La loi du 8 janvier 1993, codifiée désormais aux articles L.2223-19 à L. 2223-44 du Code Général des Collectivités Territoriales et l’important "train" réglementaire qui l’a accompagnée (Diplôme d’État des Thanatopracteurs, Règlement National des Pompes Funèbres, Habilitation dans le domaine funéraire, Crématoriums, Chambres Funéraires, Chambres Mortuaires, conformité des véhicules dédiés au transport des corps, pour ne citer que les plus importants…) ont révolutionné, le terme n’est pas à notre sens trop fort, le domaine des pompes funèbres dont la réglementation datait de près d’un siècle (loi du 28 décembre 1904).
En supprimant le monopole communal, le législateur n’a fait que traduire, dans le droit positif français, les pratiques qui avaient cours depuis 1986, date de l’entrée en vigueur de la loi autorisant le droit de déroger au monopole en raison du lieu de décès, de l’inhumation ou de la crémation.

Force est donc de constater que le droit des funérailles et obsèques a été profondément réformé et qu’actuellement, là où auparavant la commune était compétente, l’État français est devenu la forme d’impulsion et de réglementation du secteur.

Cette évolution législative et réglementaire accentue, de fait, le décalage qui existe et qui n’a fait que se creuser avec le droit des cimetières qui, pour l’essentiel, date du début du 19e siècle : Décret du 23 prairial an XII et ordonnance du 6 décembre 1843. La mini-réforme législative concernant les critères pour la création des cimetières intervenue en 1986, n’a pas fait évoluer significativement la matière ; celle-ci reste empreinte de passéisme et de mesures insuffisamment contemporaines qui, de surcroît, se heurtent à l’évolution du droit dans certains domaines, tel le régime successoral des conjoints survivants initié par la loi du 3 décembre 2001.
Alors que d’importantes mutations touchent le secteur du funéraire avec l’ouverture à la concurrence des activités liées aux pompes funèbres, les règles de création des cimetières, leur extension, la nature et les catégories des sépultures restent figées par un droit étatique trop statique.

Nous n’aborderons pas dans cette étude le fond même des compétences communales attribuées par la loi et confirmées par l’ordonnance du 28 juillet 2005, impliquant une compétence exclusive de la commune pour l’aménagement, la gestion, et la désaffectation des cimetières, qui a été qualifié de service public administratif dans l’avis du Conseil d’État rendu le 19 décembre 1995, par opposition au service public industriel et commercial qui régit désormais le service extérieur des pompes funèbres.

Nous souhaitons, par contre, mettre en exergue les interrogations auxquelles les gestionnaires des cimetières publics sont confrontés à l’égard du régime juridique des concessions funéraires ; le législateur hélas ne paraît pas prompt à s’y intéresser, malgré l’ancienneté des problèmes et la dichotomie qui règne entre les décisions rendues par les juridictions administratives et civiles.

Préambule

Modestement, notre contribution consistera à évoquer ces difficultés afin de tirer une ligne de conduite dont nous savons qu’elle ne peut être idéale, moins du fait de la précision et de la rigueur juridique des décisions rendues par les deux ordres de juridictions, que par les commentaires gouvernementaux ou doctrinaux qui ont pu être développés.
                       
En effet, il importe d’exprimer un régime juridique cohérent, issu de l’analyse, voire de la confrontation de la jurisprudence, tout en faisant en sorte de relativiser certaines réponses écrites à des questions posées par des parlementaires qui, au lieu d’interpréter le droit d’essence prétorienne, ont parfois initié un droit original ne reposant sur aucune des bases logiques issues du principe de légalité.
Le droit des familles sur les concessions de sépultures montre quelques usages abusifs, qui posent le problème récurrent de la recherche d’un juste équilibre entre les prérogatives de la puissance publique, partagées entre l’État et les communes, et les privilèges funéraires des familles.

Nous espérons ainsi, par notre analyse, aider les gestionnaires de cimetières, mais aussi les professions juridiques concernées et souvent sollicitées (je fais référence plus particulièrement aux offices notariaux), à appréhender plus concrètement la diversité des difficultés rencontrées pour instaurer un droit objectif et pertinent afin d’apporter des solutions pragmatiques aux problèmes inhérents à la concession funéraire.
Au-delà, c’est au législateur que cette étude s’adresse afin que la loi instaure un régime juridique qui permettra d’établir des règles communes et universelles écartant toute possibilité d’interprétation subjective, tout en mettant à un même niveau le cadre juridique des cimetières et celui des pompes funèbres.

Définir la concession

La concession funéraire a une existence légale définie à l’article L.2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales, qui prescrit : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peur être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs…".
Le Code Général des Collectivités Territoriales a modifié ainsi le décret du 23 prairial an XII et l’ordonnance du 8 décembre 1943 sur les concessions, modification qui correspond en fait à l’état de la jurisprudence pour ce qui concerne le régime de dévolution successorale des concessions.
La nature juridique de la concession funéraire procède de la loi, mais aussi de la jurisprudence.
S’appuyant sur l’arrêt Méline (Conseil d’État, 21 octobre 1955), qui décida que le cimetière faisait partie du domaine public de la commune), le Conseil d’État, dans sa décision Hérail du 11 octobre 1955 - tout en déclarant la juridiction administrative compétente pour connaître les litiges afférents aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle qu’en soit leur forme ou dénomination, passés par l’État, les départements, les communes ou leurs établissements publics et leurs concessionnaires de services publics, le terme dans ce dernier cas ne visant pas expressément les concessions funéraires - fixa sur le fond les principes du régime juridique applicable.
Les concessions funéraires constituent des contrats d’occupation du domaine public : Ce sont des contrats administratifs, nonobstant la circonstance que cette occupation n’a pas le caractère précaire et révocable qui s’attache, en général, aux occupations du domaine public (C.E., 21 octobre 1955, Demoiselle Méline précité, ou Tribunal des Conflits, 25 novembre 1963, commune de Saint-Just : AJDA 1964, Ch. Jur. 24).
L’occupation du domaine communal confère aux litiges relatifs aux concessions une compétence administrative, par application de l’article 1er du décret du 17 juin 1938, hormis les atteintes irrégulières portées aux droits des concessionnaires, lorsqu’elles présentent le caractère d’une emprise irrégulière ou d’une voie de fait (C.E. 12 décembre 1986 Mme Barjot c/commune de Lanespède).
Ce cadre, dominé par le droit public, est à l’origine d’un régime juridique spécifique aux concessions funéraires, qui le situe aux frontières du droit administratif et du droit civil.
En vertu de l’article L.2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales, le droit sur le terrain concédé n’est pas transmis indistinctement à tous les membres de la famille, mais seulement aux enfants ou successeurs.
C’est ainsi qu’au plan des actes de disposition que le concessionnaire pourrait consentir sur la concession, le Conseil d’État a décidé que le concessionnaire ne pouvait pas céder les droits qu’il tient de son contrat, pas plus par donation ou par legs.
Le régime juridique issu du droit judiciaire n’est pas fondamentalement différent de celui émanant du droit administratif, sauf en ce qui concerne les actes de disposition que le concessionnaire pourrait opérer sur la sépulture.
Pour la transmission successorale des droits, ce sont les enfants qui héritent de la concession lorsque le titulaire est décédé ab intestat, et seule cette règle permet que tant qu’il existe des descendants, le ou les titulaires de la concession soient toujours du sang du fondateur.

Principe de base

Le droit de l’héritier sur une concession funéraire est – conformément à une jurisprudence constante de la Cour de Cassation dont les principales décisions sont à ce jour : Cour de Cassation, 1er juillet 1970, consorts Marre c/consorts Séguy, D.1970 p.671- déterminé ainsi qu’il suit : En vertu de cet arrêt "la propriété du tombeau ne se transmet en principe qu’aux héritiers naturels du concessionnaire, à l’exclusion des tiers, fussent-ils légataires universels". Cet arrêt a été confirmé par une décision de la Cour de Cassation en date du 6 mars 1973, JCP 1973 II 17420, Mund c/Billot, où la notion d’héritier naturel et de droit a été remplacée par celle d’héritier du sang.
Plus complexe est le régime juridique de droit privé, qui se dégage de la jurisprudence civile en matière de legs, ou de donation de concession.
On sait que les circulaires ministérielles, ou les réponses à questions écrites, ne sont pas créatrices de droit.

Il en existe trois à prendre en considération :
  • Réponse écrite ministérielle n° 27 413 du 7 février 1983 (J.O. Ass. Nat. 28.03.83)
  • Réponse écrite ministérielle parue au J.O. Sénat du 27 juin 1991, p. 1329,
  • Circulaire ministérielle du 27 février 1991 adressée aux préfets.
Le premier texte, de 1983, se réfère à la jurisprudence Mund et Billot, qui a énoncé le principe qu’aucune disposition légale n’interdit au titulaire d’une concession funéraire dans un cimetière d’en faire, avant toute utilisation, une donation par laquelle il s’en dépouillerait irrévocablement au profit d’un membre de sa famille ou d’un tiers.

Cette réponse précise également que, s’agissant d’un contrat d’occupation du domaine public, un acte de substitution devait être passé entre le maire, le donateur et le nouveau concessionnaire, le maire ne pouvant s’opposer à cette donation que pour des motifs tirés de l’intérêt général (C.E. Hérail, AJDA 1957, du 11 octobre 1957).
Il s’agit en fait d’une dénaturation de la décision Hérail, puisque cette dernière interdit toute donation. De ce fait, le ministre de l’Intérieur ne pouvait légitimement imposer au maire, autorité administrative décentralisée, l’établissement d’un acte que la juridiction administrative ne pouvait qu’annuler.

La circulaire ministérielle du 27 février 1991 reprend le même raisonnement, en apportant des précisions sur :
  • La faculté, pour le titulaire d’une concession funéraire collective, de réguler le droit à l’inhumation dans celle-ci, en désignant la ou les personnes qui ont un droit à y être inhumées ; les concessions funéraires ont un caractère familial, mais le bénéficiaire d’une concession peut y faire inhumer des personnes n’appartenant pas à sa famille, à moins que des motifs d’ordre public ne s’y opposent (Hérail précité) ;
  • La nature du bien familial, reconnu aux concessions, leur permet d’être transmises.
Cette transmission s’effectue le plus souvent au sein même de la famille du concessionnaire.

La doctrine paraît majoritairement favorable à un régime maintenant l’unité et la solidité familiales, tout en l’assortissant de clauses permettant la transmission, par actes entre vifs à titre gratuit, de la concession.
"En l’absence de disposition testamentaire expresse, la concession funéraire passe à l’état d’indivision perpétuelle entre tous les héritiers.
Le titulaire de la concession peut, en outre, disposer de celle-ci par testament en léguant, par une disposition expresse, sa concession à l’un de ses héritiers de sang.
Les mêmes principes sont applicables en ce qui concerne une transmission par donation, qui est possible même au profit d’un descendant qui ne serait pas héritier (cassation, 6 mars 1973, sieur Billot contre Mund)". (cf. circulaire 27.021991).

Cession d’une concession

La disposition de la concession en dehors de la famille du fondateur est plus difficile à régler.

C’est la jurisprudence civile qui a fourni plusieurs règles en la matière :
  1. La concession peut librement faire l’objet d’une donation à un tiers, lorsqu’elle n’a pas encore été utilisée ; un acte de substitution ratifié par le maire est alors souhaitable, encore qu’il faille noter que l’administration ne peut pas modifier unilatéralement les conditions de la concession, ce qui implique la participation active des parties à l’acte - C.E. 18 janvier 1929, DP 1930, 3,10).
  2. Il est acquis que les concessions funéraires sont hors du commerce et ne peuvent faire l’objet d’une cession à titre onéreux. Cependant, le titulaire de la concession peut renoncer à ses droits sur la concession au profit de la commune contre le remboursement du prix versé… sans qu’il n’y ait aucun profit pécuniaire dans cette opération ; la concession, dès lors disponible, sera réattribuée par la commune". (cf. circulaire du 27.02.1991).
Il est important de noter que cette réponse ministérielle distingue clairement deux notions fondamentales en droit funéraire, et plus particulièrement dans celui des sépultures, le concessionnaire qui est le fondateur de la sépulture, et ses héritiers.

L’un qui, par son acte de volonté donne naissance à la concession, a un rapport très fort avec elle, puisqu’en vertu de l’article L.2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales, il donnera une destination familiale à la concession qui sera "sa sépulture et celle de ses enfants ou successeurs" reconnue par la jurisprudence civile sous la terminologie "de règle de l’affectation spéciale de la concession à la famille du concessionnaire" (Cass. Civ. 25 mars 1958, Bull. Civ. I, n° 179) principe ou règle qui paraissent, à la lecture de cet arrêt, inviolables.

A cet égard, la réponse ministérielle de février 1991 est critiquable, car non seulement elle n’énonce pas le droit objectif issu de la loi (C.G.C.T.) ou de la jurisprudence, qu’elle soit administrative ou civile, mais elle tend de surcroît à créer un droit original tiré de l’amalgame des décisions du Conseil d’État et de la Cour de Cassation, qui en vertu de la règle de séparation des compétences, et de celles que la loi leur attribue spécifiquement, ne peuvent être réduites à des hypothèses juridiques aléatoires.

En toute logique, le cas Mund et Billot n’aurait point existé si le moyen tiré de l’incompétence de la juridiction civile pour connaître des litiges relatifs aux contrats d’occupation du domaine public qui relevaient, pour les concessions dans les cimetières, depuis 1957 (consorts Hérail précité) de la compétence de la juridiction administrative, avait été soulevé.

C’est ainsi qu’en se référant tant à l’arrêt Méline, qui établit qu’une concession funéraire a pour support matériel le domaine public, ainsi qu’à l’arrêt Hérail, nous avions estimé dans notre ouvrage la Commune, l’Aménagement et la Gestion des Cimetières Berger Levrault 1979 :
  • "Que le principe sacro-saint de l’inaliénabilité du domaine public formait un obstacle insurmontable à la cession du terrain, le détenteur de la concession ne pouvant aliéner un fonds qui ne lui appartient pas…".
  • "Qu’en fait, à défaut de propriété foncière, c’est l’autorisation d’occuper privativement le domaine public, sans que cette autorisation ne présente les caractères de précarité et de révocabilité qui y sont attachés traditionnellement, qui fera l’objet du marché".
La jurisprudence civile a sanctionné très tôt les cessions à titre onéreux en les proscrivant "le concessionnaire ne peut céder sa concession par acte entre vifs ; les concessions funéraires sont hors du commerce et ne peuvent faire l’objet d’une cession à titre onéreux" (Cass. Civ. 23 janvier 1894).

Les possibilités d’admettre une donation par acte entre vifs sont peu nombreuses dans la jurisprudence civile : Pour notre part, nous en dénombrons une s’adressant aux concessions qui ne sont point devenues sépultures, la condition fixée par la Cour de cassation étant celle "d’avant toute utilisation" (1ère espèce :Cass. Civ. 23 octobre 1968, JCP 1969 II, 15715, Mund/Billot, confirmée dans la deuxième, Cass. 6 mars 1973, JCP 1973 II, 17420.

Dans la pratique, les effets de cet arrêt sont limités au règlement d’un litige familial, tout en observant que la concession s’est trouvée attribuée à l’un des héritiers par le sang du fondateur.

Mais en fait, si les règles du droit administratif avaient été observées, et si le moyen tiré de l’incompétence de la juridiction civile pour connaître des contrats d’occupation du domaine public avait été soulevé par la partie concernée, force est d’admettre que le contentieux Mund/Billot n’aurait jamais été évoqué devant la Cour de cassation et qu’aucune autorité n’aurait pu se livrer à une exégèse juridique qui connaît aujourd’hui de sérieuses aberrations.

L’absence d’un texte législatif, puisque la matière relève bien de la loi, fait cruellement défaut, comme l’a constaté le rédacteur d’un article paru dans un magazine funéraire en 2002.

Tout naturellement, l’auteur préconise de faire application pour le contentieux des concessions funéraires, ayant pour effet d’occuper le domaine public, d’une compétence administrative (le Conseil municipal ou le Maire, si celui-ci a reçu délégation de l’assemblée délibérante pour la délivrance ou les reprises de concessions).

Cette solution présente au moins deux intérêts majeurs, à savoir :
  • D’une part, elle permet à l’autorité locale d’apprécier les motifs qui conduiraient un concessionnaire à attribuer ses droits sur une concession à un membre de sa famille, voire à un tiers, comme dans le cas d’une migration familiale avec délaissement de la concession qui aura été, dans un premier temps, vidée de tout corps occupant.
Il convient toutefois d’objecter qu’il existe une procédure de rétrocession des concessions, qui, lorsqu’elle est instituée, permet de résoudre ces problèmes.

Néanmoins celle-ci a ses limites, dès lors que l'exhumation du corps du fondateur est strictement prohibée, ce qui rend aléatoire sa mise en oeuvre dans de nombreux cas, le ministre de l'Intérieur ayant rappelé que les " héritiers étaient tenus de respecter les contrats passés par leurs auteurs".
  • D’autre part , elle offre la possibilité de conserver une homogénéité dans le contentieux des actes administratifs, la décision du maire, qu’elle soit tacite ou formelle, pouvant impliquer un recours devant la juridiction administrative.
Concession et succession

La cour d’appel de Lyon, dans son arrêt du 7 novembre 1949, Devard c/Ode, S, 1950 – I, 63, a décidé que les titulaires de concessions ont un droit de jouissance avec affectation spéciale qui, n’étant pas dans le commerce, ne peut être ni cédé, ni donné entre vifs, qui ne tombe pas en communauté et qui échappe après la mort au partage.

C’est en raison de son affectation familiale que la concession ne vient pas au partage ; elle reste indivise entre les ayants droit du concessionnaire, c’est-à-dire ses descendants, directs, sans discrimination dans le degré de parenté.

C’est ici que la distinction jurisprudentielle entre le concessionnaire, fondateur de la sépulture, et ses héritiers présente tout son intérêt.

Il est généralement admis que le concessionnaire, qui est à l’origine de la concession, possède sur celle-ci un droit réel immobilier, même si la loi du 5 janvier 1988, article 13, hormis quelques exceptions, excluait la constitution de droits réels sur le domaine public, qui lui permet de définir l’affectation de la concession à des descendants et successeurs, c’est-à-dire globalement à sa famille, avec la possibilité également de désigner des personnes étrangères susceptibles d’y être inhumées.

Il peut moduler en ce sens l’occupation future de la sépulture, en réduisant ou élargissant les ayants droit à une inhumation et peut être à l’origine d’une modification de la durée de la concession, voire choisir la forme des constructions qui y seront édifiées, le modèle du monument, le contenu des inscriptions.
Comme nous le verrons plus loin, il n’apparaît pas entrant dans le champ d’application du pouvoir de police du maire de restreindre cette liberté.

Il y a donc des éléments constitutifs d’un droit réel particulier, qui n’est pas un droit de propriété puisque la concession est implantée sur le domaine public, l’élément d’abusus n’existant pas.

Aujourd’hui il semblerait que la jurisprudence du Conseil d’État reconnaisse indirectement la nature administrative de ce droit.
Le droit de l’héritier d’une concession funéraire est plus diffus et difficile à cerner. Certains auteurs, tels M. Viatte, Le Droit des Concessions Funéraires, GP, 1972, 2 DOC : p. 676 et MM. Tricon et Autran, La Commune, l’Aménagement et la Gestion des Cimetières, 1979, p. 145, attribuent à l’héritier du concessionnaire un droit personnel.

En effet, cette position est fondée sur le fait que c’est le concessionnaire initial qui détermine l’affectation spéciale de la concession à la famille, lui seul pouvant éventuellement élargir ou restreindre la composition familiale. En revanche, les héritiers sont tenus par les contrats passés par leur auteur, la nature contractuelle du contrat de concession n’étant plus aujourd’hui discutée (cf. d’Abbadie et Bouriot, Code Pratique des Opérations Funéraires, Le Moniteur 1996, Jean-François Auby et Stéphane Rials, Votre Commune et la Mort, Le Moniteur 1982, Daniel Mastin, Cimetières et Opérations Funéraires, Guide Pratique Sofiac 1997, Jean-Pierre Tricon et André Autran, La Commune, l’Aménagement et la Gestion des Cimetières, Berger Levrault 1979).

Cette distinction est formelle entre le concessionnaire et les héritiers, par une désignation spécifique comme les co-indivisaires (cf. Marie-Thérèse Viel, Droit Funéraire et Gestion des Cimetières, Editions Berger Levrault, Administration Locale 1999).

En ce qui concerne les inhumations, la question fondamentale est de savoir quelles sont les personnes que le titulaire de la concession peut faire inhumer : Elle se pose différemment devant le juge administratif et devant le juge judiciaire.
 
La jurisprudence administrative

Elle interprète très largement l’article 18 du 23 prairial an XII, désormais article L.2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales.

Dans le contrat qu’il passe avec la commune, le concessionnaire peut préciser quelles personnes auront le droit de se faire inhumer dans le terrain : C’est l’apanage du concessionnaire. En revanche, les héritiers sont tenus par la règle d’affectation spéciale de la concession à la famille, et il est généralement admis par le Conseil d’État que la commune n’a aucun moyen pour s’opposer à l’inhumation d’un membre de la famille du fondateur ou des titulaires ultérieurs.

Lorsqu’il existe plusieurs titulaires de la concession, chacun peut y faire inhumer son conjoint ou ses enfants, sans obtenir l’accord des autres. Il est toutefois remarquable que les cotitulaires d’une concession, c’est-à-dire les héritiers, s’ils sont tous d’accord, disposent du même droit, sauf volonté expresse contraire du fondateur. Or, sur ce point, et c’est là qu’il nous paraît utile d’insister, le juge judiciaire et le juge administratif exigent l’accord unanime des cobénéficiaires pour faire pratiquer une inhumation : Bordeaux, 4 mars 1991, Argouet, JCP, 1992 – 4, n° 132, cet arrêt impliquant que les cotitulaires qui n’ont pas donné leur accord peuvent obtenir l’exhumation.

Par ailleurs, en vertu d’un jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 27 avril 1984, Thuegaz, Recueil Lebon, p. 523, le maire ne peut donner l’autorisation d’inhumation que sur accord des concessionnaires indivis.

La jurisprudence judiciaire

Devant le juge judiciaire, la question de savoir qui peut être inhumé se pose d’une façon tout à fait différente, puisqu’il s’agit d’un litige familial.

Lorsque la concession n’a qu’un titulaire, le juge lui reconnaît des pouvoirs importants pour décider des inhumations puisqu’il est seul à avoir des droits sur la concession. En revanche, lorsqu’il y a indivision, les droits de chaque titulaire sont fortement limités par ceux des autres.

C’est ainsi que l’affectation familiale dont une concession est grevée n’implique pas que tous les membres de la famille aient un droit acquis à y être inhumés, et l’héritier d’une sépulture peut valablement s’opposer à l’inhumation de membres de sa famille : Cassation 6 mars 1973, Billot c/Mund, précité.

L’inhumation d’une personne étrangère à la famille doit être autorisée par le fondateur ou ses ayants droit, et il n’appartient pas à sa veuve de retirer l’autorisation : Cassation, 13 mai 1980, Wagner c/Coudal, bull. Cass. 1980 I, p. 120, JCP 1980 IR, p. 282.
Cette dépendance directe entre héritiers milite en faveur de la reconnaissance d’un droit personnel par opposition au droit réel de nature immobilier, attribué par la jurisprudence au concessionnaire, fondateur de la sépulture. (Tribunal des Conflits 6 juillet 1981, Jacquot : Rec. Cons. d’État p. 507).

Le concessionnaire peut, en conséquence, exercer les actions possessoires à l’encontre des tiers (Cass. 5 novembre 1967, Clertan c/Chemins de Fer de Lyon).

Force est de constater que le droit des héritiers est manifestement inférieur à celui du concessionnaire. La doctrine est unanime pour reconnaître cette différence de statut, mais tous les auteurs ne vont pas jusqu’à dissocier le droit réel du droit personnel, sauf pour MM. Viatte, Tricon, et Autran, Daniel Mastin, et enfin J.F. Auby et A .Rials.

Les auteurs précités s’accordent à reconnaître que le plus souvent la concession est familiale et qu’au décès du concessionnaire, s’il se trouve plusieurs titulaires qui ne seraient pas d’accord sur les inhumations opérées, ceux-ci doivent s’adresser au juge judiciaire pour trancher le litige.

L’administration ne peut-être juge en l’espèce, seuls les tribunaux peuvent rechercher l’intention du concessionnaire ou les intérêts des héritiers.

Cette analyse permet donc de dissocier l’approche du droit des héritiers sur une concession opérée par la justice administrative, de celle faite depuis plusieurs décennies par la juridiction judiciaire.

Elle sera en outre renforcée par un exposé succinct sur les pouvoirs de police du maire, qui permettra de dégager des moyens sur l’incompétence, dans certains cas, de la juridiction judiciaire.

Les pouvoirs de police du Maire

Issus du décret du 23 prairial an XII, puis de l’article 97 de la loi du 5 avril 1884, les pouvoirs de police du maire sont désormais codifiés au Code Général des Collectivités territoriales, au livre II, titre 1er Police, les articles L.2211-1 à L.2213-6 pour la police générale, L.2213-7 à L. 2213-15 pour la police des funérailles et lieux de sépulture.

Au titre de la police municipale à caractère général, le maire est chargé sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’État qui y sont relatifs (L.2212-1).

En vertu de l’article L.2212-2, la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté , la sécurité et la salubrité publique.
Au titre de la police spéciale, police des funérailles et des lieux de sépulture, le maire, ou à défaut le représentant de l’État dans le département, pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment, sans distinction de culte ou de croyance (article L.2213-7). L’article L.2213-8 lui confère les pouvoirs d’assurer la police des funérailles et des cimetières.

En ce qui concerne les funérailles et les cimetières, l’article L.2213-9 prescrit que sont soumis aux pouvoirs de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir de distinctions ou de prescriptions particulières en raison des croyances et du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort.

Il est généralement admis par la jurisprudence administrative que le maire peut réglementer l’utilisation et l’usage des concessions : Il s’agit de pouvoirs très importants qui lui sont reconnus.

En revanche, il ne peut limiter les droits des usagers dans le domaine de la religion ou de l’esthétique, car le juge veut laisser à chaque cohéritier la liberté et la façon d’honorer les morts (C.E. 11 mars 1983, Commune de Bures-sur-Yvette, reg. N° 20837 ; Droit Administratif, 1984 n° 161) sauf à interdire l’édification d’un monument funéraire qui rendrait impossibles les opérations d’inhumation (Cons. d’État, 28 juillet 1986, L. Railhet, reg. N° 63606, Gaz. Pal. 1987, I , somm. 241).

Dans ce contexte, c’est l’ordre et la décence du cimetière qui retiendront notre attention.

La décence, le respect dû aux morts, la sécurité et la salubrité, sont les buts classiques de la police générale, particulièrement valables pour justifier des mesures de police concernant le cimetière.

Les mesures que le maire peut prendre pour maintenir l’ordre lorsqu’il craint des troubles, n’ont rien de spécifiques lorsqu’il s’agit du cimetière.

L’article 6 de l’ordonnance du 6 décembre 1843, intégré désormais à la partie réglementaire du Code Général des Collectivités Territoriales, soumet à l’approbation du maire les inscriptions faites sur les pierres tumulaires et les monuments. Selon l’article L. 2214-4 du Code Général des Collectivités Territoriales, la tranquillité publique, le bon ordre sont, comme nous l’avons énoncé précédemment, des motifs qui donnent lieu à l’exercice des pouvoirs de police municipale, l’inhumation de certaines personnes faisant partie de ces occasions où le maire peut intervenir dès lors qu’il peut craindre des troubles ou des manifestations susceptibles d’affecter l’ordre et la tranquillité publics.

C’est ainsi que la grande originalité du pouvoir de police du maire sur le cimetière est l’importance des mesures qu’il peut prendre pour assurer l’ordre, le Conseil d’État ayant interprété très largement cette notion.

Comme le disent MM. Vidal et Senac de Monsembernard, Législation Funéraire, Litec, 1999 p.49, le maire est en définitive chargé de l’ordre matériel du cimetière, ce qui rend difficile la distinction entre sa compétence et celle du conseil municipal.

Toutefois, depuis 1907, la tendance est au renforcement de la compétence du maire en matière de police municipale, confirmée par l’évolution de la réglementation.

La jurisprudence a dégagé une notion constante en la matière : Le maire ne peut restreindre les droits des usagers, que lorsque la mesure prise a pour objet direct l’ordre et la décence du cimetière, donc l’intérêt général.

À la différence des autres occupants du domaine public, les titulaires des concessions funéraires bénéficient d’une stabilité particulière, bien qu’ils ne disposent pas de propriété opposable à la commune.

Ils peuvent demander à la juridiction administrative l’annulation des décisions irrégulières et la réparation de dommages causés par l’administration du cimetière (Cons. d’État 20 janvier 1988, Mme Chemin-Leblond c/ville de Paris et a : Dr adm. 1988, n° 128).

Cette stabilité se manifeste également par l’impossibilité pour l’administration de modifier unilatéralement les conditions de la concession, notamment celles relatives à la redevance prévue par l’acte de concession (Cons. D’État 18 janvier 1929 : DP 1930, 3, 10), décision qui renforce le caractère contractuel de l’acte de concession.

Ce faisant, force est de constater que le contentieux des concessions funéraires est dominé par un principe de compétence de la juridiction administrative et que, de ce fait, le régime juridique est, pour une grande part, dépendant du droit public.

Les juridictions administratives devraient apprécier et qualifier les actes juridiques à caractère administratif relevant de la compétence du maire, sauf si l’on se trouve en face d’une emprise irrégulière ou une voie de fait, ce qui justifierait une compétence judiciaire.
L’un des cas assez ordinaires, qui peut déboucher sur un contentieux, porte sur la notification qu’un maire pourrait faire à des membres de la famille d’un défunt, d’une opposition établie en bonne et due forme (acte déclaratif extra-judiciaire, lettre recommandée avec accusé de réception) par laquelle un héritier d’une concession s’opposerait à l’inhumation d’un tiers étranger à la famille naturelle du concessionnaire.

L’action du maire vise à informer des personnes membres de la famille d’un concessionnaire ou d’héritiers de l’existence d’un acte de volonté, limitant l’accès à la sépulture aux personnes désignées dans l’acte.

Si celui-ci émane du concessionnaire, le maire sera tenu de faire respecter ces volontés, puisqu’il est une conséquence de l’arrêt Hérail que le fondateur de la concession peut décider d’y faire inhumer des personnes, même étrangères à sa famille, sauf si cette inhumation affecterait l’ordre public.

Le maire est, de ce fait, lié par le contrat puisque la commune y est partie.

Dans le cas d’un héritier s’opposant à l’inhumation d’un tiers, étranger à la famille du concessionnaire, le maire devra a minima notifier l’opposition au déclarant du convoi qui sollicite l’autorisation d’inhumer.

Si manifestement la transgression de l’opposition était de nature à entraîner de graves atteintes à l’ordre public ou à l’intérêt général, le maire pourrait s’opposer à l’inhumation, quitte à faire appel à la force publique.

Généralement ces divergences entre membres d’une famille ne vont pas jusqu’à de telles extrémités ; il importe toutefois que le maire, afin d’exclure toute responsabilité personnelle ou collective, veille scrupuleusement à notifier aux parties concernées les actes déclaratifs concernant le devenir ou l’utilisation d’une concession funéraire.

Le critère de la double compétence juridictionnelle apparaît dans ces cas assez évident, car les actes et décisions du maire relèvent, au plan contentieux, du droit administratif, sauf si les actes peuvent être qualifiés d’emprise ou de voie de fait alors que, en revanche, les contestations qui peuvent s’élever entre les membres de la famille, à propos de la disposition de la concession, seront soumises au juge judiciaire.

Sous cet aspect, l’originalité du droit des concessions est manifeste, puisqu’un litige peut être déféré à deux ordres de juridictions.
 
Jean-Pierre Tricon

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations