Lorsque la commune délivre une concession funéraire, elle s’engage dans le cadre d’une relation contractuelle avec le titulaire de ladite concession. Cet engagement juridique peut être à l’origine d’un certain nombre de responsabilités.
Diverses hypothèses de responsabilité
Si le titulaire de la concession funéraire est tenu d’entretenir sa sépulture et de respecter le règlement du cimetière, la commune quant à elle doit assurer à ce concessionnaire la paisible jouissance de la parcelle concédée.
Les relations entre la commune et le concessionnaire sont des relations contractuelles et c’est sur ce terrain que sera, le plus souvent, engagée la responsabilité de la commune.
Il est d’ailleurs possible que le titulaire d’une concession engage la responsabilité de la commune sur le terrain non contractuel. Ainsi, par exemple, lorsque le maire prend la décision de faire passer les canalisations de gaz destinées au chauffage du stade par les allées du cimetière et que ces travaux endommagent une sépulture particulière (TA Bordeaux, 26 mars 2002, n° 01843, Dueynes c/ Commune Camarsac).
Nécessité d’accorder un terrain conforme à sa destination
La commune va engager sa responsabilité dans l’hypothèse où le terrain concédé n’est pas conforme à sa destination, c’est-à-dire ne permet pas de fonder une sépulture dans des conditions normales.
Ainsi, par exemple, la commune ayant l’obligation de délivrer un terrain libre d’occupation (TA Pau, 14 décembre 1960, Loste : Recueil Lebon p. 838. - Rép. min. n° 53601 : JOAN Q 23 juillet 2001, p. 4298), la présence de corps non exhumés dans la parcelle concédée est susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de son cocontractant.
De même, la commune peut voir sa responsabilité engagée dans l’hypothèse où le terrain concédé ne permet pas de procéder à des inhumations.
Il en sera ainsi en raison de la présence d’eaux souterraines inondant les caveaux. En effet, dès lors que la présence de ces eaux constitue un obstacle rendant impossible l’utilisation de la concession conformément à sa destination, la responsabilité contractuelle de la commune est engagée (TA Montpellier, 21 décembre 1994, Jean Raphaël Iengo c/ Commune Sète et Sté Axa, req. n° 932180) ; dans l’hypothèse inverse, la commune n’est pas responsable (CE, 1er décembre 1976, Berezowski : Recueil Dalloz 1978, jurispr. p. 45, note L. Richer ; CE 22 avril 1988, Gilbert, req. n° 72926 et n° 75657).
Il va également en être ainsi dans la circonstance où les caveaux implantés sur les concessions sont dégradés par les racines des arbres plantés sur les parties publiques du cimetière (T. civ. Lyon, 24 janvier 1866 : Dalloz Périodique 1867, III, p. 45).
Atteintes aux droits du titulaire d’une concession funéraire
Lorsque l’atteinte aux droits du concessionnaire s’avère d’une particulière gravité et est insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir normal de l’administration, la commune voit sa responsabilité engagée sur le terrain de la voie de fait devant le juge judiciaire.
Le juge semble considérer qu’il n’y aura voie de fait que lorsqu’il aura été porté atteinte aux corps entreposés dans la concession (Cass. 1re civ., 29 mai 2001, Gérard Camy c/ Commune Lagor : Collectivités-Intercommunalité 2001, comm. 293, note D. Dutrieux ; JCP G 2002, II, 10101 note S. Fromont).
Ainsi, un relèvement de corps inhumés dans des concessions temporaires non venues à expiration s’analyse comme une voie de fait (T. civ. Seine, 21 juin 1938, Jacquelin c/ Ville Neuilly : Dalloz Hebdomadaire 1938, p. 589).
Lorsque l’atteinte se limite à une simple dépossession matérielle d’une partie du périmètre de la concession sans qu’il soit touché aux corps entreposés dans le caveau, la commune verra sa responsabilité engagée sur le fondement de l’emprise irrégulière. L’idée de dépossession est donc une composante indivisible de l’emprise irrégulière. Après l’établissement d’un constat par le juge administratif, c’est le juge judiciaire qui fixera le montant de l’indemnisation du concessionnaire de sépulture. C’est notamment le cas dans l’hypothèse d’une revente illégale de concession (CE, 15 février 1961, Werquin : Recueil Lebon, p. 118) ou de l’inhumation de deux personnes étrangères au titulaire de la concession dès lors qu’il n’a pas été touché aux corps entreposés dans le caveau (CE, 22 avril 1983, Lasporte : Recueil Lebon p. 160 ; Revue administrative 1983, p. 255, note B. Pacteau).
Toutefois, il convient de signaler que la frontière entre l’emprise irrégulière et la responsabilité administrative pour faute est parfois tenue et que le juge administratif retiendra sa compétence dans des circonstances qui pourraient s’analyser comme une emprise irrégulière (TA Lille, 11 mars 1999, Belkacem Kheddache, Dehbia Kheddache c/Commune Maubeuge : AJDA 1999, p. 1026, note D. Dutrieux).
De même, il est arrivé au juge administratif de privilégier l’emprise irrégulière au détriment de la voie de fait dans une hypothèse où des exhumations avaient été pratiquées sur une concession à l’occasion de travaux pratiqués sur une concession voisine (TA Versailles, 19 décembre 1989, Flageolet-Lardenois : Juris-Data n° 1989-052206).
Enfin, l’emprise irrégulière ne sera pas retenue, malgré l’empiétement d’une concession voisine, aux motifs que cet empiétement ne résulte pas d’un fait de l’administration (CAA Nancy, 2 juillet 1991, Consorts Tahir, req. n° 89-NC01389). L’administration peut toutefois utilement invoquer, en cas d’atteinte au périmètre de la concession, l’absence d’une concession véritablement matérialisée pour éviter que le juge ne retienne l’emprise irrégulière. De surcroît, la proposition d’attribuer à la famille une parcelle contiguë pourra conduire le juge à ne pas retenir de préjudice (TA Amiens, 1er mars 1988, Savoye c/ Cne La Rue Saint Pierre, req. n° 8512859).
Damien Dutrieux
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