés", Mélanges Cornu, PUF, 1994 p. 177. (12) Ariès Ph., Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Age à nos jours, Ed. du Seuil, 1975, p. 101. (13) "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l'article L. 2223-19 n'est pas assurée par la commune, celle-ci prend en charge les frais d'obsèques de ces personnes. Elle choisit l'organisme qui assurera ces obsèques. Le maire fait procéder à la crémation du corps lorsque le défunt en a exprimé la volonté." (14) La notion d’indigent, que celle de "personne dépourvue de ressources" a remplacée, était définie dans une circulaire du ministre de la Santé publique en date du 31 janvier 1962. (15) Circulaire n° 95-51 du ministre de l’Intérieur du 14 février 1995. (16) Circulaire n° 211-C du ministre de l’Intérieur du 12 décembre 1997. (17) Dutrieux D., "Les Frais d’obsèques", op. cit. p. 1773. (18) http://www.mortsdelarue.org/ (19) http://www.captifs.fr/ |
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