"La sépulture est, pour le juriste, un lieu étrange où le droit des personnes, le droit des biens, l’ordre public et la morale vont venir se juxtaposer jusqu’à se confondre, et cela dans un seul but : Il ne faut pas troubler le sommeil des morts…". Xavier Labbée
Les très récents cas de profanation de sépultures survenus au cimetière militaire Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais), au cimetière St-Eloi de La Rochelle (Charente-Maritime) ou au cimetière de St-Hilaire de Marville (Meuse) ont suscité une vive et légitime indignation. Cette atteinte grave au respect dû aux morts permet de s'interroger sur la réponse pénale apportée à de tels actes et sur la prévention de ceux-ci. Le 17 avril dernier, Guillaume Didier, porte-parole de Madame le Garde des Sceaux, a rappelé que 38 affaires de profanation de sépultures avaient été signalées en 2007 par les parquets (contre 76 en 2006 et 70 en 2005). Sur ces 38 affaires, le taux de réponse pénale était de 81 % contre 60 % en 2006.
 
Mais quelle est cette réponse pénale ?

L’article 225-17 du Code pénal protège "la paix de la dernière demeure", ainsi que tout monument érigé à la mémoire des morts, contre tout dommage causé volontairement. L'infraction est constituée par un élément matériel, le fait de porter atteinte à la sépulture et/ou au corps du défunt et d'un élément intentionnel, la volonté de manquer au respect dû aux morts. Le mobile de l’infraction peut d'ailleurs aggraver la sanction encourue, c'est notamment le cas des actes perpétrés en raison de l'appartenance religieuse des défunts.
 
L’histoire montre que les plus anciennes législations ont sévèrement puni la violation des tombeaux et l’outrage aux morts. La sépulture était considérée à Rome comme une res religiosa dont la violation constituait un sacrilège. L’auteur du crime encourait, selon sa condition, la mort ou la déportation. Chez les Francs, celui qui avait exhumé un cadavre pour le dépouiller était banni, jusqu’à ce que ses parents consentissent à le faire revenir. Les violations de sépulture sous l’Ancien Régime prenaient cinq formes différentes : Déterrer des cadavres, les utiliser aux fins d’anatomie, les dépouiller de leurs vêtements pour les voler, empêcher l’enterrement d’une personne ou porter atteinte au corps en le mutilant. Les magistrats avaient alors le choix entre la mort, le bannissement, les galères à perpétuité, le pilori, le fouet et l’amende, la peine dépendant de la qualité des personnes et des circonstances de l’infraction.
 
Désormais, l’article 225-17 du Code pénal réprime dans son alinéa premier "toute atteinte à l’intégrité du cadavre par quelque moyen que ce soit" et dans son alinéa deux "la violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures ou de monuments édifiés à la mémoire des morts".

L’acte doit constituer un manquement au respect dû aux morts et le délit peut être constitué alors même qu’il n’y a pas eu de contact entre l’auteur de l’infraction et le cadavre. Ainsi, le délit est constitué lorsqu’un individu lance volontairement des pierres dans la fosse destinée à recevoir les cendres d'un mort (Bordeaux, 9 décembre 1830, S. 1831.2.263), ou verse, au moment de l’inhumation, du vin et jette du pain sur le cercueil en proférant des blasphèmes (Rennes, 16 janvier 1978, D. 1879.2.18). Le sacristain qui, sous prétexte que les familles qui ne contribuent pas au denier du culte n’ont pas droit au drap mortuaire, enlève violemment celui-ci du cercueil commet également le (un ?) délit (Bourges, 9 décembre 1909, D. 1910.2.264), tout comme la personne qui macule de boue une pierre tombale et y appose des inscriptions injurieuses (Crim. 2 juin 1953, Bull. Crim. N°188 ; D. 1953.649). Piétiner les fleurs posées sur une tombe de manière systématique (Crim. 8 février 1977, Bull. Crim. N°52 ; RSC 1977.580), porter des coups sur une pierre tombale endommageant à la fois le tombeau et les objets apposés sur celui-ci (Paris, 22 novembre 1990, Droit pénal 1991.200) ou creuser simplement la surface de la tombe dans l’intention de prélever un morceau de chair au cadavre, sont des actes qui constituent le délit de violation de sépulture (Trib. Corr. de Fort-de France, 22 septembre 1967, JCP G 1968.II.15 583).

La violation de sépulture peut s’accompagner d’une atteinte directe au cadavre. Dès lors, la profanation de la sépulture et l’atteinte à l’intégrité du cadavre seront individuellement sanctionnées. Le TGI d’Arras a ainsi condamné à 2 ans d’emprisonnement, un individu qui s’était rendu coupable de violation de sépulture et d’atteinte à l’intégrité du cadavre d’une jeune fille de 15 ans qui venait d’être inhumée. Il avait en effet pénétré dans la tombe, ouvert le cercueil et arraché les vêtements de la défunte (TGI Arras, 27 octobre 1998, D. 1999.511). Par ailleurs, les juges ont dû s'interroger sur l'applicabilité de l’article 225-17 du Code pénal aux sépultures abandonnées et faisant l’objet d’une procédure de reprise par la commune. La Cour de cassation a eu à connaître d’une affaire dans laquelle des fossoyeurs s’appropriaient des objets laissés dans les tombeaux au cours de travaux de nettoyage de sépultures en terrains communs ou abandonnées. En effet, les prévenus avaient pris l’habitude d’éventrer les cercueils en usant d’instruments ou en sautant dessus afin de délester les restes mortels de leurs dents en or et autres bijoux (Cass. Crim., 25 octobre 2000, D. 2001.1052).

Il furent condamnés à une peine d’emprisonnement pour vol et recel aggravés et pour violation de sépulture et atteinte à l’intégrité du cadavre.
 
L’article 225-18 du Code pénal amplifie les sanctions encourues lorsque le caractère discriminatoire de la violation est rapporté. Ainsi, l’individu qui se rendrait coupable d’une violation de sépulture et/ou d’une atteinte à l’intégrité du cadavre en raison de l’appartenance, ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, du défunt à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée verrait ces sanctions aggravées. (Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, et à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque la profanation a été accompagnée d'atteinte à l'intégrité du cadavre).

Sur les 38 affaires de violation de sépulture recensées en 2007, 23 avaient un caractère raciste, 13 un aspect antireligieux et 2 une connotation antisémite. Elles ont donné lieu à 33 condamnations.

Mais comment prévenir de telles atteintes ?

Faut-il aggraver les sanctions encourues par les auteurs comme l'avance la proposition de loi d'Yves Nicolin déposée en 2000 ou celle de Pierre Lasbordes en 2004 ? Faut-il que les maires installent, dans le cadre des contrats locaux de sécurité, une télésurveillance des cimetières et des lieux de culte comme le proposait le ministre de l'Intérieur en 2004 ? Ces questions restent entières.

Marion Perchey
 
Marion Perchey,
Doctorante en droit public,
Responsable des études en droit funéraire au Voeu Funéraire.
 
Biographie :
Doctorante en droit public à l'Université François Rabelais de Tours, je prépare une thèse sur "l'indignité en droit public" en droit des libertés fondamentales.  Lors de mes études, j'ai également travaillé sur des questions touchant au droit funéraire (le transport du corps, la liberté des funérailles). Ce sont ces compétences en la matière qui m'ont conduites à exercer la fonction de responsable des études funéraires au Voeu funéraire. Cette entreprise, qui a déjà en charge de répondre aux questions juridiques des entrepreneurs et des particuliers sur le funéraire, m'a semblé la mieux à même de développer un réseau d'experts en droit funéraire chargé de résoudre les enjeux actuels du droit funéraire. Le Voeu a notamment l'ambition de créer, en sus de la base de données Funeconsult, un forum interactif dédié aux entrepreneurs, aux particuliers et aux collectivités territoriales.

Bibliographie :
Labbée Xavier, Condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort, Presses Universitaires de Lille, 1990.
 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations