Expressément visé dans les débats parlementaires, le don du corps à la science a été implicitement consacré par la loi sur la liberté des funérailles(1) et intégré dans le Code général des collectivités territoriales à l’article R. 2213-13. Aujourd’hui, seulement deux mille cinq cents personnes font don de leur corps à la science(2), ce qui fait craindre aux laboratoires d’anatomie la disparition de leur discipline(3).
Le majeur ou mineur émancipé en état de tester, peut, sous la forme d’un acte de donation rédigé entièrement de sa main, faire don de son corps à un établissement hospitalier, de formation, d’enseignement et de recherche. Cet acte prend la forme d’un formulaire en double exemplaire rempli par le donateur qu’il renverra à la faculté de médecine choisie. Une carte de donateur lui sera remise qui comportera également un paragraphe qui stipulera l’acceptation d’éventuels prélèvements d’organes. Cette carte devra être jointe en permanence aux papiers d’identité. Après acceptation par l’établissement, un exemplaire du formulaire lui sera également renvoyé afin de le conserver sous une enveloppe avec la mention "ceci représente mes dernières volontés" dans le livret de famille ou de le confier à une personne de confiance qu’il chargera d’exécuter ses dernières volontés. Il est même conseillé d’en parler avec la famille pour que celle-ci soit informée des modalités à suivre et éviter une éventuelle incompréhension sur le choix personnel du donateur.
   
En principe, le don du corps à la science est gratuit mais certaines écoles de chirurgie et laboratoires d’anatomie demandent une participation monétaire aux frais de transport du corps et de sa crémation. Certaines associations de dons du corps rattachées aux facultés de médecine, demandent une somme forfaitaire (de 250 à 900 euros selon les laboratoires). Cette somme réglée au moment du décès, représente parfois leur unique financement mis à part d’éventuels dons monétaires. L’école de chirurgie de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris ne demande aucune participation monétaire, les frais occasionnés sont pris en charge par l’établissement lui-même. Seuls les chirurgiens non rattachés à cet établissement et les internes officiant hors de l’Ile-de-France versent une participation pour travailler sur les corps(4).

Au décès du donateur, le transport du corps doit être achevé dans les vingt quatre heures. Lorsque le décès survient dans un établissement de santé public ou privé disposant d’équipements permettant la conservation des corps, ce délai est porté à quarante-huit heures. Si le donateur décède dans une autre région ou dans un département limitrophe, c’est la faculté de médecine de la région de décès qui récupère le corps. S’il décède à l’étranger, le don du corps sera refusé car le cercueil est scellé et ne peut être ouvert qu’au bout de cinq ans, ce qui représente peu d’intérêt pour les travaux d’anatomie. Il peut arriver que le corps ne soit pas remis à la faculté de médecine, notamment lorsque la personne est décédée d’une maladie infectieuse. La perte ou la destruction de la carte de donateur a la même conséquence. En effet, le consentement au don du corps ne se présume pas. Les proches peuvent également omettre, volontairement ou non, de prévenir la faculté. En effet, les familles ne comprennent pas toujours le choix du donateur dont les motivations sont le plus souvent parfaitement altruistes, désirant remercier la médecine de les avoir aidés ou désirant contribuer à faire avancer la science. Les facultés bénéficiaires ont cependant la possibilité d’avoir recours à l’article 433-21-1 du Code pénal qui sanctionne la violation de la volonté du de cujus quant au devenir de sa dépouille. En pratique, un tel moyen n’est jamais actionné, les délais de transport étant dépassés, le corps ne pourra plus servir aux travaux d’anatomie.
   
L’anonymat est permanent dès la réception du cadavre, la personne décédée ne sera enregistrée qu’à l’État civil et pas sur le registre du cimetière. Le corps peut être totalement ou partiellement conservé à des fins scientifiques ou pédagogiques. A Tours, depuis 1995, le corps est incinéré(5). Les cendres ne sont pas restituées aux familles et sont dispersées anonymement au jardin du souvenir de Tours Sud réservé aux donateurs, où une stèle a été érigée en leur hommage(6). Cependant, la famille du donateur peut faire inscrire son nom sur le caveau familial. A l’école de chirurgie de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris vingt pour cent des familles demandent à ce que leur soient restituées les cendres, en raison d’un deuil difficile. Le rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale et de la Recherche et de l’Inspection générale des Affaires sociales de mars 2002 sur la conservation d’éléments du corps humain en milieu hospitalier, révèle l’absence d’unité de la procédure de don du corps. L’information dispensée aux donneurs sur l’utilisation de leur dépouille, la participation financière exigée, ou encore la question du prélèvement d’organes diffèrent d’une région à l’autre(7). Cependant, il apparaît qu’au-delà de pratiques divergentes, et malgré l’indigence des moyens dont disposent les services de don du corps, le respect des donateurs et de leurs familles reste au centre de leurs préoccupations(8). Le rapport note toutefois que certaines utilisations des corps, considérées comme inutiles(9), porteraient atteinte au respect dû aux morts et qu’il serait nécessaire d’encadrer plus strictement celles-ci comme cela est déjà le cas dans certains pays d’Europe(10).
 
Marion Perchey
 
(1) DP, 1887, IV, p.101, spéc. p. 102
(2) D’après les archives de l’Association des dons du corps de la faculté de médecine de Tours, dans la région Centre, deux cent quarante et une personnes ont fait don de leur corps à la science en 2004 contre huit cent vingt huit en 1977.
(3) Chartreau C., Le don du corps à la science : analyse de légitimité d’une institution, Laboratoire d’éthique médicale et de santé publique, Service du Professeur Christian Hervé, Faculté de médecine Necker – Université Paris V, 2002
(4) Merci à Mr Djamel Taleb, Cadre de santé à l’École de Chirurgie de l'AP-HP, pour ses précieux renseignements.
(5) Merci à Mme Catherine Longin, Secrétaire de l’Association des Dons du Corps de la Faculté de Médecine de Tours, pour ses précieux renseignements.
(6) Avec cette épitaphe : "La mort au service de la vie. A la mémoire des donateurs de l’Association des dons du corps. Faculté de Médecine de Tours". Leurs noms n’y sont pas inscrits.
(7) Rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale et de la Recherche et de l’Inspection générale des Affaires sociales, La conservation d’éléments du corps humain en milieu hospitalier, mars 2002, p. 59
(8) Ibid., p. 62
(9) Le rapport fait mention notamment de l’exposition de têtes d’hommes conservées dans du formol, de démembrement des corps propices à la « perte » de pièces démembrées…, cit. in Ibid., p. 63
(10) Ibid.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations