JP-Tricon
Jean-Pierre Tricon,
avocat au barreau de Marseille

À l’inverse des conditions à réunir pour obtenir le droit d’être inhumé dans un cimetière communal, défini par la loi, art. L. 2223-3 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), le droit ou plutôt la possibilité d’obtenir une concession funéraire, souvent appelée concession familiale, n’est défini par aucun texte législatif, ni réglementaire.

 

 

C’est ainsi que ce vide juridique aurait dû être comblé en partie par la jurisprudence administrative peu abondante en cette matière, car il paraît difficile de dégager une ligne directrice pour discerner des critères objectifs qui présideraient à l’obligation pour les maires d’attribuer ces concessions funéraires.
Son examen permet de constater que quelques litiges entre une commune et une personne physique ont donné lieu à décision de refus d’octroyer une concession dans le cimetière public communal qui était justifiée par les maires, essentiellement, par l’absence des conditions posées à l’art. L. 2223-3 du CGCT, précité.

Rappelons le contenu de cet article complété par la loi n° 2208-1350 du 19 décembre 2008, qui a ajouté une quatrième catégorie de personnes.

"La sépulture dans un cimetière d'une commune est due :
1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4° Aux Français établis hors de France n'ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci."
Il résulte de quelques arrêts du Conseil d’État, dont celui portant le n° 71412, en date du 25 mai 1990, qu’un maire n’est pas autorisé à refuser l’octroi d’une concession funéraire dans un cimetière en se fondant sur les dispositions du CGCT qui énumèrent les cas dans lesquels la sépulture dans le cimetière d’une commune est due à certaines catégories de personnes, qui n’ont ni pour objet ni pour effet de définir les conditions dans lesquelles le maire peut octroyer ou refuser une concession funéraire.

Selon un autre arrêt en date du 16 novembre 1992, n° 107857, le Conseil d’État a confirmé une décision de refus émanant du maire de la commune de Concevreux, en statuant en ces termes :

"Considérant qu'aux termes de l'art. L.361-12 du Code des communes : "Lorsque l'étendue des lieux consacrés aux inhumations le permet, il peut y être fait des concessions de terrains aux personnes qui désirent y posséder une place distincte et séparée pour y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs ..." et qu'aux termes de l'art. R. 361-10 du même Code (pour mémoire, devenu l’art. L. 2223-3 du CGCT) :
"La sépulture dans le cimetière d'une commune est due :
1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune, mais qui y ont droit à une sépulture de famille."
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Sylvain X..., décédé des suites d'un accident, inhumé dans le cimetière de la commune de Concevreux à la demande de sa famille et de sa fiancée, qui y étaient domiciliées ; que son père, M. Guy X... a sollicité du maire de la commune l'octroi d'une concession pour y établir sa sépulture et celle de sa famille, et l'autorisation d'y transférer le corps de son fils ; que cette requête a été implicitement rejetée ; que M. Guy X... a demandé au tribunal administratif d'Amiens l'annulation de cette décision qu'il juge illégale, et, en réparation de la faute résultant de cette illégalité, la condamnation de la commune à lui donner satisfaction et à supporter les frais afférents à cette concession et à ce transfert ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles précités du Code des communes que la commune de Concevreux n'avait aucune obligation d'autoriser l'inhumation de M. Sylvain X... dans le cimetière communal dès lors que celui-ci n'y possédait pas de sépulture de famille, qu'il n'était pas décédé sur le territoire de la commune et n'y était pas domicilié au moment de son décès ; que la circonstance que M. Guy X... possédait une propriété à Concevreux ne suffisait pas à lui ouvrir un droit à obtenir une concession funéraire dans le cimetière communal ; qu'en prenant la décision attaquée, le maire n'a porté aucune atteinte au principe d'égalité devant le service public ; qu'ainsi sa décision n'est pas entachée d'illégalité ; que par suite, en l'absence de toute faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune, M. X... n'est pas fondé à demander réparation des conséquences dommageables de cette décision."
Dans cette espèce, le Conseil d’État n’a pas défini les conditions qui ouvrent droit à l’octroi d’une concession funéraire, mais, en revanche, à l’inverse de la précédente décision précitée, il se réfère expressément aux dispositions, alors réglementaires, du Code des communes (art. R. 361-10 du Code des communes), qui ouvraient droit à inhumation du corps dans le cimetière communal.
Aux termes de l’arrêt n° 148830 en date du 19 décembre 1994, le Conseil d’État a également validé le refus d’une commune d’octroyer une concession funéraire aux motifs que "le demandeur n’était pas domicilié sur le territoire de la commune", ce qui permet de dégager une première condition pour bénéficier d’une concession funéraire, celle d’être domicilié dans la commune.

Par son arrêt n° 112888, en date du 5 décembre 1997, le Conseil d’État a ajouté une pierre à l’édifice, mais en disposant :

"Considérant qu'aux termes de l'art. L. 361-12 du Code des communes en vigueur à la date de la décision attaquée, aujourd’hui art. L. 2223-13 du CGCT : "Lorsque l'étendue des lieux consacrés aux inhumations le permet, il peut y être fait des concessions de terrains aux personnes qui désirent y posséder une place distincte et séparée pour y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs, et y construire des caveaux, monuments et tombeaux" ; qu'aux termes de l'art. R. 361-10 du Code des communes également en vigueur à cette date :
"La sépulture dans le cimetière d'une commune est due :
1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille."
Considérant que Mme Monique Y... a demandé au maire de la commune de Bachy l'octroi d'une concession dans le cimetière de cette commune, en vue d'y procéder à une nouvelle inhumation des restes mortels de son père, M. Pierre X..., enterré au cimetière de Lille ; que Mme Y... invoquait au soutien de sa demande l'existence, dans le cimetière de Bachy, d'une concession funéraire perpétuelle dont elle-même et son père étaient bénéficiaires, en qualité de successeurs de la fondatrice ;
Considérant que, s'il appartenait au maire de la commune de Bachy d'examiner si, compte tenu des emplacements disponibles dans la partie du cimetière réservée aux concessions et de la circonstance, que Mme Y... était bénéficiaire d'une concession familiale sur le cimetière de Bachy, la demande de nouvelle concession formée par Mme Y... devait être satisfaite, le maire ne pouvait en revanche fonder son refus sur le motif erroné tiré de ce que M. X... n'avait pas droit à inhumation dans le cimetière de la commune du fait que le caveau bâti sur la concession familiale initiale ne permettait plus d'accueillir de nouveaux corps ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Bachy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du maire de Bachy rejetant la demande de concession formulée par Mme Y…, ces dispositions permettant de relever que la Haute Assemblée a, néanmoins, implicitement fait référence à la condition selon laquelle une personne dispose du droit d’être inhumée dans le cimetière d’une commune dès lors qu’elle y possède une sépulture de famille, nonobstant le fait que le caveau qui y serait aménagé serait complet.
En confirmant le jugement du tribunal administratif de Lille ayant annulé la décision de rejet du maire de la commune de Bachy, le Conseil d’État a implicitement reconnu à une personne disposant d’une concession funéraire totalement occupée le droit d’obtenir un nouvel emplacement, pour autant que l'étendue des lieux consacrés aux inhumations le permettrait, ce qui semble constituer une condition fondamentalement nécessaire et suffisante, à laquelle il est possible d’ajouter cumulativement l’obligation de résider dans la commune.
Un arrêt du Conseil d’État n° 76354 en date du 10 décembre 1969, bien que n’ayant pas un lien direct avec l’obtention d’une concession funéraire, a sanctionné la commune de Nerville-la-Forêt (Val-d’Oise), pour avoir instauré un droit de 250 francs pour l’inhumation dans le cimetière communal de personnes décédées hors la commune et n’ayant ni domicile, ni droit à une sépulture de famille, aux motifs que cette commune avait institué "un droit d’entrée", pouvant être considéré comme une taxe, donc n’ayant aucun lien avec la rémunération d’un service rendu mais, ainsi que la Haute Assemblée l’avait estimé, pour limiter l’octroi de concessions funéraires, dont les tarifs étaient modiques, aux personnes étrangères à la commune et pour restreindre les inhumations dans le cimetière devenu trop exigu.

Or la juridiction administrative a considéré qu’aucune disposition législative n’avait autorisé les communes à instituer une taxe de cette nature, nonobstant l’alinéa 3 de l’art. 1er du décret du 31 décembre 1941, qui prévoyait que :

"La sépulture dans le cimetière d'une commune est due :
1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille", ces dispositions n’avaient eu ni pour objet, ni pour effet de permettre aux conseils municipaux d’établir "un droit d’entrée" dans le cimetière communal pour les corps des personnes non visées par le texte ci-dessus reproduit ; Que si la commune requérante allègue que d’autres communes ont créé une taxe analogue, une telle circonstance, en la supposant établie, ne serait pas de nature à donner une base légale à la délibération attaquée ; que, dès lors, cette délibération est entachée d’excès de pouvoir ; Que, par suite, la commune de Nerville-la-Forêt n’est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué rendu par le tribunal administratif de Versailles, en date du 26 juin 1968, ait annulé la délibération querellée.
Bien que le Conseil d’État n’ait pas cité expressément le principe d’égalité de tous les citoyens devant le service public pour motiver plus amplement sa décision, il est constant que c’est bien sur ce fondement que l’arrêt a confirmé le jugement du tribunal administratif de Versailles, ayant annulé la disposition de la délibération contestée.
Il résulte de tout ce qui précède que l’on peut considérer que la délivrance d’une concession funéraire dans un cimetière communal doit respecter les trois conditions suivantes :
1° Satisfaire les conditions énoncées à l’art. L. 2223-13 du CGCT, à savoir :
"Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux.
Il peut être également concédé des espaces pour le dépôt ou l'inhumation des urnes dans le cimetière.
Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune."
2° Justifier de sa domiciliation dans la commune.
3° La commune et son maire se doivent de respecter le principe de l’égalité des citoyens devant le service public, pour ceux qui sont placés dans une situation comparable.
Mais ces conditions ne sont pas de nature à régler le fond du problème contemporain auquel les communes, notamment urbaines, sont de plus en plus confrontées, celui de la saturation de leurs cimetières et de la difficulté à disposer de terrains aptes à recevoir de nouvelles implantations.
Dans un tel contexte, on peut raisonnablement estimer que les communes rurales sont nettement mieux loties.

Jean-Pierre Tricon

 

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