Depuis plusieurs années, nos gouvernants semblent très préoccupés par l’existence de nombreux contrats d’assurance sur la vie non réclamés. Déjà en 2005, la loi sur les intermédiaires d’assurance, en application des directives européennes dans le domaine de l’assurance, manifestait cette préoccupation. En 2007, la loi permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des assurés demandait au gouvernement de déposer devant le parlement avant le 1er janvier 2009 un rapport sur ce problème des contrats en déshérence. La loi Eckert du 13 juin 2014 précise les choses en cette matière.

Qu’est-ce qui justifie cette attention ?

Nous pouvons raisonnablement nous interroger sur le fait que des bénéficiaires d’assurance-vie, notamment s’ils ont été informés de ce bénéfice, puissent ne pas le réclamer. Certains n’en sont pas informés, d’autres n’ont pas connaissance du décès de l’assuré, et l’on peut imaginer différentes situations justifiant cette situation étonnante. Mais l’élément le plus intéressant est de connaître la quantité de contrats non réclamés. Par définition, même c’est le plus difficile à déterminer. Les assureurs estiment à 700 M € le montant des contrats non réclamés. D’autres, notamment des cabinets privés, évoquent 5 Md €. En juin 2007, le Médiateur de la République parlait de plusieurs milliards d’euros. Il s’agit en tout cas de sommes importantes qu’il faut mettre en regard de ce que représente l’assurance-vie en France. C’est un des placements privilégiés des Français, qui pèse plus de 1 265 Md €, et 80 % du PIB. Même à 1 pour mille, il peut être considéré que cela mérite d’être clarifié.

Les contrats obsèques sont concernés

Les formules de financement en prévision des obsèques doivent emprunter la forme des contrats d’assurance-vie. Quelle que soit sa conception, contrat en capital ou contrat en prestations, le contrat obsèques est un contrat d’assurance-vie. Devant l’attitude de certains bénéficiaires indélicats, il est maintenant obligatoirement destiné à financer des obsèques. Vu sa caractéristique, nous pouvons encore plus nous demander comment un contrat obsèques peut ne pas être réclamé. Soit le bénéficiaire est un proche, soit c’est un opérateur funéraire. Dans les deux cas, il est assez exceptionnel que le bénéficiaire ne soit pas informé du décès. Mais rien n’est impossible. L’expérience montre en tout cas qu’il s’agit de cas exceptionnels, pour ne pas dire rarissimes. Néanmoins, les opérateurs funéraires, comme intermédiaires d’assurance à titre accessoire, doivent respecter la loi Eckert.

Quelles obligations ?

Cette loi prévoit de nouvelles dispositions applicables aux contrats d’assurance sur la vie, y compris les garanties décès des contrats de prévoyance funéraire. Le processus de traitement prévu est le suivant :

  • l’assureur doit déposer les sommes dues au titre des contrats d’assurance sur la vie qui ne font pas l’objet d’une demande de versement des prestations à la Caisse des dépôts et consignations à l’issue d’un délai de dix ans à compter de la date de prise de connaissance du décès de l’assuré (réception d’un acte de décès),
  • l’assureur doit mettre en place une information préalable des bénéficiaires six mois avant l’expiration de ce délai par tout moyen à sa disposition,
  • la Caisse des dépôts et consignations doit faire une publicité appropriée de l’identité des souscripteurs des contrats dont les fonds ont été déposés, dans le respect de la loi Informatique et Libertés,
  • les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations qui n’ont pas été réclamées par les bénéficiaires sont acquises à l’État à l’issue d’un délai de 20 ans après le transfert des sommes dues à la Caisse des dépôts et consignations.

Les modalités d’application de ces dispositions font l’objet d’un décret en Conseil d’État.
Lors du dépôt des sommes à la Caisse des dépôts et consignations, l’entreprise d’assurance communique à la Caisse des dépôts et consignations par voie dématérialisée les informations suivantes :

  1. Pour l’ensemble des dépôts
    1. Le nombre de contrats concernés par le dépôt ;
    2. Le total des sommes concernées.
  2. Pour chaque contrat concerné par le dépôt
    1. Le type et numéro de contrat, de bon, de police ou d’adhésion ;
    2. Le montant des sommes déposées ;
    3. La devise d’origine ;
    4. La date de connaissance du décès de l’assuré.

L’entreprise d’assurance communique également lors de ce dépôt, par voie dématérialisée, les informations qu’elle détient nécessaires à la publicité appropriée de l’identité des souscripteurs des contrats, et au versement des sommes au souscripteur du contrat ou aux bénéficiaires, à savoir :

  1. Informations relatives au souscripteur ou à l’adhérent
    1. Pour les personnes physiques :
      • état civil ;
      • dernière adresse connue.
    2. Pour les personnes morales :
      • dénomination ou raison sociale ;
      • dernier siège social connu.
  2. Informations relatives à l’assuré
    1. Date du décès, s’il y a lieu ;
    2. État civil ;
    3. Dernière adresse connue.
  3. Informations relatives au(x) bénéficiaire(s)
    1. Dernier libellé connu de la clause bénéficiaire ;
    2. Pour les personnes physiques :
      • état civil ;
      • dernière adresse connue.
    3. Pour les personnes morales :
      • dénomination ou raison sociale ;
      • dernier siège social connu.

Un arsenal démesuré pour les contrats obsèques

Il est clair que nous avons l’art en France de créer des usines à gaz. Autant la recherche des contrats en déshérence peut être considérée comme légitime, autant les moyens à mettre en œuvre doivent être proportionnels aux sommes en jeu. Cet arsenal de dispositions se justifie peut-être pour les contrats d’assurance sur la vie classiques, mais pour ce qui concerne les contrats obsèques, dont les montants en moyenne tournent autour de 4 500 €, il nous paraît démesuré. L’assureur, pour fournir ces renseignements, va se retourner vers son intermédiaire, en l’occurrence l’opérateur funéraire, dernier élément de la chaîne, pour des raisons de proximité avec l’assuré.
Dans le domaine de la prévoyance funéraire, le bénéficiaire est le plus souvent un proche ou l’opérateur funéraire qui a établi le devis. Dans les deux cas, ils sont les premiers à être informés du décès, d’où la quasi-inexistence de contrats non réclamés. Mais pour être en conformité et ne pas s’exposer à des sanctions de l’autorité de contrôle, l’assureur va mener et faire mener des recherches.
Soit il est informé du décès par la réception de l’acte de décès, il ne reste alors qu’à chercher le bénéficiaire qui, en principe, est déterminé par le contrat, mais pas toujours, avec son adresse s’il s’agit d’une personne physique. Dans ce cas, le bénéficiaire est connu et, sauf cas extraordinaire, il est celui qui transmet l’acte de décès et organise les funérailles.

Soit l’assureur n’est pas informé du décès et il n’a aucune obligation ! Eh bien non, cela ne suffit pas, il faut être sûr que le souscripteur n’est pas décédé. Il faut chercher souvent à partir d’un certain âge, par exemple cent ans, si la personne est encore en vie. Le souscripteur a-t-il la même adresse ? Si non, comment le retrouver ? Est-il en maison de retraite ? Dans la même commune ? S’adresser à la commune de naissance pour savoir s’il est encore en vie ? Réponse qu’il n’est pas toujours facile d’obtenir à la première demande et dans des délais courts.
Ces recherches sont en général positives, c’est-à-dire que le souscripteur est généralement encore en vie. En effet, les souscripteurs de contrats obsèques, même s’ils ont omis de transmettre leur changement d’adresse, ont financé à l’avance leurs funérailles et en ont informé leurs proches, car leur première motivation est de ne pas leur faire supporter le coût de leur départ.
Ces recherches ont un coût, et même si l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) considère que les pratiques consistant à imputer au bénéficiaire tout ou partie des frais de recherche sont contraires au Code des assurances, il n’empêche que ces frais augmenteront les frais de gestion de l’assureur, avec leur répercussion inévitable sur les tarifs.

Conclusion

Le législateur aurait été bien inspiré de considérer que les contrats obsèques bénéficient d’une dérogation quant à la recherche des contrats non réclamés, au moins en ce qui concerne les contrats obsèques en prestations. Sont concernés par ces dispositions les contrats de plus de 2 000 €. Il aurait suffi de mettre la barre à 8 000 ou 10 000 € pour y soustraire les contrats obsèques. Mais dans notre pays, on ne veut voir qu’une seule tête, et au nom de l’égalité de traitement, tous se trouvent soumis aux mêmes contraintes, même quand elles ne sont pas forcément très appropriées. Il ne reste plus aux assureurs et à leurs intermédiaires qu’à veiller, au moment de la souscription, à bien réunir tous les renseignements qu’il sera nécessaire de fournir le moment venu, en insistant bien auprès du souscripteur sur l’importance de signaler ses changements d’adresses, ses changements de bénéficiaires, et surtout de bien informer ses proches sur l’existence de leur contrat obsèques. Cela évitera les recherches inutiles, et surtout cela facilitera les recherches si elles sont nécessaires.

Maurice Abitbol
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Instances fédérales nationales et internationales :

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