Une question qui peut sembler étonnante : Comment faire pour qu’un administré obéisse aux prescriptions contenues dans un arrêté de police, ce qu’est fondamentalement un arrêté portant règlement de cimetière ?

 

L’exécution d’office des arrêtés est normalement interdite

Le fait pour le maire, comme pour toute autre autorité de police, d’exécuter soi-même les prescriptions d’un arrêté de police pris sur le fondement de la police administrative générale de l’art. L. 2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) est constitutif d’une exécution d’office normalement proscrite.
Ainsi, l’Administration ne peut réagir à une illégalité par une autre, et n’a que très rarement l’autorisation d’exécuter par la force ses propres décisions : elle doit préalablement faire constater l’illégalité de la situation par le juge (TC, 2 déc. 1902, Sté immobilière de Saint-Just, Rec. CE, p. 713). Le juge punit alors le contrevenant et autorise l’Administration à user de moyens de coercition comme l’injonction assortie ou non d’astreintes financières pour assurer le respect de ses décisions.
Dans le cas contraire s’appliquerait alors la théorie de la voie de fait, qui engagerait la responsabilité de l’Administration. L’intérêt de cette notion, dont l’utilisation est à tout le moins délicate et peu fréquente, est que son illégalité peut être constatée tant par le juge administratif que par le juge judiciaire. Dans le cas du juge administratif, il ne sera pas tenu par les délais des voies de recours (TC 27 juin 1966 Guigon, Rec. CE p. 830). Dans celui du juge judiciaire, il se dispensera de renvoyer la question de la légalité de l’acte devant les juridictions administratives (TC 30 octobre 1947 Époux Barinstein, Rec. CE p. 511). Dans tous les cas il appartiendra au juge judiciaire de réparer le préjudice subi de par ses missions de gardien tant de la propriété privée que des libertés fondamentales.

Les dérogations jurisprudentielles à l’exécution d’office

Il ne peut être dérogé à ce principe qu’exceptionnellement quand un texte l’y autorise ou quand la jurisprudence l’a permis. Les conditions sont au nombre de quatre :
- Il faut que l’opération administrative pour laquelle l’exécution est nécessaire ait sa source dans un texte précis : on pourra par exemple citer l’utilisation de la police des édifices menaçant ruine pour agir contre une sépulture en mauvais état qui comporte une possibilité d’une exécution forcée. Attention, quand l’Administration reçoit un tel pouvoir, elle n’est néanmoins pas dispensée d’agir en respectant les formes : l’exécution forcée régulière peut elle-même être source d’engagement de la responsabilité de l’Administration.
- Il faut qu’il y ait lieu à exécution forcée, c’est-à-dire que l’exécution se heurte à une résistance plus ou moins forte de la part du contrevenant.
- Il faut qu’il n’existe pas de sanctions légales permettant d’obtenir le respect des obligations imposées. Ce cas est des plus rares, car peu de textes n’ont pas prévu la sanction de leur non-respect.
- Il faut, enfin, que les mesures d’exécution forcée tendent uniquement dans leur objet immédiat à la réalisation de l’opération prescrite. Si, par exemple, un maire intervient dans le cadre de sa police des édifices menaçant ruine, il peut ordonner des travaux, les exécuter à la charge du propriétaire défaillant, mais pas abattre l’immeuble sans retourner devant le juge pour obtenir son autorisation.

La dérogation liée à l’urgence

L’art. L. 2212-4 du CGCT énonce en effet "qu’en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’art. L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances". L’utilisation de l’art. L. 2212-4 du CGCT permet par exemple d’ordonner la réalisation d’office de travaux, à la condition stricte d’être confronté à un danger grave et imminent, qui autorise expressément à prescrire "l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances", sous réserve d’en informer d’urgence le représentant de l’État dans le département. Cette formulation permet alors au maire d’agir au mieux pour résoudre une dangerosité immédiate. Cette disposition est la seule qui, hors texte précis, permet en toutes circonstances au maire de réagir sans formalisme excessif à une situation.
Il conviendra néanmoins d’être prudent, car le juge sera vigilant sur l’imminence et la gravité du danger, source de l’action municipale. Le Conseil d’État, dans un arrêt du 10 octobre 2005, commune de Badinières, permet même qu’ "en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées" (CE 10 oct. 2005, commune de Badinièresc/Arme, req. n° 259205).
Ainsi, l’urgence exonère la commune de l’application du bon texte, dans le cas de cet arrêt, le maire a pu valablement utiliser ses pouvoirs de police générale pour abattre un immeuble dangereux, alors que le recours à la procédure des édifices menaçant ruine aurait été normalement plus approprié. Dans le même esprit, la commune pourra être dispensée de toute mise en demeure, ou bien sera autorisée à pénétrer dans une propriété privée (CE ass. 24 janvier 1936, Mure, Lebon 105 ; CE sect. 29 avril 1949, Dastrevigne, Lebon 185). Le juge acceptera même que le maire ne prenne aucun arrêté et se contente d’ordres verbaux.

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

Résonance n°139 - Avril 2018

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