Il s’agit ici d’appliquer au cimetière les règles dégagées par le juge ou la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) relatives aux possibilités de demander aux communes des documents relatifs au droit funéraire, et tout spécialement ceux concernant le cimetière. Explications.

 

Dupuis Philippe 2015 fmt
Philippe Dupuis, consultant
au Cridon, chargé de cours
à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire
pour les fonctionnaires
territoriaux au sein
des délégations du CNFPT.

Qu’est-ce qu’un document administratif ?

L’art. 1er, loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 dispose que : "Sont considérés comme documents administratifs, […] quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions."
Cette définition ne semble pas remise en cause par l’entrée en vigueur depuis le 1er janvier du Code des Relations entre le Public et l’Administration (CRPA), qui ne pose pas en tant que telle la définition du document administratif. Il convient évidemment d’insister sur le caractère non exhaustif de cette énumération, ainsi que la CADA a déjà eu l’occasion de le préciser.
À compter du moment où cette qualification est retenue, existe une obligation de diffusion du document art. L 311-1 CRPA : "Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l’art. L. 300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre." Les limites suivantes doivent néanmoins être relevées : "Le droit à communication ne s’applique qu’à des documents achevés." Le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration. Cependant, les avis, prévus par les textes législatifs ou réglementaires, au vu desquels est prise une décision rendue sur une demande tendant à bénéficier d’une décision individuelle créatrice de droits, sont communicables à l’auteur de cette demande dès leur envoi à l’autorité compétente pour statuer sur la demande. Lorsque les motifs de l’avis n’y figurent pas, ceux-ci doivent être également communiqués au demandeur en cas d’avis défavorable. Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, les avis qui se prononcent sur les mérites comparés de deux ou plusieurs demandes dont l’Administration a été saisie ne sont pas communicables tant que la décision administrative qu’ils préparent n’a pas été prise.
Le droit à communication ne s’exerce plus lorsque les documents font l’objet d’une diffusion publique. Le dépôt aux archives publiques des documents administratifs communicables aux termes du présent chapitre ne fait pas obstacle au droit à communication à tout moment desdits documents.
Lorsqu’une administration mentionnée à l’art. L. 300-2 est saisie d’une demande de communication portant sur un document administratif qu’elle ne détient pas mais qui est détenu par une autre administration mentionnée au même article, elle la transmet à cette dernière et en avise l’intéressé.
Lorsqu’une administration mentionnée à l’art. L. 300-2, ou la CADA, est saisie d’une demande de communication d’un document administratif susceptible de relever de plusieurs des régimes d’accès mentionnés aux articles L. 342-1 et L. 342-2, il lui appartient de l’examiner d’office au regard de l’ensemble de ces régimes, à l’exception du régime organisé par l’art. L. 213-3 du Code du patrimoine.
L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. (art. L. 311-2 CRPA)
Ainsi, par exemple, sont en principe des documents communicables la plupart des contrats passés par les collectivités publiques, notamment les marchés publics, les contrats de partenariat, les délégations de service public et les documents qui se rapportent à leur signature, tels que les procès-verbaux de la commission de délégation de service public ou le rapport d’analyse des offres, sont des documents administratifs soumis au droit d’accès. Dès lors, les concessions funéraires sont des documents communicables, étant des contrats administratifs (CE Assemblée, 21 octobre 1951, Demoiselle Méline, req. n° 11434).
Nous pouvons ainsi dresser le panorama de ce dont la CADA a déjà eu l’occasion de se saisir, puisqu’en matière de refus de communication, il est nécessaire préalablement à une contestation devant le juge administratif de la saisir dans le cadre d’un recours contentieux administratif obligatoire.
 
L’accès au plan cadastral parcellaire du cimetière

Traduisant l’impératif de respect de la confidentialité des informations nominatives, la CADA a considéré, en 1997, que la communication à des sociétés de pompes funèbres des plans de cimetières faisant apparaître les noms des titulaires de concessions est impossible (CADA 2 janvier 1997, Maire de Limoux, cité in CADA, 9e rapport d’activité, 1995-1998 : La communication des documents détenus par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, Paris : La Documentation française, 1999, p. 37). Inversement, un plan cadastral ne faisant pas apparaître les noms des titulaires des concessions funéraires est accessible à tous, ainsi qu’en témoigne l’avis rendu par la CADA rendu le 25 février 2010 (CADA, avis, 25 février 2010, maire de Paris (service des cimetières), réf. n° 20100756, in Recueil des principaux avis et conseils, 1er semestre 2010, p. 50).
L’accès aux documents relatifs aux concessions funéraires
La CADA restreint l’accès aux documents relatifs aux concessions funéraires, comportant des informations nominatives relatives aux fondateurs de concessions, aux personnes ayant droit à sépulture dans ladite concession funéraire. Cette position ressort notamment des avis suivants :
- CADA, 16 octobre 1997, Maire de Brossac (cité in CADA, 9e rapport d’activité, 1995-1998 : La communication des documents détenus par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, Paris : La Documentation française, 1999,
p. 36-37) : la concession d’un emplacement dans un cimetière met en cause le secret de la vie privée du titulaire, et sa communication peut être refusée ;
- CADA, 19 décembre 1991, Maire de Moulismes (cité in CADA, 9e rapport d’activité, op. cit., p. 37) : sa communication peut, notamment, être refusée à l’égard de personnes ne pouvant établir un lien de parenté avec le titulaire décédé de la concession ;
- CADA, 9 janvier 1992, Maire de Prémery (cité in CADA, op. cit., p. 37) : l’autorité territoriale ne peut pas communiquer le nom des personnes titulaires de concessions funéraires dans le(s) cimetière(s) à des marbriers ;
- CADA, avis, 16 juillet 2009, Maire de Paris (service des cimetières), réf. n° 20092364, Recueil des principaux avis et conseils, 2nd semestre 2009, p. 43 : une personne ayant droit d’une concession funéraire est une personne intéressée, au sens de l’art. 6-II de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée, concernant l’ensemble des documents se rapportant à la gestion de ladite concession funéraire, à laquelle elle est personnellement et directement concernée. Ces documents lui sont donc communicables de plein droit, dans leur intégralité, postérieurement au décès du fondateur. Si le demandeur agit pour le compte et au nom du fondateur de la concession funéraire, il doit justifier d’un mandat exprès, dans le sens de la communication sollicitée, de la part du fondateur de la concession funéraire (CADA, avis, 16 juillet 2009, Maire de Paris (service des cimetières), réf. n° 20092364, Recueil des principaux avis et conseils, 2nd semestre 2009, p. 43)
- Sans surprise, la Commission adopte une position similaire concernant les demandes de communication de la liste des personnes inhumées dans une concession funéraire (CADA, avis, 5 novembre 2009, Maire de Paris (service des cimetières), référence n° 20093395, Recueil des principaux avis et conseils, 2nd semestre 2009, p. 43-44).
- Pour une première application de ce type de contentieux au devenir des urnes funéraires :

Rép. min. n° 5302, JOAN Q, 1er janvier 2013
 
[…] Concernant les cendres, les articles L. 2223-18-1 et suivants du même Code prévoient que c’est la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles qui décide de leur destination. Celles-ci peuvent, soit être conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur du cimetière ou d’un site cinéraire, soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire, soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques.
L’art. R. 2213-39 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) prévoit que : "Le placement dans une sépulture, le scellement sur un monument funéraire, le dépôt dans une case de columbarium d’une urne et la dispersion des cendres, dans un cimetière ou un site cinéraire faisant l’objet de concessions, sont subordonnés à l’autorisation du maire de la commune où se déroule l’opération." Dans les sites cinéraires ne faisant pas l’objet de concessions, le dépôt d’une urne est subordonné à une déclaration préalable auprès du maire de la commune d’implantation du site cinéraire (art. R. 2223-23-3 du Code précité).
En cas de dispersion des cendres en pleine nature, une déclaration est faite auprès de la mairie de la commune du lieu de naissance du défunt. L’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres sont inscrits sur un registre créé à cet effet (art. L. 2223-18-3 du Code précité). Il n’existe aucune disposition juridique permettant aux proches du défunt, lorsqu’un conflit familial existe, de contraindre la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles à les informer sur le lieu de sépulture. Cependant, il résulte des dispositions précitées que plusieurs formalités sont accomplies au moment de l’inhumation d’un corps ou d’une urne cinéraire, de la crémation et de la décision relative à la destination des cendres en fonction des choix opérés par la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. Les proches ont alors la possibilité de se rapprocher des autorités communales auprès desquelles ces formalités ont été accomplies afin d’obtenir les informations sur la destination des cendres du défunt.
- Pour une application par la CADA de ce principe : "Madame X… a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 17 décembre 2012, à la suite du refus opposé par le maire de La Garenne-Colombes à sa demande de communication d’une copie des autorisations suivantes, accordées en 2007 à un tiers par la mairie de La Garenne-Colombes :
1) l’autorisation d’exhumation du corps de son fils, M. X…, décédé le 8 septembre 2003 à l’âge de quarante-quatre ans ;
2) l’autorisation de transfert de corps et l’autorisation d’inhumation à Limoges.
Après avoir pris connaissance de la réponse de l’Administration, la commission rappelle que les autorisations d’inhumation, d’exhumation et de transfert du corps d’un défunt, ainsi que les pièces du dossier qui les accompagnent, notamment les demandes adressées à la commune, constituent des documents administratifs au sens de l’art. 1er de la loi du 17 juillet 1978. Elle estime toutefois que, eu égard aux mentions que comportent de tels documents, qui touchent à la vie privée, les dispositions du II de l’art. 6 de cette loi font obstacle à leur communication à des tiers, seuls les "intéressés" pouvant y avoir accès.
La commission relève que, en vertu des dispositions de l’art. L. 2222-13 CGCT, les concessions funéraires sont accordées "aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celles de leurs enfants et successeurs". À défaut d’intention contraire manifestée par son fondateur, la concession se transmet donc à l’ensemble de ses enfants ou successeurs sous la forme d’une indivision perpétuelle. Chaque indivisaire dispose des mêmes droits sur la concession, et tout acte de gestion la concernant doit recevoir l’accord de l’ensemble des indivisaires. La commission déduit de ce régime juridique particulier applicable aux concessions funéraires que chaque indivisaire de la concession a la qualité d’intéressé au sens du II de l’art. 6 de la loi du 17 juillet 1978, sur l’ensemble des documents se rapportant à la gestion de celle-ci tels que les autorisations d’inhumation et d’exhumation.
La commission estime également que les autorisations d’inhumation, d’exhumation et de transfert d’un corps sont communicables aux ayants droit du défunt et aux membres de la famille proche qui n’auraient pas la qualité d’indivisaire de la concession concernée par l’opération autorisée, à condition qu’ils justifient de leur qualité, au besoin en produisant des actes d’état civil, et d’un motif légitime pour obtenir une telle communication.
Au cas présent, la commission constate que les autorisations d’inhumation, d’exhumation et de transport ont été délivrées en 2007 sur demande de la veuve du fils de Mme X… Elle note, au vu des pièces du dossier, que Mme X… n’a pas la qualité d’indivisaire de la concession située à La Garenne-Colombes où a été initialement inhumée puis exhumée la dépouille de son fils, non plus que de la concession située à Limoges où a été inhumé le corps à la suite de son transfert. Elle relève cependant que Mme X…, qui habite La Garenne-Colombes, cherche à obtenir le retour de la dépouille de son fils dans le caveau d’origine ou dans le caveau familial. Ainsi, la commission estime qu’elle justifie d’un intérêt légitime pour obtenir la communication des autorisations demandées. En conséquence, elle émet un avis favorable sur la demande, à la condition que Mme X… justifie de son lien de parenté avec le défunt. (CADA, avis n° 20125091 du 24 janvier 2013)
Concernant les demandes relatives à la communication des procès-verbaux des concessions à perpétuité, la CADA considère que, dès lors que ces demandes tendent à obtenir la communication des listes de concessions funéraires perpétuelles à l’encontre desquelles est engagée une procédure de reprise pour cause d’abandon, cette communication intervient exclusivement selon les formes prévues par les dispositions des articles R. 2223-15 et R. 2223-16 CGCT. Toutefois, si la demande doit s’analyser comme portant sur les titres de concession eux-mêmes, la CADA estime alors, de manière traditionnelle et classique, que cette communication est réservée aux seules personnes intéressées, au sens de l’art. 6-II de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée. Cette solution ressort, notamment, de (CADA, avis, 9 juin 2005, Maire d’Arc-et-Senans, réf. n° 20052178, Rapport d’activité de l’année 2005, Paris, La Documentation française, juin 2006, p. 171-172).
L’avis rendu ici par la CADA est très intéressant en ce qu’il rappelle que les actes de concessions funéraires ne sont communicables qu’aux ayants droits du concessionnaire. Il ne peut en être autrement sans porter atteinte au secret de la vie privée ainsi qu’à la protection des dossiers personnels vis-à-vis des tiers. La CADA ne fait ici que reprendre un avis "Maire d’Ustaritz" (réf. n° 20022097 du 16 mai 2002), où elle avait estimé qu’un registre des concessions, faisant apparaître les conditions dans lesquelles sont inhumées les personnes défuntes, ne pouvait être transmis aux administrés qu’après occultation des noms des personnes qui y figurent, ou, a contrario, dans un avis donné au maire de Mondrainville (réf. n° 20034250 du 6 novembre 2003), la CADA accepte la communication d’une copie d’acte de concession au frère du concessionnaire, l’acte étant destiné à l’inhumation de la mère du demandeur du document, il n’y avait alors pas atteinte à la vie privée de par la proximité familiale du demandeur d’avec le bénéficiaire de la concession.
La CADA évoque néanmoins dans l’avis "Maire d’Arc et Senans" un dernier cas, où les actes de concessions datent de plus de 60 ans. Ils entrent alors dans le champ d’application de l’art. L. 213-2 du Code du patrimoine, qui énonce que : "Le délai au-delà duquel les documents d’archives publiques peuvent être librement consultés est porté à soixante ans à compter de la date de l’acte pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l’État ou la défense nationale et dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État."
Pour résumer, un acte portant des renseignements nominatifs relatifs à des personnes inhumées ainsi que des renseignements sur les modalités de cette inhumation n’est transmissible en général qu’après occultation de ces informations nominatives, à moins que le demandeur ne soit un ayant droit de la personne au sujet de laquelle il demande des informations. Enfin, la communication de toute information est libre lorsque les actes qui les contiennent ont plus de 60 ans.

Le règlement du (des) cimetière(s)
 
Selon une position constante depuis 1982, la CADA considère que ce règlement de police municipale est communicable à toute personne en faisant la demande. Cette ligne ressort, notamment de :
- CADA, avis, 17 juin 1982, Stock, cité in 3e rapport d’activité, 1982-1983, Paris : La Documentation française, 1984, p. 45 ;
- CADA, 9e rapport d’activité, 1995-1998 : La communication des documents détenus par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, Paris : La Documentation française, 1999, p. 36.
 
Les conventions de réalisation de travaux dans le(s) cimetière(s)
 
Par exemple, la CADA considère que les conventions passées entre la commune et une entreprise aux fins de la réalisation de travaux de fossoyage dans le cimetière communal est communicable à toute personne qui en fait la demande : cf. CADA, 1er avril 1993, Maire de Sainte-Soulle, cité in 9e rapport d’activité, 1995-1998 : La communication des documents détenus par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, Paris : La Documentation française, 1999, p. 36.

Philippe Dupuis

Résonance n°124 - Octobre 2016

Instances fédérales nationales et internationales :

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