CAA Marseille 26 septembre 2016 n° 15MA02761. Les faits : une demande d’inhumation en terrain privé.

Dupuis Philippe 2015 fmt

Philippe Dupuis.

 

 

Les conditions de l’inhumation en terrain privé

Le requérant demandait au tribunal administratif de Bastia l’annulation de la décision du 18 décembre 2013 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud a refusé de lui accorder l’autorisation d’implanter son lieu de sépulture et celui de son épouse dans sa propriété du Lazaret à Aspretto. Le tribunal rejeta sa demande, il interjette donc appel. En effet, il avait acquis en 1996 un terrain bâti comportant cet ancien Lazaret, dont il a fait sa résidence principale. Cet immeuble recelait quelques sépultures de victimes d’une épidémie de choléra survenue au XIXe siècle. La cour administrative d’appel confirme le jugement du TA. Cet arrêt est ainsi l’occasion de rappeler quelques règles relatives à ce mode délictuel d’inhumation.

L’inhumation en terrain privé : où peut-on implanter une sépulture en terrain privé ?

L’art. L. 2223-9 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) précise que : "Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite." Le sens de cette disposition est malaisé à appréhender ; en effet, que signifient tant l’expression "hors de l’enceinte des villes et des bourgs" que celle de "distance prescrite".

Il semblerait que cette notion soit proche de celle de commune urbaine (sur ces notions, Patrick Pellas, "Le nouveau régime de localisation des cimetières : de la "relégation" à la "réinsertion"", JCP, n° 39, 23 septembre 1987, I 3927). Une circulaire ancienne (Circ. n° 75-669, 29 décembre 1975, Mon. TP 19 juin 1978, p. 189, non reprise sur le site circulaires.gouv.fr) recommandait d’assimiler, pour cette définition, cette expression, à "la superficie indiquée aux POS comme zone urbaine", à défaut d’un document d’urbanisme, d’utiliser la notion de "périmètre d’agglomération" conformément à la jurisprudence Torret (CE 23 décembre 1887, Torret : Rec. CE p. 854), c’est-à-dire "les périmètres extérieurs des constructions groupées ou des enclos qu’ils joignent immédiatement".

Le ministre relevait alors la proximité de cette notion avec celle utilisée par le Code de la route, où l’agglomération est "tout groupement d’immeubles bâtis, rapprochés, sinon contigus bordant l’un ou l’autre côté de la route en lui donnant l’aspect d’une rue".

Quant à la notion de distance prescrite, le juge combine l’art. L. 2223-9 avec l’art. L. 2223-1 du CGCT, qui dispose que : "La création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière sont décidés par le conseil municipal. Toutefois, dans les communes urbaines et à l’intérieur des périmètres d’agglomération, la création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière à moins de 35 mètres des habitations sont autorisés par arrêté du représentant de l’État dans le département." Il en tire alors la conclusion suivant laquelle cette distance prescrite est de 35 mètres. Il contrôlera, en se fondant sur cette distance, la décision du préfet d’autoriser une inhumation en terrain privé (CE 21 janvier 1987, M. Risterucci, req. n° 56133).

Il convient de remarquer que cette inhumation est impossible dans certains lieux, puisque l’art. L. 2223-10 du CGCT énonce que : "Aucune inhumation ne peut avoir lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et généralement dans aucun des édifices clos et fermés où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes, ni dans l’enceinte des villes et bourgs." Néanmoins, "le maire peut, à titre d’hommage public, autoriser, dans l’enceinte de l’hôpital, et après avis de son conseil d’administration, la construction de monuments pour les fondateurs et bienfaiteurs de l’établissement, lorsqu’ils en ont exprimé le désir dans leurs actes de donation, de fondation ou de dernière volonté" (même article).

Il est de plus toléré par l’Administration, lorsque le vœu en a été exprimé, qu’un évêque puisse être inhumé dans sa cathédrale. Cette dérogation sera accordée par le ministre de l’Intérieur (G. d’Abbadie et C. Bouriot, Code pratique des opérations funéraires : 3e éd., Le Moniteur 2004 p. 863). En l’espèce, le refus est tout d’abord motivé par l’inobservation de ces prescriptions, puisque le juge relève "qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que le Lazaret d’Aspretto, désormais inclus dans la partie agglomérée de la commune d’Ajaccio, ne se situait pas hors de l’enceinte des villes et bourgs au sens de l’art. L. 2223-9 précité du CGCT à la date à laquelle le préfet s’est prononcé sur la demande, et que l’inhumation projetée devrait être réalisée à une distance inférieure à celle de 35 mètres par rapport aux habitations existantes prescrite en application des dispositions combinées des articles L. 2223-9 et L. 2223-1 de ce Code ; que le préfet n’a donc pas commis d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation en refusant la demande pour ce motif".

Une inhumation dérogatoire quant à l’autorité compétente pour l’accorder

Alors que les inhumations dans les cimetières sont accordées par le maire, c’est le préfet qui est compétent pour octroyer le droit d’être inhumé en terrain privé. Il s’agira du préfet du département sur lequel la propriété est située (art. R. 2213-32 du CGCT). Une expertise hydrogéologique sera obligatoire. Néanmoins, cette expertise ne sera requise qu’à l’occasion d’une première inhumation, la doctrine administrative en dispensant les éventuelles inhumations ultérieures (circulaire du ministère de l’Intérieur n° 87-46 du 24 février 1987 ; reproduite dans G. d’Abbadie et C. Bouriot, précité, p. 854). Dans l’hypothèse où l’inhumation serait celle d’une urne funéraire, cette expertise n’est pas requise (R. 2213-32 du CGCT), en raison de la totale innocuité pour la santé publique de celle-ci.

La demande adressée au préfet doit comporter l’acte de décès ainsi que l’autorisation de fermeture du cercueil, d’ailleurs elle-même conditionnée par le même acte de décès devant certifier que le corps ne présente pas de problème médico-légal (art. L. 2223-42, R. 2213-15 à R. 2213-20 et R. 2213-52 du CGCT). Ce pouvoir du préfet est totalement discrétionnaire et ne se justifie le plus souvent que par l’existence de traditions locales ou familiales. L’octroi d’une telle autorisation ne signifiera aucunement que l’autorité publique acceptera d’autres inhumations en ce lieu. Le refus d’inhumation en terrain privé a déjà pu, par exemple, être fondé sur les risques d’atteinte à l’ordre public.

Ainsi, le Conseil d’État (CE, 12 mai 2004, Association du Vajra Triomphant, req. n° 253341) a refusé l’inhumation en terrain privé de Gilbert Haubourdin, alias le "Mandarom". L’autorisation d’inhumer en terrain privé sera exclusivement individuelle. Elle ne confère donc aucun droit d’inhumation dans le même terrain privé aux autres membres de la famille. Elle ne peut d’ailleurs pas être délivrée du vivant des intéressés, d’après une circulaire du ministre de l’Intérieur du 5 avril 1976, qui précise que : "Les autorisations sollicitées ne peuvent être délivrées du vivant des intervenants. Il convient d’informer ceux-ci qu’il appartiendra, le moment venu, à leur exécuteur testamentaire ou à toute autre personne habilitée, de faire les démarches nécessaires auprès des services préfectoraux (citée par Georges Chaillot, in Le Droit des sépultures en France, éditions Pro Roc, p. 430).

Ces autorisations ne peuvent donc donner lieu à la création de cimetières familiaux et privés, et restent à tout le moins exceptionnellement délivrées par le préfet. Il s’agit du deuxième motif de refus, puisqu’ici une telle autorisation ne saurait être accordée sur demande de la personne concernée antérieurement à son décès, celle-ci disposant par ailleurs de la faculté de préciser ses volontés à ce sujet à toute personne habilitée à pourvoir à son inhumation le moment venu.

Le maire reste l’autorité de police sur ces lieux de sépulture

L’art. L. 2213-10 du CGCT énonce que : "Les lieux de sépulture autres que les cimetières sont également soumis à l’autorité, à la police et à la surveillance des maires." Le maire peut ainsi exiger, en vertu de ses pouvoirs de police, que certaines prescriptions soient respectées par la sépulture en terrain privé quant aux modalités de l’inhumation, du respect de la décence, etc. En cas de mauvais état de la sépulture privée, le maire peut mettre en demeure son propriétaire pour l’obliger à réaliser les travaux nécessaires. Si ce dernier n’agit pas, il doit normalement se substituer à lui (rép. min. n°  22445, JOAN Q, 27 février 1995, p. 1140). La législation relative aux immeubles menaçant ruine peut ainsi parfaitement s’appliquer.

Il faut néanmoins remarquer que la procédure de reprise pour cause de signes d’abandon est ici impossible, et qu’il faudrait recourir à l’expropriation pour cause d’utilité publique (rép. min. n° 22445, JOAN Q, 27 février 1995, p. 1139), procédure dont on peut penser qu’elle est parfaitement inadaptée à ce cas. Si l’expropriation a néanmoins lieu, soit les restes mortels seront inhumés de nouveau dans un autre lieu privé sur autorisation du préfet, soit la jurisprudence accepte leur transfert au cimetière communal (CE, 17 septembre 1964, AJDA 1965, p. 149). Enfin, il faut noter qu’il sera toujours possible pour une commune de percevoir une taxe d’inhumation, voire une taxe de convoi (L. 2223-22 du CGCT).

Sépulture en terrain privé et destination ultérieure du terrain

Ces sépultures en terrain privé sont, d’après la jurisprudence, perpétuelles, inaliénables et incessibles. Lorsqu’elles sont fondées, les propriétaires du bien immobilier ne pourront en exhumer les corps, pas plus qu’ils ne pourront agir sur le monument funéraire (Cass. civ., 11 avril 1938, DH 1938, p. 321 ; CA Amiens, 28 octobre 1992, JCP éd. N., 1993, II, p. 383, note Hérail). En cas de vente de l’immeuble, les héritiers de la personne inhumée dans un lieu privé bénéficieront alors d’une servitude de passage, même si le contrat de vente n’a rien prévu à ce sujet, servitude qui, étant un droit hors commerce, ne peut faire l’objet d’une prescription acquisitive par un acquéreur (CA Amiens, 28 octobre 1992, D. 1993, p. 370). Enfin, le propriétaire, l’usufruitier ou le locataire d’un terrain sur lequel serait érigée une sépulture privée commettrait un délit d’atteinte au respect dû aux morts, réprimé par les articles 225-17 et 225-18 du Code pénal, s’il déplaçait ou portait atteinte à la sépulture.

Une inhumation provisoire ?

Récemment (CA Bordeaux, 6e chambre civile, 28 février 2012, n° 11/03209, Alain L. c/ Renée L. veuve L., Annick L. épouse C. et Roselyne L. divorcée S.), le juge considéra qu’une inhumation en terrain privé est une sépulture provisoire. En effet, le juge estime dans cet arrêt que : "Le raisonnement de la veuve, selon lequel un tombeau dans un cimetière public garantira mieux la pérennité du cercueil de son défunt mari qu’un emplacement dans un caveau en propriété privée, est bien fondé. Son choix du cimetière de leur commune de résidence, où elle vit toujours, est cohérent, et rien ne permet de penser qu’il aurait été écarté par le défunt. Et le premier juge a exactement relevé que cette localisation ne gênait pas les enfants, notamment pas l’appelant qui habite en Gironde."

Cette qualification de sépulture provisoire est importante, car elle est l’un des principaux motifs pour le juge d’accorder une exhumation, lorsqu’il y a litige familial, comme il semblait en l’espèce être le cas. Cette exhumation doit être demandée par le plus proche parent du défunt. Cette exigence est posée par l’art. R. 2213-40 du CGCT, qui énonce que : "Toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande."

Cette expression ne connaît qu’une proposition de définition dans l’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 (annexée au JO 28 sept. 1999) paragraphe 426-7, qui énonce que : "À titre indicatif et sous réserve de l’appréciation des tribunaux, en cas de conflit, l’ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents (père et mère), les frères et sœurs. Cette qualité s’administre au moyen d’une attestation sur l’honneur d’être le plus proche parent du défunt ou qu’aucun autre parent possédant cette qualité ne s’opposera à l’exhumation (voir CE 9 mai 2005, req. n° 262977).

La commune, lorsqu’elle a demandé ces formalités, est alors protégée de tout conflit ultérieur quant à la qualité de la personne ayant sollicité l’exhumation. Elle n’a pas à vérifier la véracité de cette assertion. Par contre, s’il y a conflit entre plusieurs personnes ayant un lien de parenté entre elles relativement à l’exhumation, le maire doit surseoir à celle-ci et demander au juge judiciaire de trancher ce différend. Il convient de remarquer qu’en l’espèce la cour a exactement rappelé cette procédure et qu’elle reconnaît nécessairement à la veuve la qualité de plus proche parent du défunt. Si, traditionnellement, le juge répugne à accorder l’exhumation en cas de conflit familial, au motif que les divisions des vivants ne doivent pas troubler le repos des morts, il ne l’autorisera que dans deux hypothèses (CA Toulouse, 7 février 2000 : JCP G 2000, IV, n° 2374) :

- soit la sépulture est provisoire,

- soit la volonté du défunt n’a pas été respectée quant aux modalités de son inhumation.

C’est la raison pour laquelle la CAA, alors, prend soin de qualifier l’inhumation privée de nécessairement provisoire, à raison des vicissitudes possibles de l’évolution de la législation funéraire, ou de l’éventuelle mutation de l’immeuble abritant la tombe de monsieur L. Elle prend enfin soin de relever que le nouveau lieu de repos du corps serait la commune de résidence de la veuve, qui était déjà celle de son mari lorsqu’il vivait, et que celle-ci est située à proximité des résidences des enfants, et tout particulièrement de l’appelant, ce qui donc ne l’empêcherait pas d’aller se recueillir régulièrement sur la tombe de son père.

Enfin, pour le propriétaire du Lazaret d’Aspretto, il ne saurait être question de considérer que les sépultures puissent être constitutives d’un cimetière : "Que la circonstance que quatre ou cinq victimes d’une épidémie de choléra hébergées au lazaret aient été inhumées vers 1855 dans la partie nord-est du terrain et que leurs dépouilles mortelles se trouvent toujours sur celui-ci, si elle grève la propriété d’un droit réel immobilier découlant du respect dû aux sépultures, ne saurait en revanche faire regarder par elle-même l’assiette de tout ou partie du terrain concerné comme un cimetière communal au sens des dispositions précitées, ni comme un "cimetière privé" dont le requérant ne précise au demeurant pas quelle serait le fondement légal ou réglementaire", puisqu’un cimetière ne saurait, a priori, que découler d’une initiative publique…

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

CAA de Marseille – 26 septembre 2016

N° 15MA02761

Inédit au recueil Lebon

5e chambre – formation à 3

M. Bocquet, président

Mme Marie-Laure Hameline, rapporteur

M. Revert, rapporteur public

Remiti-Leandri, avocat(s)

République française au nom du peuple français

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure : 

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d’annuler la décision du 18 décembre 2013 par laquelle le préfet de la Corse-du-Sud a refusé de lui accorder l’autorisation d’implanter son lieu de sépulture et celui de son épouse dans sa propriété du Lazaret à Aspretto, et d’enjoindre au préfet sous astreinte de lui délivrer l’autorisation sollicitée.

Par un jugement n° 1400134 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour : 

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2015, M. B... représenté par Me C... demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 mai 2015 ;

2°) d’annuler la décision du préfet de la Corse-du-Sud du 18 décembre 2013 ;

4°) d’enjoindre au préfet de prendre une nouvelle décision autorisant l’implantation d’une tombe sur la propriété du Lazaret dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 100 €par jour de retard ;

5°) et de mettre à la charge de l’État une somme de 5 000 €en application de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige vise de manière erronée les articles L. 2223-1 et L. 2223-9 du CGCT, qui ne peuvent être appliqués au cas du cimetière privé existant sur le terrain où il demande à être enterré, et est donc dépourvue de motivation juridique ;

- une sépulture supplémentaire dans un cimetière privé existant peut être ajoutée dérogatoirement à une distance de moins de 35 mètres des habitations voisines ;

- il se prévaut de manière opérante d’autorisations d’inhumation délivrées par le préfet pour des chapelles funéraires en centre-ville d’Ajaccio ;

- il existe un droit à l’inhumation dans un cimetière privé dès lors que les conditions prévues par l’art. R. 2213-32 du CGCT sont remplies, or il dispose de l’avis favorable d’un hydrogéologue et du maire de la commune ;

- aucun lien de famille avec les personnes déjà inhumées sur sa propriété ne peut être juridiquement exigé en pareil cas ;

- la décision en litige est entachée d’erreur de droit et d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire enregistré le 24 août 2015, le préfet de la Corse-du-Sud conclut au rejet de la requête de M. B... 

Il soutient qu’aucun des moyens invoqués par l’appelant à l’encontre du jugement et de la décision contestés n’est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 avril 2016, le ministre de l’Intérieur conclut au rejet de la requête de M. B..., et s’approprie le contenu des écritures produites dans l’instance par le préfet de la Corse-du-Sud.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le CGCT ;

- le Code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : 

- le rapport de Mme Hameline,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que M. A... B... a formé le 29 juillet 2013 une demande au préfet de la Corse-du-Sud tendant à ce que soient autorisées sa future sépulture, ainsi que celle de son épouse, dans sa propriété du Lazaret d’Aspretto sur le territoire de la commune d’Ajaccio ; que le préfet a rejeté cette demande par une lettre en date du 18 décembre 2013 ; que M. B... a saisi le tribunal administratif de Bastia d’un recours contentieux tendant à l’annulation de cette décision de refus, qui a été rejeté par jugement du 13 mai 2015 : que l’intéressé interjette appel de ce jugement, et demande à nouveau à la cour d’annuler la décision préfectorale en litige ainsi que d’enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud sous astreinte de lui délivrer l’autorisation sollicitée ;

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

En ce qui concerne la base légale de la décision du préfet de la Corse-du-Sud :

2. Considérant que le droit de toute personne d’avoir une sépulture et de régler librement, directement ou par l’intermédiaire de ses ayants droit, les conditions de ses funérailles s’exerce dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’art. L. 2223-1 du CGCT : "Chaque commune […] dispose d’au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des morts […]. La création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière sont décidés par le conseil municipal. Toutefois, dans les communes urbaines et à l’intérieur des périmètres d’agglomération, la création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière à moins de 35 mètres des habitations sont autorisés par arrêté du représentant de l’État dans le département, pris après une enquête publique […]." ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’art. L. 2223-9 du CGCT : "Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite" ; qu’aux termes de l’art. R. 2213-32 du même Code : "L’inhumation dans une propriété particulière du corps d’une personne décédée est autorisée par le préfet du département où est située cette propriété sur attestation que les formalités prescrites par l’art. R. 2213-17 et par les articles 78 et suivants du Code civil ont été accomplies et après avis d’un hydrogéologue agréé" ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. B... a acquis en 1996 par le biais d’une société civile immobilière, puis personnellement en 2009, un terrain bâti comportant un ancien Lazaret édifié au milieu du dix-neuvième siècle à des fins sanitaires au lieu-dit d’Aspretto, propriété de l’État jusqu’en 1920, dont il a fait sa résidence principale ; qu’il n’est ni établi ni même soutenu que la commune d’Ajaccio, compétente en matière de police des cimetières, ou l’État, aurait créé sur ce terrain un cimetière régi par les dispositions précitées du CGCT ou par d’autres dispositions spécifiques ; que la circonstance que quatre ou cinq victimes d’une épidémie de choléra hébergées au lazaret aient été inhumées vers 1855 dans la partie nord-est du terrain et que leurs dépouilles mortelles se trouvent toujours sur celui-ci, si elle grève la propriété d’un droit réel immobilier découlant du respect dû aux sépultures, ne saurait en revanche faire regarder par elle-même l’assiette de tout ou partie du terrain concerné comme un cimetière communal au sens des dispositions précitées, ni comme un "cimetière privé" dont le requérant ne précise au demeurant pas quel serait le fondement légal ou réglementaire ; que, par suite, c’est sans erreur de droit ni défaut de base légale que le préfet de la Corse-du-Sud, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, a regardé la demande formée par M. B... en vue de pouvoir être enterré, ainsi que son épouse, au sein de sa propriété du Lazaret d’Aspretto comme formée sur le fondement de l’art. L. 2223-9 précité du CGCT relatif aux sépultures sur des propriétés particulières ;

En ce qui concerne le respect par le demandeur des conditions prévues par les articles L. 2223-9 et R. 2213-32 du CGCT :

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que le Lazaret d’Aspretto, désormais inclus dans la partie agglomérée de la commune d’Ajaccio, ne se situait pas hors de l’enceinte des villes et bourgs au sens de l’art. L. 2223-9 précité du CGCT à la date à laquelle le préfet s’est prononcé sur la demande, et que l’inhumation projetée devrait être réalisée à une distance inférieure à celle de 35 mètres par rapport aux habitations existantes prescrite en application des dispositions combinées des articles L. 2223-9 et L. 2223-1 de ce Code ; que le préfet n’a donc pas commis d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation en refusant la demande pour ce motif ; que M. B... ne peut utilement contester celui-ci en se prévalant des possibilités dérogatoires d’agrandissement de cimetières communaux à proximité des habitations, dès lors que, comme il a été dit au point 5, le lieu de sépulture déjà situé sur sa propriété ne constitue pas un tel cimetière ; que demeure également sans influence le fait que le requérant ait sur sa demande obtenu l’avis d’un hydrogéologue sur le projet ; que n’est pas davantage opérante sur ce point la circonstance, à la supposer établie, que le préfet aurait précédemment accordé d’autres autorisations d’inhumation sur des propriétés privées en centre-ville d’Ajaccio ;

7. Considérant, au surplus et en tout état de cause, que l’autorisation d’inhumation sur un terrain privé instituée par les dispositions précitées ne peut être délivrée par le préfet, selon les termes mêmes de l’art. R. 2212-32 du CGCT, qu’au vu d’un acte de décès délivré en application de l’art. 78 du Code civil, et de l’autorisation de fermeture du cercueil par l’officier d’état civil prévue par l’art. R. 2213-17 du CGCT ; qu’une telle autorisation ne saurait ainsi être accordée sur demande de la personne concernée antérieurement à son décès, celle-ci disposant par ailleurs de la faculté de préciser ses volontés à ce sujet à toute personne habilitée à pourvoir à son inhumation le moment venu ; que, dès lors, le préfet de la Corse-du-Sud ne pouvait en toute hypothèse que refuser, en application de ces dispositions, l’autorisation d’implantation de sépulture sur une propriété privée sollicitée en l’espèce par M. B... pour lui-même et son épouse ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B... n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du préfet de la Corse-du-Sud du 18 décembre 2013 ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte : 

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. B... tendant à l’annulation de la décision en litige du préfet de la Corse-du-Sud, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte présentées par le requérant ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions présentées en application de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle, en toute hypothèse, à ce que l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. B... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Décide :

Art. 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Art. 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l’Intérieur. Copie pour information en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l’audience du 12 septembre 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur, 

- Mme Hameline, premier conseiller. 

Lu en audience publique, le 26 septembre 2016. 

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N° 15MA02761

Abstrats : 26-01-04 Droits civils et individuels. État des personnes. Questions diverses relatives à l'état des personnes.

49-05-08 Police. Polices spéciales. Police des cimetières.

 

Résonance n°126 - Janvier 2017

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations