L’Association Nationale des Personnels de Cimetière (A.NA.PE.C) est souvent interpellée par ses adhérents sur l’épineuse question des concessions en déshérence.

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Georges Martinez,
président de l’A.NA.PE.C.

Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) décline le droit selon les circonstances observées. Le gestionnaire d’un cimetière sait que l’essentiel de son activité réside dans les solutions qu’il mettra en œuvre pour traiter ce problème de déshérence. S’agit-il d’une concession mal entretenue, à l’abandon, ou abîmée, présentant un risque pour les usagers ou pour les tombes voisines ?

L’art. L. 2223-14 du CGCT définit la durée d’une concession

Les communes peuvent, sans toutefois être tenues d’instituer l’ensemble des catégories ci-après énumérées, accorder dans leurs cimetières :

1° Des concessions temporaires pour quinze ans au plus ;

2° Des concessions trentenaires ;

3° Des concessions cinquantenaires ;

4° Des concessions perpétuelles.

Les concessions centenaires n’existent plus depuis une ordonnance du 5 janvier 1959.

Afin de préciser la temporalité d’une concession, le CGCT livre deux informations. Dans l’art. R. 2213-41, il indique que l’exhumation du corps d’une personne atteinte, au moment du décès, de l’une des infections transmissibles dont la liste est fixée aux a et b de l’art. R. 2213-2-1, ne peut être autorisée qu’après l’expiration d’un délai d'un an à compter de la date du décès. Et dans l’art. R. 2213-42, il précise au 7e alinéa que, lorsque le cercueil est trouvé en bon état de conservation au moment de l’exhumation, il ne peut être ouvert que s’il s’est écoulé 5 ans depuis le décès....

Ainsi, compte tenu des divers motifs pouvant conduire à une exhumation, il est convenu que la temporalité d’une concession s’exercera entre 6 ans et 15 ans. Dans la pratique, il est rare que les maires ou les présidents d’EPCI choisissent d’appliquer des durées inférieures à 10 ans. La durée de 5 ans est appliquée aux concessions gratuites. Elles sont généralement proposées aux personnes sans ressource, mais tout le monde peut y prétendre. Elles ne sont pas renouvelables.

C’est donc la durée de la temporalité qui fixera les responsabilités des titulaires et les modalités d’actions du conservateur. Ce dernier agit au nom du maire ou de son président, et doit donc défendre les intérêts de sa collectivité. Sa négligence en n’intervenant pas en temps opportun peut créer des préjudices à la fois éthiques et économiques.

La surveillance du bon état des concessions est un devoir professionnel, car une dégradation du monument ou de la tombale peut créer des désordres en interne et en externe Le conservateur doit être de bon conseil à la fois auprès des familles et des professionnels du funéraire. Une semelle ou un monument posé sur un sol non meuble finira tôt ou tard par se déstabiliser. Ainsi, lors d’une concession dévolue à des inhumations en pleine terre, la pose d’une fausse case est fortement conseillée. Le coût supporté à la construction, s’il rebute la famille confrontée à de nombreux frais, demeure très inférieur à ce que coûteront les travaux de remise en état lorsque toute la tombe sera à reprendre quelques années plus tard. Le conservateur ou les agents du cimetière doivent aussi être très vigilants dans la surveillance des travaux. Les marbriers sont d’excellents professionnels, mais, comme dans toute profession, certains peuvent bâcler le travail en utilisant de mauvais matériaux ou en ne respectant pas les cotes prescrites. Il n’est pas si rare de constater l’exiguïté d’un caveau au moment même de l’inhumation, avec des conséquences dramatiques à l’heure des obsèques.

Si le conservateur dispose de ce devoir de conseil et de surveillance, il ne dispose pas de la responsabilité de maître d’ouvrage, ni de la responsabilité civile, qui reviennent de plein droit au concessionnaire. Ce dernier est donc entièrement responsable des dommages occasionnés à des tiers, et bien sûr de ceux subis en propre et consécutifs soit d’une malfaçon soit d’un mauvais entretien.

Le maire est chargé de faire respecter l’obligation d’entretien

Le maire peut prendre légalement toute mesure destinée à assurer la sécurité dans le cimetière, car un défaut de surveillance engage la responsabilité de la commune (CE du 19 octobre 1966 - Commune de Clermont). Cependant, le maire ne peut procéder d’office à des mesures relatives à l’entretien ou à la conservation des monuments. Seule l’urgence ou le danger imminent l’autorisent à se substituer aux propriétaires.

Rappelons ici les termes de la nouvelle procédure de péril imminent spécifique aux monuments funéraires tel que le définit l’art. L. 511-4-1 du Code de la construction de l’habitation créé par la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 - art. 21 portant réforme du droit funéraire. Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu’ils menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité, ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique. 

Toute personne ayant connaissance de faits révélant l’insécurité d’un monument funéraire est tenue de signaler ces faits au maire, qui peut recourir à la procédure prévue aux alinéas suivants. 
Le maire, à l’issue d’une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret, met les personnes titulaires de la concession en demeure de faire, dans un délai déterminé, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au danger, ou les travaux de démolition, ainsi que, s’il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les monuments mitoyens. 
L’arrêté pris en application de l’alinéa précédent est notifié aux personnes titulaires de la concession. À défaut de connaître l’adresse actuelle de ces personnes ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune où est situé le cimetière, ainsi que par affichage au cimetière. Sur le rapport d’un homme de l’art ou des services techniques compétents, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d’achèvement, et prononce la mainlevée de l’arrêté.

 
Lorsque l’arrêté n’a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure les personnes titulaires de la concession d’y procéder dans le délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. À défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d’office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande. 
Lorsque la commune se substitue aux personnes titulaires de la concession défaillantes et fait usage des pouvoirs d’exécution d’office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais. Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu’elle s’est substituée aux personnes titulaires de la concession défaillantes, sont recouvrés comme en matière de contributions directes.

Toutefois, cela n’est pas si simple dans la vraie vie, car, à bon escient, le concessionnaire essaiera toujours de chercher la responsabilité de la collectivité dans les infiltrations qui auraient pu nuire au bon état de sa tombe ou dans le manque d’entretien du cimetière favorisant des prises racinaires, etc. Ce type de conflit se retrouve heureusement rarement devant l’arbitrage d’un tribunal, mais engendre des coûts pour la collectivité, qui préfère fréquemment faire sienne l’opération de réparation plutôt que de rentrer dans une joute juridique risquant d’être médiatisée.

Il est donc important que le cimetière fasse l’objet d’un règlement parfaitement rédigé de manière exhaustive, mentionnant l’état très clairement des obligations des concessionnaires tant en termes de construction qu’en termes d’entretien. Ce règlement, nous l’avons déjà dit dans de précédents articles, doit être remis contre signature au concessionnaire en même temps que le titre d’acquisition, ou tout au moins affiché, le concessionnaire attestant en avoir pris connaissance. Les pompes funèbres et marbriers œuvrant dans le périmètre du cimetière doivent également être destinataires de ce règlement, et engager leur responsabilité contre signature. Certains cimetières n’hésitent pas à doubler ce règlement par une charte de bonne conduite, largement affichée et communiquée.

Mais le règlement, ayant fait l’objet d’une délibération du conseil municipal (ou du comité d’administration) et d’un arrêté de promulgation du maire (ou du président de l’EPCI), a force de loi. Un règlement doit être régulièrement réactualisé, d’abord, parce que la loi évolue, et, en matière funéraire, elle a beaucoup changé depuis une décennie ; ensuite, parce que l’entretien et/ou le fonctionnement du lieu requiert une nouvelle organisation ou de nouveaux processus qui doivent être portés à la connaissance des usagers. À noter que si la rédaction de nouveaux articles venait à contrarier profondément de précédentes rédactions, il appartient à la collectivité d’en informer chaque concessionnaire par voie d’avenant.

Afin de parfaire son travail, il est donc important que les services de la conservation soient toujours informés de l’identité et des coordonnées du concessionnaire en droit. Or il arrive bien souvent que le concessionnaire ayant acquis sa concession y soit justement inhumé, sans que les coordonnées des ayants droit figurent au dossier. Il faut à ce propos attirer
l’attention des fournisseurs de logiciels, qui doivent absolument se prévaloir de cette situation en obligeant, lors de chaque travail accompli ou lors de chaque inhumation, que soit contrôlée l’identité des ayants droit. Les services à la population (état civil, élections, etc.) ainsi que les services funéraires, en particulier ceux gérant des contrats obsèques, doivent aussi veiller à ce que l’identité des ayants droit des concessions soit régulièrement réactualisée dans la base de données du cimetière, afin d’éviter des suites parfois très douloureuses pour les familles.

En effet, les familles pensent souvent à tort, que la concession est éternelle, et confondent la temporalité obligeant au renouvellement à la date anniversaire, et la perpétuité. Ils oublient bien sûr que la perpétuité d’une concession n’exonère pas le maire de procéder à un constat d’abandon, ni de la reprendre au terme d’une période de 3 années selon les conditions prévues par le CGCT dans ses articles L. 2223 17 et suivants.

L’art. L. 2223-15 précise les modalités de renouvellement desdites concessions

Les concessions sont accordées moyennant le versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal. Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement.

Ce retour à la commune, autrement appelé "reprise administrative", est souvent confondu par les familles avec la procédure d’abandon. Dans le second cas, la procédure est très encadrée par le CGCT, et oblige à une communication et une publication très rigoureuses tout au long des 3 années de sa durée. Une procédure d’abandon peut selon les textes affecter une concession cinquantenaire, ex-centenaire ou perpétuelle. La concession doit avoir plus de 30 ans et ne pas avoir subi d’inhumation depuis moins de 10 ans.

Dans le cas d’une reprise administrative, le maire agit de plein droit et n’a aucun devoir ni obligation d’information préalable. Toutefois, la plupart des services municipaux informent, généralement par LRAR les familles à la dernière adresse connue, qu’à défaut d’une intervention dans les deux années suivant la date anniversaire de la concession temporaire, trentenaire ou cinquantenaire, qu’il sera procédé à la reprise administrative de ladite concession. Par contre, du fait du manque d’information transmise, les familles se trouvent parfois "saisies" de ne plus retrouver leurs défunts, et "marries" lorsqu’on leur montre que la lettre est revenue en NPAI. Elles s’insurgent alors contre le gestionnaire, qui aurait dû faire une recherche. Eh bien non, le gestionnaire n’a aucune recherche à faire, et c’est bien à chacun de faire savoir où il déménage.

L’A.NA.PE.C encourage fortement tous les maires et présidents d’EPCI à communiquer largement autour de ce devoir de transmission des coordonnées des ayants droit au service compétent. La période de la Toussaint, généralement propice à la rédaction de nombreux articles sur le souvenir de nos morts, est l’occasion de le rappeler chaque fois que possible. Ce n’est pas parce que le droit met à l’abri de poursuite que l’aspect humain ne doit pas être pris en considération, et l’on peut comprendre le drame pour une famille qui constate le jour de sa visite à ses ancêtres que les corps ont été crématisés ou déposés à l’ossuaire.

Du point de vue technique il est bon de rappeler que le renouvellement est un acte qui tend à reconduire pour une durée équivalente une concession funéraire - non perpétuelle - venue à expiration. Il ne donne pas lieu à l’élaboration d’un nouveau contrat de concession, et donc le numéro de concession originel ne change pas. Les concessions sont donc renouvelables indéfiniment. Lorsqu’il y a plusieurs ayants droit, l’acte doit faire mention de ce que le renouvellement est effectué par tel ayant droit pour l’ensemble des ayants droit (Éditions Berger-Levrault "Cimetières, sites cinéraires et opérations funéraires").

Par extension, il convient de préciser qu’une solution identique s’applique désormais aux concessions dans lesquelles les urnes cinéraires sont inhumées, puisque la loi de décembre 2008 et le décret de janvier 2011 transposent à ce type de concessions le régime juridique applicable aux concessions funéraires, c’est-à-dire les articles R. 2223.11 à R. 2223.23 du CGCT, ainsi que le précise l’art. 46 du décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011. Ainsi, si certains fournisseurs de progiciels n’ont pas encore intégré ces fonctionnalités, il est urgent qu’ils s’y emploient au plus vite.

Il faut aussi rappeler que le maire (ou le président de l’EPCI) peut refuser le renouvellement d’une concession si son état est tel qu’il ne permet plus l’invisibilité des défunts qui y reposent, ou s’il présente un danger ou un risque pour les tombes voisines ou le cimetière en général.

Merci à nos adhérents qui, par leurs questions pertinentes, amènent les membres de l’A.NA.PE.C. à la meilleure des réflexions pour le bien de tous.

Georges Martinez
Président de l’A.NA.PE.C.

Résonance n°127 - Février 2017

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