Certains disent que "la terre de cimetière ne peut pas sortir du cimetière". Cette affirmation repose sur la coutume et n’a absolument aucune base juridique.
La réglementation et la jurisprudence, basées sur trois articles, affirment le contraire.
 
1 - Le décret N° 2002-240 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets, pris en application de la décision européenne N° 2000/532/CE du 03 mai 2000, précise au point 20.02 que les déchets de cimetière ne sont pas classés dangereux. La conséquence de cette absence de classement est la liberté complète laissée au producteur pour l’utilisation des terres, au contraire des déchets classés dangereux (piles par exemple) qui ont une destination précise. Ces terres peuvent donc être utilisées pour combler n’importe quelle excavation.

Depuis la loi du 15 juillet 1975, la responsabilité de l’élimination d’un déchet  en revient à son producteur (art. L. 541-2 du code de l’environnement). Le garagiste qui vous change la batterie et les pneus de votre voiture ne vous laisse pas, en plus de la facture, la batterie et les pneus usagés. Il en est de même pour la seringue de l’infirmière ou le plombage dentaire que le dentiste vous a changé.

L’élimination de la terre du cimetière enlevée pour construire un caveau est donc de la  responsabilité de son producteur. Deux cas sont à considérer selon le donneur d’ordre de l’opération :
  • quand une famille s’adresse à un marbrier pour construire un caveau, le marbrier, de même qu’un garagiste ou un maçon, est responsable de ses déchets. Il lui revient d’en assurer une élimination correcte, le coût de cette élimination figurant ou non sur la facture, mais étant assurément pris en charge par la famille commanditaire.
  • quand une commune réaménage une partie de son cimetière avec un marbrier pour y installer des caveaux, elle doit prendre en compte une élimination correcte des terres en tant que donneur d’ordre. Dans ce cadre, elle peut assurer elle-même cette élimination ou la confier au marbrier. Ce point doit être précisé dans le contrat privé passé entre la commune et le marbrier pour définir les responsabilités en cas d’élimination non correcte (décharge sauvage).
 
Les sanctions applicables à une mauvaise élimination sont définies à l’article L. 541-46 du code de l’environnement : deux ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende. Le juge apprécie le montant de la sanction en fonction du risque généré et cette sanction est multipliée par le nombre d’infractions commises.
 
La circulaire du ministre de l’écologie, en date du 18 septembre 2006, relative à la jurisprudence du Conseil d’Etat sur la responsabilité des producteurs et détenteurs de déchets apporte trois précisions complémentaires :
  • Dans ses arrêts publiés au recueil Lebon (CE n°01291, 24 mars 1978, Société La Quinoléine et CE n°62234, 11 avril 1986, société Ugine Kuhlman), le Conseil d’Etat juge que le producteur des déchets est responsable de leur élimination, même s’il a passé un contrat privé pour leur élimination, puisque le contrat de droit privé n’est pas opposable à l’administration.
  • De plus, dans son arrêt CE n° 281231, 13 juillet 2006, société minière et industrielle du Rougé – SMIR, le Conseil d’Etat précise que la police des déchets est indépendante des installations classées (donc applicable aux déchets de cimetière) et  que le producteur de déchets, qu’ils soient industriels ou non, n’est libéré de ses obligations que lorsque les déchets ont été effectivement éliminés dans le respect du droit.
  • Enfin, dans son arrêt CE n°252514, 17 novembre 2004, société générale d’archives, publié au recueil Lebon, le Conseil d’Etat rappelle que la police spéciale des déchets, créée par l’article L. 541-3 du code de l’environnement (déchets abandonnés ou mal traités) relève du maire, déjà responsable de la police générale des déchets. Après une demande au maire restée sans effet, le préfet peut se substituer à lui pour mettre en demeure le producteur ou détenteur des déchets de procéder à l’élimination des déchets dont il est responsable.
 
2 - Le code général des collectivités territoriales (CGCT) précise, en son article L. 2223-4, qu’au moment d’une exhumation les restes mortels de la personne précédemment inhumée à cet endroit doivent être déposés à l’ossuaire. Cet article interdit donc la présence d’ossements dans une concession libre, cette responsabilité incombant au fossoyeur ayant procédé à l’exhumation.
 
De même, pour une exhumation à la demande d’une famille, l’article R. 2213-42 du CGCT dispose que les restes mortels sont déposés dans un cercueil ou une boite à ossements lorsque le cercueil est trouvé détérioré.
 
Le fossoyeur responsable peut être l’opérateur funéraire agissant pour le compte d’une famille ou l’opérateur procédant à des récupérations de concessions abandonnées pour le compte de la commune. Dans ce dernier cas, le contrat privé passé entre le maire et l’opérateur doit bien préciser les responsabilités de chacun.
 
3- L’éthique impose à l’opérateur funéraire de respecter les restes mortels du défunt sous peine des sanctions prévues à l’article 225-17 du code pénal qui réprime le délit de violation de sépulture et toute atteinte à l’intégrité du cadavre par une sanction d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, ces peines étant triplées en cas de racisme (art. 225-18 du code pénal).

La cour de cassation, chambre criminelle, dans son arrêt n° 1815 du 3 avril 1997, a eu à juger le cas d’un marbrier qui avait déposé des terres de cimetière, des débris de cercueils et des ossements dans une décharge municipale d’ordures ménagères, action légale pour les terres et les débris de cercueils à l’époque, les décharges devant désormais être réservées aux cendres et mâchefers issus de l’incinération des ordures après récupération des éléments recyclables.
 
La famille ayant demandé la construction d’un caveau à un marbrier avec récupération des restes mortels prétendait que la qualification professionnelle du marbrier entraînait obligatoirement le délit de violation de sépulture pour non respect des restes mortels, dès lors que ces restes mortels se retrouvaient à la décharge municipale : il devait en effet séparer les ossements et les récupérer.
 
Le tribunal a conclu que le mode de travail du marbrier, au moyen d’une pelleteuse, pouvait entraîner l’élimination involontaire de petits ossements avec les terres de cimetière. C’est ce caractère involontaire de l’épandage des restes mortels dans une décharge municipale (présence constatée par la gendarmerie) qui a conduit à la relaxe du marbrier et à son absence de condamnation.

Conclusion
 
La terre de cimetière n’est pas réglementée dès lors qu’elle ne contient plus d’ossement, ce qui impose de la passer au tamis. Si beaucoup de communes ont mis en place un système de récupération de la terre de cimetière produite par un marbrier, c’est pour s’assurer de l’élimination correcte de cette terre et faciliter le travail du marbrier. Cette pratique ne devrait pas perdurer du fait de la vérité des coûts qui s’impose de plus en plus.
 
Il reste que la valeur marchande de cette terre de cimetière sera très liée au profil psychologique de l’acheteur, certaines personnes ne voulant, en aucun cas, de la terre provenant d’un cimetière dans leur propriété.

Claude Bouriot

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