Cet article est inspiré d’une procédure intentée contre une commune qui a été attraite devant un tribunal d’instance par une société de pompes funèbres, laquelle avait été assignée par Monsieur X, qui exposait qu’il avait découvert, courant 2009, la présence dans le caveau familial appartenant originairement à sa cousine, Madame Z, fondatrice de la concession funéraire, le corps de Monsieur Y, qui avait été le bénéficiaire d’un legs universel émanant de Madame Z, ce legs ayant été exécuté, en l’absence de descendants directs de la défunte, susceptibles de bénéficier d’une réserve légale.

 
Il résulte de l’examen du dossier, que l’agence des pompes funèbres contactée par l’épouse de Monsieur Y, en sa qualité de personne habilitée à pourvoir aux funérailles, avait mis en œuvre les opérations funéraires souhaitées (exhumation des corps inhumés dans la sépulture et réinhumation des "reliquaires"), après avoir obtenu du maire de la commune une autorisation d’exhumation, présentée "en vue de : 5 réductions des corps contenus dans le caveau sauf celui de Madame Z", le signataire de la demande d’exhumation prenant l’engagement de se soumettre aux prescriptions des règlements de police et d’hygiène concernant les exhumations.

L’entreprise de pompes funèbres, directement assignée par la personne prétendant détenir des droits sur la concession, a fait valoir que la commune, représentée par son maire, avait autorisé les opérations funéraires qui faisaient l’objet de la contestation élevée par Monsieur X, en invoquant que "les maires sont responsables de la délivrance des concessions, temporaires ou perpétuelles, dans les cimetières en application de l’art. L. 2223-14 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).
Que les inhumations ou exhumations sont soumises aux pouvoirs de police du maire (Art. L. 2213-8 du C.G.C.T.), qu’il existe ou non un règlement municipal du cimetière.
Que les Fax adressés par Madame Y à l’agence des pompes funèbres décrivaient avec précision les opérations funéraires projetées et dès lors, la mairie avait une totale connaissance des prestations à effectuer".

Et de conclure :

"Dans ces conditions, la société de pompes funèbres est fondée à attraire dans la procédure la commune, représentée par son maire, pour solliciter – qu’en cas où les demandes de M. X seraient reconnues partiellement ou totalement fondées, la société soit relevée et garantie des conséquences du jugement à intervenir".

Il est intéressant de noter que dans ce contentieux, dont notamment dans l’assignation délivrée par Monsieur X à l’entreprise de pompes funèbres devant le tribunal d’instance, le requérant qui ne possède que la qualité de cousin par rapport à Madame Z, fondatrice de la concession perpétuelle, n’apportait aucune preuve de ses droits sur cette sépulture, alors qu’il est constant que toute personne qui invoque en justice un préjudice direct, se doit d’apporter la preuve de son intérêt à agir.

En effet, l’art. L. 2223-13 du CGCT, alors en vigueur en 2009, année de la réalisation des opérations funéraires contestées (inhumation et réductions de corps), disposait :

"Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il pourra être fait des concessions aux personnes qui désirent y fonder leur propre sépulture et celle de leurs enfants et successeurs".

Il était avéré que Madame Z était décédée sans descendants directs, donc sans enfants ou leurs propres descendants pouvant revendiquer la qualité d’héritiers naturels et de droit, mais en l’état d’un testament olographe instituant en qualité de légataire universel, Monsieur Y, personne réputée étrangère à la famille de la concessionnaire, dont le corps avait bien été inhumé dans la concession. Ce faisant, les collatéraux de la concessionnaire, mais aussi les héritiers testamentaires, pouvaient effectivement revendiquer la qualité de successeurs.

Or, dans le cadre de cette procédure diligentée devant le tribunal d’instance par l’entreprise de pompes funèbres contre la commune, afin de l’appeler en garantie des condamnations susceptibles d’être prononcées par cette juridiction, aucune information n’était produite dans le dossier quant aux qualités héréditaires de M. X, dont il n’était pas établi qu’il avait un réel intérêt à aller en justice contre l’entreprise de pompes funèbres, aucun acte de notoriété n’étant produit pour justifier sa qualité d’ayant droit (voir en ce sens sur l’utilité de l’acte de notoriété, notre article paru dans les colonnes de Résonance n° 73 d’août et septembre 2011).

La défense de la commune a soulevé un critère d’incompétence du tribunal d’instance pour connaître ce litige, fondé sur les deux raisons suivantes :

D’une part, le tribunal de grande instance est seul compétent pour trancher les litiges nés postérieurement à la réalisation de l’inhumation ou des exhumations, à raison du défaut d’urgence manifeste.

En effet, il résulte de l’art. R. 321-12 du Code de l’organisation judiciaire :

"Le tribunal d’instance connaît des contestations sur les conditions des funérailles. Il est statué dans le jour sur assignation de la partie la plus diligente. Appel peut être interjeté dans les vingt-quatre heures de la décision devant le premier président de la cour d’appel, qui doit statuer immédiatement. La décision exécutoire sur minute est notifiée au maire chargé de l’exécution sans qu’il soit porté atteinte aux attributions de ce dernier, concernant les mesures à prendre dans l’intérêt de la salubrité publique".

Cette compétence résulte, manifestement, de l’urgence attachée, d’une part, à faire respecter les volontés du défunt en matière du choix des modalités de ses funérailles et de son inhumation (art. 3 de la loi du 15 nov. 1887), et d’autre part, d’apporter une réponse judiciaire aux conflits qui seraient susceptibles de naître entres les membres de la famille du défunt, notamment entre la personne habilitée à pourvoir aux funérailles, dont la loi ne fournit aucune définition, et les autres membres de la famille qui contesteraient son choix.

Une fois, l’inhumation effectuée, l’urgence disparaissant, ces litiges ressortent de la compétence du tribunal de grande instance (Cour d’appel de Montpellier, ct0184, 28 nov. 2007, N° de RG : 07/1229).

Et, d’autre part, la juridiction administrative est seule compétente pour connaître une action en responsabilité se rattachant aux pouvoirs de police du maire d’une commune, résultant de la législation et réglementation en vigueur en avril 2009.

Les textes applicables :

1° Pour l’autorisation d’inhumation :

l’article de référence est l’art. R. 2223-31 du CGCT, qui a institué une "autorisation particulière d’inhumer", qui est de la seule compétence du maire de la commune, voire de l’adjoint au maire (art. L. 2122-18 du CGCT), auquel il aurait délégué ses pouvoirs.

Toute faute ou erreur commise dans l’exercice de ce pouvoir relève de la compétence exclusive du juge administratif.

2° En matière d’exhumation :
c’est l’art. R. 2213-40 du CGCT qui fonde la compétence du maire du lieu de la commune où est pratiquée l’exhumation, en disposant :

"Toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande.
L’autorisation d’exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où doit avoir lieu l’exhumation…".

En matière de réductions des corps, il est utile de préciser que ces opérations ne sont pas définies par le CGCT et qu’en 2009, il revenait à la doctrine d’en rechercher la nature juridique.

Ainsi, la circulaire n° 95-51 du 14 fév. 1995 relative à la législation funéraire (voir G. d’Abbadie et C. Bouriot le Code pratique des opérations funéraires, 3e édition Le Moniteur 2004, p. 679), concernant certains travaux dans les cimetières, rappelle sur le fondement de la loi du 28 déc. 1904, qu’avaient été considérées comme faisant partie du service extérieur des pompes funèbres l’inhumation et l’exhumation des corps ainsi que "les manipulations accessoires" au sein desquelles figurait la réduction de corps.

Ces éléments ont été repris par la loi du 8 janv. 1993 abolissant le monopole détenu par les communes, mais confirmant que les inhumations et exhumations entraient bien dans les missions du service extérieur des pompes funèbres.

Le ministre de l’Intérieur (réponse ministérielle n° 5187 : JO SENAT Q 14 av. 1994, p. 873), écrivait :

"Aucun texte spécifique ne réglemente l’opération de réductions de corps qui consiste à recueillir à la suite d’une exhumation, les restes mortels dans une boîte à ossements pour la déposer dans la même sépulture…".

Par une qualification opposée à celle du juge administratif, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 16 juin 2011, pourvoi n° 10-13.580, arrêt n° 634, encadré l’opération funéraire de ré de corps avec la rigidité propre à l’exhumation à laquelle elle est assimilée, et ainsi, outre la création de difficultés pratiques pour les familles, rendre des plus complexes, pour les communes, la bonne gestion des espaces consacrés aux sépultures. (cf. : Damien Dutrieux, voir Résonance, juillet 2011, n° 72).

Cet arrêt dispose, en effet :

"L’opération de ré de corps s’analyse en une exhumation subordonnée tant à l’accord des plus proches parents des personnes défuntes qu’à l’autorisation préalable du maire de la commune."

Ce faisant, les opérations dites de réduction des corps ou ré d’ossements relèvent bien de la réglementation afférente aux exhumations, donc de l’exercice d’un pouvoir réglementaire attribué au maire de la commune où les opérations se dérouleront, qualifié de pouvoir de police administrative.

Par conséquent, toute faute commise par le maire et les services communaux placés sous son autorité, relève de la compétence exclusive des juridictions administratives, et la responsabilité communale ne peut être recherchée qu’au travers d’une action entreprise devant le tribunal administratif compétent, dès lors qu’elle serait fondée soit sur la non-application des textes législatifs et réglementaires régissant les opérations funéraires d’inhumation et d’exhumation, soit sur une interprétation erronée (Cour de cassation, 1ère chambre civile, arrêt en date du 18 av. 1991, n° de pourvoi : 89-19975).

Dans un litige concernant l’inexécution d’une décision d’une juridiction administrative, le Conseil d’État dans son arrêt n° 202146 en date du 29 déc. 1999, a fait valoir :

"Considérant qu’aux termes de l’art. R. 58 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (devenu depuis, le Code de justice administrative), les actions en responsabilité…dirigées contre l’État, les autres personnes publiques ou les organismes privés gérant un service public relèvent :

1° Lorsque le dommage invoqué est imputable à une décision qui a fait ou aurait pu faire l’objet d’un recours devant un tribunal administratif, de la compétence de ce tribunal".

Conclusion :

On peut donc déduire de cette analyse que lorsque l’urgence est établie, le tribunal d’instance est compétent pour connaître des contestations portant sur la qualité de la personne habilitée à pourvoir aux funérailles, sur le droit d’une personne d’être inhumée dans une concession familiale, ainsi que sur les différends susceptibles de survenir entre des héritiers de même rang.

Que lorsque l’urgence n’a plus lieu d’être, le contentieux qui s’élèverait, ultérieurement à la réalisation de l’opération funéraire contestée, entre des personnes physiques, relève bien de la compétence du tribunal de grande instance.

En revanche, l’action en responsabilité contre une commune, née des autorisations de police administrative délivrées par le maire, relève uniquement de la compétence exclusive du tribunal administratif.
 
Jean-Pierre Tricon

 

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