Le Sénat a adopté le 10 décembre 2008 en deuxième lecture la proposition de loi relative à la législation funéraire, dite proposition Sueur, qu’il avait adoptée en première lecture à l’unanimité le 22 juin 2006 et que l’Assemblée nationale avait, quant à elle, adoptée selon la même unanimité le 20 novembre 2008. Il s’agit donc de la fin de ce processus législatif entamé en mai 2006 à la suite de l’important rapport des sénateurs Sueur et Lecerf (Sérénité des vivants et respect des défunts : Rapport n° 372, Sénat, 31 mai 2006).
La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 (JO du 20 décembre, p. 19538) concerne tout d’abord les opérateurs et opérations funéraires. Ensuite, et c’est certainement ce point qui retiendra l’attention, ce dispositif donne un nouveau statut aux urnes et aux cendres. Enfin, le cimetière et les sépultures connaissent de nouvelles dispositions depuis longtemps réclamées par les communes.

Opérations et opérateurs funéraires

Devis
Répondant à une volonté constante depuis 1993 de la part du sénateur Sueur (à l’époque secrétaire d’État et auteur de la réforme du funéraire ; loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, JO 9 janvier p. 499), le Code général des collectivités territoriales contient enfin la possibilité pour le maire de consulter les devis des entreprises qui répondront à des normes fixées par arrêté (alors qu’à l’origine était souhaité leur dépôt dans les mairies de plus de 10 000 habitants, ce que finalement l’Assemblée a refusé) dans un nouvel article L. 2223-21 du Code général des collectivités territoriales. Ainsi, selon la volonté du maire, les différents devis pourront être comparés.

Habilitation
Pour exercer cette mission de service public qu’est le service extérieur des pompes funèbres, les opérateurs doivent être titulaires d’une habilitation délivrée par le préfet (article L. 2223-23). Cette obligation vise à la fois les opérateurs privés (associations et entreprises) et les opérateurs publics (régies), cette nouveauté s’expliquant par la nécessité d’assurer le respect de la libre concurrence (V. M.-T. Viel, Droit funéraire et gestion des cimetières : Berger-Levrault, 2e éd. 1999, p. 119).

La question de l’habilitation du maire dans le cadre d’une régie municipale de pompes funèbres non dotée de la personnalité morale (comme pour la commune de La Rochelle par exemple) a longtemps été posée. Le législateur la règle enfin dans la modification du 2° de l’article L. 2223-25 du Code général des collectivités territoriales qui désormais limite cette obligation au personnel de la régie.

Formation
Cette innovation du législateur n’entrera en vigueur, selon l’article 22 de la loi n° 2008-1350, que le "premier jour de la cinquième année suivant la publication” de la loi. En effet, pour les personnels en contact direct avec les familles, va s’imposer un diplôme national (étant précisé que pour les agents actuellement en fonction un système d’équivalent avec l’expérience professionnelle va être institué pour l’obtention de ce diplôme selon le dispositif de la Validation d’Acquis de l’Expérience). Si une formation s’imposait déjà pour ces agents, seuls les thanatopracteurs étaient soumis à diplôme (nouvel article L. 2223-25-1).

Démarchage commercial
Concernant le démarchage commercial (CGCT, art. L. 2223-33), la Cour de cassation (Cass. crim. 27 juin 2006, X…, pourvoi n° 03-85190 : JCP A, n° 20, 14 mai 2007, 2123, p. 44, note D. Dutrieux) avait considéré que l’incrimination pouvait concerner un démarchage commercial intervenu plus de neuf mois après la date du décès, cet article L. 2223-33 précité ne fixant aucune limite de temps à l’interdiction. Force était d’admettre que l’approche extensive de l’interdiction du démarchage commercial résultant de cette jurisprudence pouvait créer une situation d’insécurité juridique pour les professionnels du funéraire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 fixe désormais un délai de deux mois pour la prohibition.

Prévoyance obsèques
Deux modifications en matière de prévoyance funéraire :
  • Le capital produit intérêt (taux au moins égal au taux légal ; CGCT, art. L. 2223-34-1).
  • La création d’un fichier national de recensement de ces conventions (CGCT, art. L. 2223-34-2).

Ces réformes seront toutefois loin de contenter les associations de défense des consommateurs récemment sensibilisées à cette question (C. Dekeyser, Le contrat d’assurance obsèques, le grand oublié de la réforme de la législation funéraire : http://blog.dalloz.fr/).

Établissements hospitaliers
Dans un avis du 24 mars 1995 (avis n° 357297, Rapport public 1995, p. 470), le Conseil d’État avait rappelé, à propos de la chambre mortuaire, la nécessité de distinguer le service public hospitalier et le service extérieur des pompes funèbres. Toutefois, se posait la question du transport des corps par les établissements de santé que régissait l’article L. 2223-43. Le législateur confirme la distinction entre les deux services publics en prohibant aux établissements de santé la possibilité de n’exercer aucune autre mission du service extérieur des pompes funèbres (art. 10 de la loi n° 2008-1350 ajoutant un alinéa à l’article L. 2223-43).

Vacations
Des fonctionnaires (CGCT, art. L. 2213-14) assistent aux opérations consécutives au décès, notamment pour s’assurer du respect des mesures de salubrité publique. Il s’agit dans les communes dotées d’un régime de police d’État, sous la responsabilité du chef de circonscription, du fonctionnaire de police délégué par ses soins, et, dans les autres communes, sous la responsabilité du maire, du garde champêtre ou d’un agent de police municipale délégué par le maire (disposition maintenue).

Le Code général des collectivités territoriales (ancien article L. 2213-14) précisait que la surveillance des fonctionnaires (ou du maire) s’imposait pour les opérations suivantes : Les opérations d’exhumation, de réinhumation et de translation de corps.

À côté des surveillances imposées par les articles législatifs, des dispositions d’origine réglementaires imposent également une surveillance pour certaines opérations : Moulage d’un corps (art. R. 2213-45), soins de conservation (art. R. 2213-4), départ et à l’arrivée d’un corps transporté avant mise en bière (art. R. 2213-46 et R. 2213-47), fermeture du cercueil et levée du corps pour le transport après mise en bière (art. R. 2213-48), arrivée au lieu d’inhumation (ou à la gare), du corps destiné à l’inhumation (art. R. 2213-49), l’inhumation (art. R. 2213-49), et la crémation (art. R. 2213-50).
Après une tentative de réforme avortée en raison de l’opposition du Sénat lors de l’adoption de ce qui deviendra la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 sur la simplification du droit, la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 vient enfin réformer ce dispositif souvent critiqué.

Après avoir précisé quelles étaient les opérations concernées (nouvelle rédaction de l’article L. 2213-14 du Code général des collectivités territoriales) et précisé que les fonctionnaires pouvaient néanmoins assister, en tant que besoin, à toutes les autres opérations, les vacations sont limitées tant concernant leur montant fixé par le maire après avis du conseil municipal (entre 20 et 25 euros) que pour les opérations concernées car seules celles visées à l’article L. 2213-14 précité peuvent générer des vacations (versées à la recette municipale).

Ces opérations sont les suivantes : - fermeture du cercueil (lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt et dans tous les cas lorsqu’il y a crémation) ; - exhumation ; - réinhumation ; - translation.

Les autres opérations visées par les dispositions réglementaires précitées peuvent être surveillées mais ne peuvent générer de vacations. À notre sens, la surveillance n’est plus obligatoire dans les autres cas.

Crémation et cendres

La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 est venue introduire de nouvelles dispositions concernant le droit de la crémation afin de régler un grand nombre de ces difficultés liées à l’absence de statut pour les cendres (difficultés dénoncées dans le rapport des sénateurs Sueur et Lecerf précité ; V. D. Dutrieux, De la cendre (sans statut) à la cendre (avec statut)… : http://blog.dalloz.fr/).

Premier statut pour les cendres
Les deux chambres se sont accordées pour donner, tout d’abord, un statut civil, un nouvel article 16-1-1 venant disposer que "les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence”. Parallèlement, le respect dû au corps s’impose "y compris après la mort” (article 16-2). Ainsi, les cendres ne pourront plus être au centre d’activités commerciales notamment. Ensuite, c’est le statut pénal qui a été introduit par cette loi. La protection de l’intégrité du cadavre (C. pénal, art. 225-17), vise désormais expressément les urnes cinéraires et donc nécessairement les cendres qu’elles contiennent.

Destination des cendres
Récemment restreinte par décret (D. Dutrieux, Crémation et destination des cendres : JCP A 2007, Act. 368), la destination des cendres obéit maintenant à un article législatif - le nouvel article L. 2223-18-2 – qui prévoit que les cendres seront, parce que telle était la volonté du défunt, dispersées en pleine nature sauf sur les voies publiques, ou que les cendres intégreront une sépulture traditionnelle ou un équipement réservé aux cendres (inclus dans un site cinéraire d’un cimetière).

Le site cinéraire devient obligatoire pour les communes ou établissements publics compétents de 2 000 habitants et plus mais l’entrée en vigueur du dispositif est décalée de cinq années (selon l’article 22 de la loi n° 2008-1350).

Délai de réflexion
Les familles disposent désormais d’un délai de réflexion d’une année quant à la destination des cendres, délai pendant lequel consacre la possibilité d’un dépôt provisoire au crématorium ou dans un édifice de culte (toutefois le dépôt non provisoire est toujours prohibé; art. L. 2223-10).

Sites cinéraires
Les communes ne peuvent déléguer la gestion d’un site cinéraire que s’il est l’accessoire d’un crématorium (V. sur la situation antérieure : D. Dutrieux, Opérations funéraires, crémation et sites cinéraires : À propos de l’ordonnance du 28 juillet 2005 : JCP A 2005, Act. 517). L’article 23-III de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 prévoit la reprise des sites ainsi délégués dans un délai de cinq années.
Par ailleurs, le législateur a souhaité l’instauration d’une sanction pénale (nouvel article L. 2223-18-4 du Code général des collectivités territoriales) pour la gestion d’un site cinéraire privé après le 31 juillet 2005.

Crémation des restes
La crémation des restes présents dans une sépulture pouvait être exécutée à la demande des familles (CGCT, art. R. 2213-37) ou du maire. Cette prérogative était reconnue au maire dans le second alinéa de l’article L. 2223-4 du Code général des collectivités territoriales (pour les restes des concessions abandonnées depuis la loi du 8 janvier 1993, et pour les autres restes depuis la loi du 21 février 1996). Cette prérogative était indiquée sous forme d’alternative dans l’article L. 2223-4 précité, ce qui permettait donc de considérer que l’ossuaire n’était obligatoire que si cette seconde option - la crémation des restes - n’était pas choisie (voir notamment : D. Dutrieux, Un équipement du cimetière méconnu : L’ossuaire communal , Funéraire magazine n° 159, septembre 2005, p. 12 ).

Reprenant des éléments sur lesquels insistait le rapport des sénateurs Lecerf et Sueur, la crémation des restes présents dans les concessions reprises n’est plus de droit s’il y a opposition connue, attestée ou présumée du défunt. L’ossuaire devra donc être obligatoire dans les communes, le maire n’ayant plus la possibilité de systématiquement pratiquer la crémation des restes présents dans les sépultures reprises (nouvelle rédaction de l’article L. 2223-4).

Cimetières et concessions funéraires

Droit à l’inhumation
Les communes se voient imposer l’inhumation de certaines personnes (CGCT, art. L. 2223-3). La délivrance de concessions funéraires constituant une simple faculté pour les communes, ce droit à l’inhumation doit s’entendre comme le droit à être inhumé dans le terrain commun, mais, dans l’hypothèse de places disponibles, le refus d’une concession à une personne répondant aux conditions de l’article L. 2223-3 est illégal (CE, Sect., 5 décembre 1997, Commune de Bachy c/ Mme Saluden-Laniel : Petites affiches 28 septembre 1998, p. 7, note D. Dutrieux ; V. notamment : D. Dutrieux, La délivrance des concessions funéraires et des sépultures dans le cimetière communal, JCP A 2003, 1933, p. 1356).

Se posait le problème des Français de l’étranger (inscrits sur les registres consulaires) qui, logiquement, peuvent ne se trouver dans aucun des cas visés par l’article L. 2223-3 précité, et donc se voir en quelque sorte interdits de sépulture dans le cimetière communal !
C’est pour régler cette situation que le législateur a ajouté à cet article L. 2223-3 une quatrième hypothèse. La sépulture dans le cimetière communal est dorénavant due "aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci”. Il est possible de rappeler que les Français résidant à l’étranger bénéficient de dispositions spéciales pour s’inscrire sur les listes électorales de certaines communes (V. les articles L. 12 et L. 14 du Code électoral).

Concessions funéraires
Deux modifications de l’article L. 2223-13 du Code général des collectivités territoriales doivent retenir l’attention.

Tout d’abord, la fin de la reconnaissance du droit de construire des monuments et caveaux qui permet en parallèle au législateur d’introduire la première restriction au droit de construire dans l’article L. 2223-12-1 (à noter que pourra se poser une difficulté juridique en raison de l’endroit où est codifiée cette disposition, qui, a priori, ne se trouve pas parmi les règles applicables aux concessions funéraires, c’est-à-dire la sous-section 2) qui prévoit que "le maire peut fixer des dimensions maximales des monuments érigés sur les fosses”.

Ensuite, est supprimée (article 23-II-2° de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008) la faculté, introduite par l’ordonnance précitée du 28 juillet 2005, d’acquérir une concession afin d’y disperser des cendres.

Procédure de péril propre aux cimetières
Le législateur est venu créer, dans un nouvel article L. 511-4-1 du Code de la construction et de l’habitation, une procédure de péril propre aux cimetières, mais qui ne concerne qu’une simplification concernant la procédure de péril "ordinaire”.

Damien Dutrieux
 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations