Après avoir présenté le mois dernier le principede cette police, il nous faut désormais expliciterles modalités de son application.

 

Dupuis Philippe 2015I - Le péril imminent

La procédure applicable en cas de péril d’immeuble varie selon que celui-ci est imminent ou simplement menaçant. Nous citerons le maire en tant qu’autorité titulaire de ce pouvoir de police, mais il est également possible que cette police ait été transférée au président d’une intercommunalité, ce qu’il conviendra de vérifier. Il faut se rapporter aux dispositions de l’art. L. 511-3 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

Art. L. 511-3 du Code de la construction et de l’habitation

"En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d’un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l’état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l’imminence du péril s’il la constate. Si le rapport de l’expert conclut à l’existence d’un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l’évacuation de l’immeuble. Dans le cas où ces mesures n’auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d’office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. Si les mesures ont à la fois conjuré l’imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d’un homme de l’art, prend acte de leur réalisation et de leur date d’achèvement. Si elles n’ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l’art. L. 511-2."

Première étape : avertir le propriétaire

Ainsi, il conviendra tout d’abord de procéder à l’avertissement du propriétaire de la sépulture. L’omission de cette information ne rend pas nulle cette procédure (TA Lyon, 29 septembre 1978, Dame Gil et autres, Rec. CE, p. 619) ; mais les propriétaires doivent être avisés avant l’achèvement des opérations de l’expert (CE, 24 juillet 1987, Ville de Lyon, AJDA 1987, p. 64). Il n’y a pas à ce stade de débat contradictoire entre le propriétaire et le maire. Bien évidemment, si aucun propriétaire n’est connu, cette étape sera remplacée par un affichage en mairie et sur la sépulture.

Deuxième étape : saisine du juge administratif

Le maire doit ici demander par courrier au juge administratif de désigner un expert pour s’enquérir de l’état de l’édifice et constater l’urgence de l’intervention de celui-ci avant de prendre un arrêté de péril imminent. L’expert devra dans le délai imparti (24 heures suivant sa nomination) se prononcer dans son rapport sur l’imminence du péril et l’urgence à le combattre. C’est à ce stade et suivant son opinion que le maire pourra suivre la procédure d’urgence si le péril est reconnu, ou la procédure ordinaire si l’urgence n’est pas avérée. Si, autrefois, cette saisine pouvait être effectuée par lettre simple, il est désormais obligatoire pour le maire de saisir le juge au titre de l’art. R. 556-1 du Code de justice administrative, le juge statuant alors suivant les règles posées par l’art. R. 532-1 du Code de justice administrative, c’est-à-dire les règles du référé instruction.

Troisième étape : l’édiction de l’arrêté de péril imminent

L’arrêté de péril imminent est une mise en demeure d’exécuter les travaux d’urgence dans les plus brefs délais. Il doit mentionner, sous peine de nullité, le délai imparti pour que ces travaux soient effectivement réalisés (CAA Paris, 16 février 1993, préfet de police de Paris, Rec. CE, p. 656). Passé celui-ci, il peut faire exécuter d’office et aux frais du propriétaire les mesures indispensables. Les travaux ordonnés par le maire dans le cadre du péril imminent ne peuvent qu’être des travaux d’urgence utiles à la préservation de l’ordre public (CAA Lyon, 25 janvier 1993, Épx Duhamel, Rec. CE, p. 656). Les mesures prescrites dans un arrêté de péril imminent doivent être précises, ainsi que le délai de leur exécution (CAA Paris, 16 février 1993, Nghiem Xuan Minh, confirmé par CE, 4 décembre 1995, préfet de police, Rec. CE, p. 656 ; Juris-Data n° 047712 ; Dr. adm. 1996, comm. 34).Il est extrêmement important de souligner qu’il ne s’agit ici que faire cesser un danger certain pour la sécurité des personnes ; pour être autorisé à faire effectuer des travaux plus importants et susceptibles d’entraîner des dépenses considérables, il devra suivre la procédure ordinaire de l’art. L. 511-2 devant le tribunal administratif.

Quatrième étape : exécution de l’arrêté de péril imminent

L’arrêté de péril imminent est désormais exécutoire de plein droit, le juge n’intervient plus dans la prise de l’arrêté, mais seulement dans la désignation de l’expert. En revanche, la désignation de l’expert interviendra suivant les règles qui existent en matière de référés instructions. En effet, le décret du 8 novembre 2006 a supprimé le référé spécifique en matière d’édifices menaçant ruine pour lui substituer celles de l’art. R. 532-1 du Code de justice administrative :

Art. R. 532-1 du CJA

"Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l’exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l’état des immeubles susceptibles d’être affectés par des dommages ainsi qu’aux causes et à l’étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de cette mission […]."Enfin, l’art. L. 511-3 prévoit une procédure de mainlevée de l’arrêté de péril lorsque les travaux prescrits auront été réalisés. On remarquera que l’expert est alors remplacé par un homme de l’art, ce qui sera moins onéreux pour la commune, qui pourra ainsi utiliser son personnel à l’instar du responsable des services techniques par exemple.

II - Le péril non imminent : une procédure spécifique pour les monuments funéraires

La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire est venue créer un art. L. 511-4-1 du CCH pour permettre d’agir sur les monuments dont l’état pourrait constituer un péril. Ce nouvel article n’est que le décalque de l’art. L. 511-1 du CCH, c’est-à-dire de la procédure de péril, certes, mais non imminent. La nouvelle procédure doit pouvoir faire l’objet d’un concours de procédure avec celle plus générale des édifices menaçant ruine. Précisons tout d’abord que l’art. L. 511-1 alinéa 3 du CCH énonce que toute personne ayant connaissance du péril provoqué par un immeuble est tenue de le signaler au maire. Le maire ne peut ainsi dégager la responsabilité de la commune en ne prenant pas un arrêté de péril ni pour arguer qu’il ne pouvait connaître la situation de péril de l’immeuble si un usager du cimetière attire son attention sur une sépulture dangereuse et que la commune ne réagit pas en procédant au moins à une vérification de son éventuelle dangerosité (CE, 25 avril 1941, Maurel, Rec. CE, p. 70). On remarquera que le délai accordé pour que les propriétaires de sépultures se manifestent est d’au moins un mois : "Lorsque les désordres affectant des monuments funéraires sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l’art. L. 511-4-1, le maire en informe, en joignant tous éléments utiles en sa possession, les personnes titulaires de la concession ou leurs ayants droit et les invite à présenter leurs observations dans un délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois." (D 5111-13 du CCH)

Première étape : prise de l’arrêté de péril ordinaire

Art. D. 511-13-3 du CCH

"L’arrêté de péril pris en application de l’art. L. 511-4-1 est assorti d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à un mois." (D. 511-13-3 du CCH). Ainsi, de nouveau, parce que le danger existant n’est pas imminent, l’arrêté de péril pris dans ce cadre laisse un temps assez long pour que le propriétaire du monument diligente les travaux à accomplir sur celui-ci.

Deuxième étape éventuelle : possibilité de demander la destruction du monument funéraire

Il est possible, au contraire de la procédure pour péril imminent, d’obtenir la démolition du monument funéraire, si son état est au-delà de tous travaux de remise en état. Néanmoins, il faudra au préalable disposer de l’autorisation du juge judiciaire. Cette démolition ne permettra pas d’exhumer les corps qui se trouvent dans la sépulture, et pour lesquels les procédures de reprise continuent de s’appliquer.Enfin, il convient de relever qu’une circulaire semble circonscrire l’utilisation de cette procédure aux monuments édifiés en terrain concédé :

Circulaire du 14 décembre 2009 (NOR : IOCB0915243C)

"IV - Conception et gestion des cimetières (art. 18 à 21 de la loi) 4. Pouvoir de police des monuments funéraires menaçant ruine (art. 21) À l’instar du dispositif prévu pour les immeubles menaçant ruine, la loi a créé une police administrative des monuments funéraires menaçant ruine, au sein du CCH. Le nouvel art. L. 511-4-1 du Code précité crée l’obligation pour toute personne de signaler au maire l’état d’insécurité d’un monument funéraire. Sur la base de ce signalement et à l’issue d’une procédure contradictoire, dont les modalités seront définies par décret, le maire peut, par arrêté, mettre en demeure le(s) titulaire(s) d’une concession funéraire de faire réaliser des travaux de mise en sécurité ou de démolition des monuments édifiés sur la concession. À l’issue du délai fixé dans l’arrêté, si les travaux prescrits n’ont pas été réalisés, le maire adresse une seconde mise en demeure, assortie d’un nouveau délai minimum d’un mois. Si le danger persiste, la commune se substitue au(x) titulaire(s) de la concession et fait réaliser d’office les travaux. Les sommes engagées sont ensuite recouvrées par la commune.

Champ d’application de l’art. 21 :

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux monuments construits sur une sépulture concédée. S’agissant des monuments édifiés sur une sépulture en terrain commun, le maire pourra faire usage de son pouvoir de police générale, sur le fondement de l’art. L. 2212-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), ou de son pouvoir de police des lieux de sépulture, sur la base de l’art. L. 2213-9 du même Code, pour assurer la sécurité des usagers du cimetière et préserver les monuments mitoyens."Si nous demeurons dubitatifs quant à l’utilité d’une procédure de péril spécifique aux monuments funéraires, et à son utilité à tout le moins discutable, puisque nous ne discernons pas en quoi la police des édifices menaçant ruine "classique" ne pourrait trouver à s’appliquer. Force est de constater que nous ne comprenons pas la raison qui en limiterait l’application aux monuments édifiés sur des terrains concédés. Il nous semble tout à fait, dans la droite ligne de la position du juge, possible de l’appliquer aussi aux monuments édifiés sur des terrains communs, ce qui bien que moins courant n’est pas juridiquement impossible.

Philippe Dupuis 
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

Résonance n°146 - Janvier 2019

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