De nombreux opérateurs funéraires, tant communaux que privés, s'interrogent sur la destination des eaux récupérées dans un caveau de cimetière et sur la prise en charge des frais d’élimination.

Sur le plan des principes, le montant des frais d’élimination dépend de la classification de ces eaux en eaux pluviales ou eaux usées. Ces frais incombent au producteur direct, avec la participation éventuelle des responsables de cette présence d’eau dans le caveau. Seront successivement détaillés la caractérisation de ces eaux et le traitement applicable à ces eaux usées particulières, les causes de la présence d’eau qui sont multiples et les responsabilités pouvant être engagées suite à la présence de ces eaux, avec le financement de leur élimination.

Caractérisation de ces eaux et destination en fonction de cette caractérisation

Chaque commune se préoccupe de trois catégories d’eaux : les eaux pluviales, les eaux usées domestiques et les eaux usées industrielles ou artisanales.

Eaux pluviales
En application de l’article 42 du règlement sanitaire type (repris dans chaque règlement sanitaire départemental selon un numéro voisin), chaque commune choisit d’appliquer une des deux règles suivantes d’évacuation des eaux pluviales : rejet dans la nature le plus souvent ou, par dérogation, rejet avec les eaux domestiques usées, c’est-à-dire dans les égouts à destination de la station d’épuration des eaux usées domestiques.

Seules pourraient être considérées comme eaux pluviales les eaux tombant directement (caveau ouvert, sans ruissellement sur le sol du cimetière) dans un caveau autonome, conforme à la norme NF P 98-049, et dans lequel aucun corps n’a été déposé. Rentre également dans cette catégorie d’eaux propres la flaque d’eau de condensation résultant de la condensation de l’air chargé d’humidité sur les parois froides du caveau autonome, occupé ou non, car le bac de recueil des liquides obligatoirement placé sous chaque cercueil empêche la contamination de cette eau propre. L’emploi du mot "flaque" signifie la très petite quantité d’eau mouillant le sol du caveau.

Les eaux propres issues d’un caveau de cimetière doivent donc suivre la filière d’élimination appliquée par la commune d’implantation du cimetière pour les eaux pluviales.

Eaux usées domestiques
Les eaux usées domestiques ne peuvent être rejetées dans la nature, conformément aux articles 48 et 49 du règlement sanitaire type, et doivent être traitées par assainissement autonome ou en station d’épuration communale après rejet à l’égout, en fonction du zonage délimité par la commune.

Ce traitement est justifié par la pollution des eaux usées domestiques par la lessive, par les matières solubles de la cuisine comme l'amidon et par les nitrates des matières fécales. De plus, ces eaux usées ménagères peuvent parfois être polluées bactériologiquement par du sang (recommandation du nettoyage des plaies avant désinfection), par des bactéries responsables des gastro-entérites, par des rejets de dialyse (rein artificiel), et ceci en toute connaissance de l’usager quand il est informé de sa maladie ou involontairement.

Or les eaux souterraines de cimetières présentent des caractéristiques voisines. En effet, ces eaux souterraines sont polluées par les éléments de dégradation de la matière organique, les éventuelles bactéries présentes, bien que les bactéries ne soient pas viables dans le sol (à l’exception des spores de la maladie du charbon qui ne concernent pas la France), et les produits chimiques utilisés pour le désherbage.

Les eaux de pluie qui ruissellent à la surface du cimetière présentent les mêmes risques, en moindre proportion, car l'évaporation fait remonter par capillarité les eaux souterraines avec les substances entraînées par ces eaux. Le principe de précaution conduit à traiter ces eaux de ruissellement comme les eaux souterraines.

Les eaux non pluviales entrées dans un caveau de cimetière, occupé ou non, c’est-à-dire les eaux autres que celles que définies au 1-1) ci-dessus, ont été au contact du cimetière et sont donc polluées, plus ou moins selon que leur pénétration dans le caveau s’effectue en surface ou en profondeur.

Ces eaux polluées de caveau de cimetière présentant les mêmes risques que les eaux usées domestiques peuvent donc être traitées avec les eaux usées domestiques, après pompage et transport dans une station d’épuration communale.

Le décret n° 2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets, pris en application de la décision européenne 2000/532/CE du 3 mai 2000 relative à la liste des déchets dangereux, classe les déchets de cimetière en catégorie non dangereuse, du fait du délai d'inhumation, imposé par le Code Général des Collectivités Territoriales, qui est supérieur à la durée de vie des germes pathogènes dans le sol. Ceci entraîne l'absence d'agrément de l'éliminateur, l'absence de bordereau de suivi pour les déchets de cimetière et la simple déclaration à la Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE), du transporteur de déchets de cimetière, que ces déchets soient solides ou liquides.

Eaux usées industrielles ou artisanales
L’article L. 1331-10 du code de la santé publique soumet à autorisation de la collectivité propriétaire des ouvrages de collecte et de traitement des eaux usées domestiques tout déversement d’eaux usées non domestiques dans les égouts publics ou la station d’épuration.

En effet, la station d’épuration communale ne peut accepter que des eaux usées qu'elle est capable de traiter, ce qui est le cas des eaux usées trouvées dans un caveau de cimetière, du fait de leur similitude avec les eaux usées domestiques.

Cette autorisation peut-être assortie d’une participation aux frais de traitement puisque le producteur d’une eau usée est responsable de son traitement, conformément à l’article L. 541-2 du code de l’environnement. Cette possibilité résulte de la quantité et des coûts engendrés par le traitement de ces eaux industrielles ou artisanales.

Causes de la présence d’eaux usées dans les caveaux

L’article R. 2223-2 du code général des collectivités territoriales impose que les terrains les plus élevés et exposés au nord soient choisis de préférence, l’élévation ayant pour objet d’éviter la présence d’eau souterraine. Les mots "de préférence" font de cet article une recommandation et non une obligation, sachant que des techniques d’aménagement du cimetière permettent d’éviter l’entrée d’eau dans le caveau.

Le choix du terrain faisant fonction de cimetière par le conseil municipal, quelle que soit l’année de sa création, a donc une incidence sur la présence d’eau souterraine.

De plus, le règlement municipal du cimetière peut imposer des aménagements spécifiques en vue d’éviter la présence d’eaux usées dans les caveaux :
 

  • Les allées de circulation doivent être en léger contrebas par rapport aux caveaux afin de favoriser l’élimination des pluies torrentielles ;
  • La construction de terrasses horizontales destinées à la mise en place de caveaux dans les cimetières établis sur un terrain en pente permet de limiter le ruissellement autour des caveaux ;
  • La présence d’un joint supérieur sous la dalle de fermeture des caveaux posés dans les cimetières en pente empêche l’entrée dans le caveau d’eau de ruissellement des eaux de pluie ;
  • La pose obligatoire par les marbriers de caveaux autonomes conformes à la norme NF P 98-049 empêche l’entrée d’eau souterraine. Cette obligation, justifiée par l’absence de dégradation des corps à l’état d’os blancs, doit figurer dans le règlement de cimetière pour être imposable aux familles. De plus, le règlement doit imposer que toute ouverture et fermeture du caveau respecte la notice de pose et d’entretien établie par le fabricant, afin d’éviter l’entrée d’eau de ruissellement.


Toutes ces techniques figurent sur une recommandation (Page....... .) relative aux critères topographiques, géologiques, hydrogéologiques et d’hygiène publique à prendre en compte pour assurer la protection de l’hygiène publique en matière de cimetière. Cette recommandation a été adoptée par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France lors de sa séance du 5 septembre 1996 (*).
Ce document a un caractère de recommandation et non d’obligation. Il répond aux nombreuses interrogations des professionnels sur la sécurité sanitaire et la protection des eaux naturelles. Unique document traitant de cette question, il mérite d’être diffusé.

La chambre de cassation, troisième cour civile, dans son arrêt du 17 décembre 2003, pourvoi n° 02-17388, a statué que le caveau de cimetière était un ouvrage, donc soumis à garantie décennale. Ce jugement impose, dans le cadre de la garantie décennale, l’absence d’eau, car la présence d'eau est incompatible avec la gestion du cimetière (récupération des concessions avec dépôt des ossements à l’ossuaire) ainsi qu’avec la demande des familles.

La présence d’eau dans un caveau, en dehors de la flaque d’eau de condensation due au dépôt de l’humidité de l’air sur les parois froides, et des eaux pluviales, est donc la conséquence d’un problème dans la gestion du cimetière. Hors le cas de force majeure et de catastrophe naturelle, peuvent être mis en cause le choix du terrain, l’absence d’aménagements précités destinés à éviter l’entrée d’eau, l’absence de politique de gestion des caveaux imposée par le règlement de cimetière, le non respect de ce règlement par un opérateur funéraire ou tout simplement  la défaillance d’un élément (joint ou paroi).

Responsabilité de l’élimination de ces eaux

L’article L. 541-2 du code de l’environnement impose l’élimination du déchet  (solide ou liquide) par son producteur direct. Ce producteur direct est généralement l’opérateur funéraire opérant dans un caveau à la demande d’une famille, mais ce peut être aussi la collectivité territoriale effectuant des reprises de concessions.

Il est à noter que la collectivité peut déléguer les travaux de reprise de concessions et l’élimination des déchets en résultant à une entreprise privée, mais avec une co-responsabilité si l’entreprise privée ne respecte pas les règles d’élimination des déchets, qu’ils soient solides ou liquides.

Pour les eaux usées de caveau, la responsabilité du fossoyeur en tant que producteur direct responsable de leur élimination est partagée avec le ou les responsables de la présence d’eau dans le caveau (participation amiable ou juridique après un procès) et chaque cas est particulier en fonction des critères fixés ci-dessus.

Sur un plan purement juridique, l’ancienneté du cimetière et l’occupation à titre privé du domaine public empêchent le plus souvent la correction, par la collectivité, des anomalies constatées. Ce n’est généralement que lors de la reprise d’un secteur entier du cimetière que les aménagements destinés à éviter la pénétration d’eau dans les caveaux pourront être mis en place.

De plus, selon l’avis du Conseil d’Etat en date du 1er décembre 1976, Sieur Bérezowski, requête n° 98.946 (recueil Lebon), la collectivité locale ne peut être reconnue responsable de la présence d’eau dans un caveau que lorsque trois conditions sont remplies :

  • Elle connaît l’existence, même très localisée, d’eaux souterraines ;
  • Elle le dissimule volontairement au concessionnaire ;
  • Et la présence d’eau rend impossible l’utilisation du terrain concédé.


Par ailleurs, lorsque le règlement de cimetière prévoit que les concessionnaires s’engagent à n’exercer aucun recours contre la collectivité locale en cas de dégradation de la sépulture liées à des infiltrations d’eau, le conseil d’Etat a jugé, en date du 22 avril 1988, madame Gilbert, requête n° 75.657 (recueil Lebon), que la collectivité locale ne peut être reconnue responsable que lorsque deux conditions sont remplies :

  • Le terrain est impropre à sa destination ;
  • Et les infiltrations résultent d’une faute contractuelle de l’administration.


En conséquence, toute recherche sur les causes de la présence d’eau dans un caveau débute par l’examen des mesures prévues dans le règlement de cimetière. Cependant, étant donné la multiplicité des causes possibles de cette présence d’eau, il vaut mieux éviter tout procès lié à la recherche de la cause de cette présence d’eau, qui risque fort de s’enliser dans des responsabilités croisées et diluées dans le temps. Il est donc préférable de rechercher une solution amiable d’élimination de cette eau, qui est la hantise des familles, et d’appliquer, dès que possible, les recommandations du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France.

Il importe également que ces consignes figurent dans le règlement de cimetière pour être connues des familles, ainsi que des opérateurs funéraires et leur être imposées.
 

Claude Bouriot
 

(*)Les articles du code des communes applicables en 1996 ont été actualisés, pour une meilleure lisibilité, par les articles du code général des collectivités territoriales applicables aujourd’hui.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations