Le maire est tenu d’organiser l’inhumation lorsque, après la levée d’un obstacle médico-légal, la famille n’y a pas procédé.

 

Cour administrative d’appel de Versailles 15 décembre 2016, n° 15VE02135

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d’Argenteuil à lui verser la somme de 50 000 €en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’inhumation d’office du corps de son épouse au cimetière du Chemin Vert à Argenteuil. Il résulte des faits qu’un obstacle médico-légal existait, que le procureur leva le 19 avril 2010. Or, le requérant n’organisa pas les obsèques immédiatement, et le maire d’Argenteuil, trois mois (!) après cette levée d’obstacle, procéda alors à l’inhumation de la défunte.

L’existence de délais d’inhumation variables

C’est le maire du lieu d’inhumation qui délivre l’autorisation d’inhumer, ainsi qu’énoncé par l’art. R. 2213-31 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). L’inhumation doit avoir lieu dans un délai compris entre vingt-quatre heures au moins et six jours au plus à partir du décès (les dimanches et jours fériés ne sont pas comptés). Pour les décès ayant eu lieu à l’étranger et dans un territoire d’outre-mer, ces délais sont de six jours au plus à partir de l’entrée en France du corps du défunt. Les corps non réclamés à un établissement de santé seront inhumés dans les dix jours qui suivent le décès (décret n° 2006-965 du 1er août 2006 relatif au décès des personnes hospitalisées et aux enfants pouvant être déclarés sans vie à l’état civil dans les établissements publics de santé).

Le décret du 28 janvier 2011 est venu modifier les conditions d’inhumation des défunts qui ont fait l’objet d’un obstacle médico-légal. En effet, les délais relatifs à l’inhumation et à la crémation (vingt-quatre heures au moins et six jours au plus, dimanche et jours fériés non comptés) partent de l’autorisation du procureur, et non de la date du décès (CGCT, art. R.2213-33), afin d’éviter les demandes de dérogation préfectorale.

"L’inhumation ou le dépôt en caveau provisoire a lieu :

- si le décès s’est produit en France, vingt-quatre heures au moins et six jours au plus après le décès ;

- si le décès a eu lieu dans les collectivités d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie ou à l’étranger, six jours au plus après l’entrée du corps en France.

Les dimanches et jours fériés ne sont pas compris dans le calcul de ces délais.


En cas de problème médico-légal, le délai de six jours court à partir de la délivrance, par le procureur de la République, de l’autorisation d’inhumation. Des dérogations aux délais prévus aux deuxième et troisième alinéas peuvent être accordées dans des circonstances particulières par le préfet du département du lieu de l’inhumation, qui prescrit toutes dispositions nécessaires. Lorsque le corps est transporté en dehors du territoire métropolitain ou d’un département d’outre-mer, les dérogations sont accordées par le préfet du département du lieu de fermeture du cercueil." (art. R. 2213-33 du CGCT)

Les dérogations ne pourront être que préfectorales

Lorsque l’inhumation est pratiquée dans une concession funéraire, l’accord du ou des titulaires de cette concession s’impose. Toutefois, si la personne jouit du droit à être inhumée dans la concession, le maire ne commet pas de faute en ne sollicitant pas l’autorisation du titulaire de la concession (par exemple, cas de la mère du titulaire de la concession : CAA Bordeaux 3 novembre 1997, M. Gilbert Lavé, req. n° 96BX01838).

S’il n’existe pas de concession funéraire, l’inhumation aura lieu en terrain commun. La demande d’inhumation devra être présentée par une personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. En cas de doute du maire sur l’appréciation de cette qualité, il pourra faire trancher le litige par le juge d’instance. Dans le cas où les délais légaux d’inhumation expireraient avant que la solution au litige ne soit donnée, il devra procéder à une inhumation dans un caveau provisoire.

L’obligation pour le maire de procéder à l’inhumation

Cette obligation découle de l’art. L. 2213-7 du CGCT, qui dispose que :
"Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance." Le juge applique ainsi logiquement à cette obligation municipale les particularités issues de l’existence d’un obstacle médico-légal : "Considérant qu’il résulte des dispositions précitées du CGCT que le maire est tenu de faire cesser la situation irrégulière créée par l’absence d’inhumation ou de crémation d’un défunt passé le délai de six jours après la délivrance par le procureur de la République de l’autorisation d’inhumation ou de crémation."

Philippe DupuisDupuis Philippe fmt
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

 

Le 18/01/2017 - CAA de VERSAILLES – N° 15VE02135

Inédit au recueil Lebon - 2e chambre

M. Brumeaux, président

Mme Sophie Colrat, rapporteur

Mme Lepetit-Collin, rapporteur public 

SELARL Gaia, avocat(s)

Lecture du jeudi 15 décembre 2016

République française au nom du peuple français

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d’Argenteuil à lui verser la somme de 50 000 €assortie des intérêts légaux à compter de la notification du jugement avec capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’inhumation d’office du corps de son épouse au cimetière du Chemin Vert à Argenteuil.

Par un jugement n° 1201401 du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 13 janvier 2016, M. C..., représenté par Me Petris, avocat, demande à la cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune d’Argenteuil à lui verser la somme de 50 000 €augmentée des intérêts de droit à compter de l’arrêt à intervenir avec capitalisation des intérêts échus ;

3° de mettre à la charge de la commune d’Argenteuil le versement de la somme de 3 000 €sur le fondement de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- il n’a pas pu suivre les démarches habituelles pour prendre les dispositions nécessaires à l’inhumation de son épouse selon ses volontés dans la mesure où une enquête pour homicide avait été ouverte ;

- les services de la commune ne pouvaient ignorer l’existence de la famille de Mme C... et ne peuvent donc s’exonérer ainsi de leur responsabilité ;

- l’erreur sur la plaque funéraire est constitutive par elle-même d’une faute ayant entraîné un préjudice moral. 

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le CGCT ;

- le Code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : 

- le rapport de Mme Colrat,

- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me A..., pour commune d’Argenteuil.

1. Considérant que M. C... demande la condamnation de la commune d’Argenteuil à réparer les divers préjudices qu’il estime avoir subis du fait des fautes commises par la commune d’Argenteuil en faisant procéder à l’inhumation d’office de son épouse le 12 juillet 2010 au cimetière du Chemin Vert ;

2. Considérant qu’aux termes de l’art. L. 2213-7 du CGCT : "Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance" ; que l’art. R. 2213-33 du même Code précise que : "L’inhumation ou le dépôt en caveau provisoire a lieu : - si le décès s’est produit en France, vingt-quatre heures au moins et six jours au plus après le décès. […] En cas de problème médico-légal, le délai de six jours court à partir de la délivrance, par le procureur de la République, de l’autorisation d’inhumation. […]" ; que l’art. R. 2213-35 de ce Code mentionne que : "La crémation a lieu : - lorsque le décès s’est produit en France, vingt-quatre heures au moins et six jours au plus après le décès. […] En cas de problème médico-légal, le délai de six jours court à partir de la délivrance, par le procureur de la République, de l’autorisation de crémation." ;

3. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées du CGCT que le maire est tenu de faire cesser la situation irrégulière créée par l’absence d’inhumation ou de crémation d’un défunt passé le délai de six jours après la délivrance par le procureur de la République de l’autorisation d’inhumation ou de crémation ;

4. Considérant qu’il ne résulte pas des pièces du dossier, nonobstant les allégations du requérant qui soutient avoir mandaté un conseiller funéraire pour accomplir les diverses formalités nécessaires à l’inhumation de son épouse au Maroc, que M. C... aurait accompli quelque démarche que ce soit après la délivrance le 19 avril 2010 par le procureur de la République du permis d’inhumer Mme C... née D... et la remise qui lui a été faite par les services municipaux de l’état-civil d’un acte de décès de son épouse pour procéder à son inhumation ou sa crémation sur le territoire français ou au transport du corps vers le Maroc ; que, par suite, le maire d’Argenteuil ne peut être regardé comme ayant commis une faute en faisant procéder à l’inhumation de Mme C... au cimetière d’Argenteuil le 12 juillet 2010, soit près de trois mois après son décès ;

5. Considérant que l’erreur commise par les services municipaux en inscrivant sur la plaque funéraire le nom de M. C... en lieu et place de celui de son épouse constitue une faute de nature à engager la responsabilité des services communaux de la ville d’Argenteuil ; que, toutefois, ainsi que l’ont estimé les premiers juges, M. C..., qui a obtenu depuis lors l’autorisation d’exhumer et de transporter le corps de son épouse au Maroc, n’a subi aucun préjudice de ce fait et que sa demande d’indemnisation doit dès lors être rejetée ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C... n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

7. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la commune d’Argenteuil fondées sur l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Décide :

Art. 1er :La requête de M. C... est rejetée.

Art. 2 :Les conclusions de la commune d’Argenteuil présentées sur le fondement des dispositions de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

N° 15VE02135

Abstrats :49-05-08 Police. Polices spéciales. Police des cimetières.

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d’ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.

60-04-03-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Troubles dans les conditions d’existence.

 

Résonance n°127 - Février 2017

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations