Une difficulté inhérente à l’application du nouveau régime des déclarations, instaurée par le décret du 28 janvier 2011 : la perception des taxes funéraires.
Depuis l’entrée en vigueur du décret du 28 janv. 2011, plusieurs communes de grande ou moyenne importance sont confrontées à de sérieuses difficultés pour organiser le recouvrement des taxes funéraires, instaurées par l’article 3 de la loi du 8 janv. 1993, codifié à l’art. L. 2223-22 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), ainsi libellé :
"Les convois, les inhumations et les crémations peuvent donner lieu à la perception de taxes dont les tarifs sont votés par le conseil municipal. Dans ces tarifs, aucune surtaxe ne peut être exigée pour les présentations et stations dans un lieu de culte".
Cet article nous offre la possibilité de préciser le régime juridique et financier, mais aussi la justification de ces taxes, instituées par la loi, qui ont évidemment une nature fiscale et semblent constituer des impôts indirects, comme le sont la taxe de séjour ou la taxe sur la publicité faite dans les communes. Leur création est facultative : le conseil municipal a toute latitude pour décider leur création, et leur existence n’est pas liée au service public des pompes funèbres qui existerait sur le territoire de la commune, pas plus d’ailleurs qu’elles constitueraient une recette pour la régie communale, voire le délégataire, ces taxes étant imputées au budget général de la commune, à la section fonctionnement.
Elles peuvent être perçues par toutes les communes, dès lors qu’un convoi ou une inhumation serait organisé sur son territoire. Lorsque le cimetière ou le crématorium appartient à une commune, c’est à elle que reviendra le soin d’en percevoir le bénéfice.
La circulaire du ministre de l’Intérieur n° 95-51 du 14 févr. 1995 relative à la législation funéraire est venue apporter d’intéressantes précisions sur la nature juridique de ces taxes. Tout en rappelant leur caractère facultatif et leur nature fiscale, le ministre indique :
"Ces taxes peuvent être instituées indistinctement et peuvent être, le cas échéant, perçues cumulativement par la commune.
Ces taxes trouvent leur fondement juridique dans l’art. 11 du décret du 18 mai 1806 qui précise que le transport des morts indigents sera fait décemment et gratuitement : tout autre transport sera assujetti à une taxe fixe.
Le nouvel article L. 2223-22 du CGCT ne fait que reprendre les dispositions anciennes en y ajoutant une taxe sur les crémations pour respecter le principe d’égalité entre les différents modes de sépultures".
La circulaire permet également d’appréhender les éléments sur lesquels les taxes seront assises, comme le convoi, la crémation, l’inhumation :
"Il apparaît tout d’abord que le terme de convois recouvre les seuls transports de corps après mise en bière effectués sur le territoire de la commune qui a institué une telle taxe et à la condition qu’ils soient réalisés avec pompes ou cérémonie. De plus la taxe de crémation ne concerne que les communes sur lesquelles un crématorium est installé.
En outre, la taxe d’inhumation est également due, le cas échéant, en cas de dépôt d’une urne cinéraire dans une sépulture, un caveau ou une case de columbarium situés dans le cimetière communal. Elle est aussi exigible, dans le cas où un corps est réinhumé à la suite d’une exhumation réalisée à la demande du plus proche parent du défunt, conformément à l’art. R. 2213-40 du CGCT".
Enfin, le législateur n’a pas autorisé les communes à voter une taxe sur les exhumations.
Dans une réponse à question, Joan 21 juin 1999, p 3855, le ministre de l’Intérieur a précisé que les taxes communales afférentes aux convois, inhumations et crémations étaient limitativement énumérées dans la loi. De ce fait, une taxe d’ouverture d’un caveau qui s’ajouterait à celle de l’inhumation, serait illégale.
Toutefois, il semblerait que cette réponse à question écrite ne s’adresse qu’à la perception d’une taxe communale et qu’elle ne saurait concerner en rien les prestations accomplies par les opérateurs funéraires lors de l’ouverture de sépultures qui sont normalement rémunérées en tant que redevances ou prix pour services rendus, éligibles à la TVA, au taux de 19,60%.
Sur la nature juridique de ces taxes et leurs modalités de calcul, un jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 25 mars 2008 a apporté d’intéressantes précisions sur l’ordonnancement juridique jusqu’alors établi, que j’avais abondamment commenté dans Résonance de mai 2008, n° 40.
En effet, il résulte d’une réponse écrite du ministre de l’Intérieur du 22 mars 1999, Joan, p.1754, que "la loi prévoit de manière limitative la perception des taxes communales sur les opérations de convoi, d’inhumation et de crémation.
Ces taxes constituent des prélèvements de nature fiscale votés par le conseil municipal.
Elles se distinguent des redevances perçues par les communes en application de l’art. L. 2223-15 du CGCT, correspondant au prix des concessions funéraires".
La loi distingue donc, deux types de recettes communales, la taxe de nature fiscale dont le tarif est, en principe, librement délibéré par l’assemblée communale, et la redevance, également fixée par cette assemblée, correspondant à la rémunération d’une prestation de service funéraire, donc pour service rendu.
Force est donc de constater que les taxes communales ont bien une existence réelle et que le conseil municipal dispose de toute liberté pour les instaurer, sans être tenu par une quelconque obligation.
Sur leur justification :
À titre liminaire, il convient de rappeler que le service funéraire est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes, tel que cela résulte de l’art. 9 (L. 2223-27 du CGCT) ainsi libellé :
"Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l’art. 1er (L. 2223-19 du CGCT) n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend en charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques".
Ces dispositions ont donné lieu à un débat fourni, alimenté, il est vrai, par une importante doctrine.
En effet, ce débat porte sur le fait que la loi s’est écartée de la notion ancienne d’indigent, restrictive, puisqu’elle supposait l’inexistence totale de revenus, pour adopter celle plus large de personnes dotées de revenus insuffisants, qui a engendré un processus d’augmentation des demandes de prise en charge des frais d’obsèques par les communes, qui n’a pas laissé indifférent au moins trois de nos parlementaires, dont les sénateurs Jean Louis Masson et Jacques Maheas, qui ont interpellé les 3 juin 2004 et 19 janv. 2006, M. le ministre de l’Intérieur, afin de mettre en exergue le manque d’équité financière de cette disposition de la loi, sans cependant dénier la logique de solidarité qui l’a initiée.
Sur le fond l’argumentaire de ces deux questions était le même : la présence d’hôpitaux sur le territoire d’une commune, qui entraîne de nombreux décès d’indigents ou de personnes dépourvues de revenus suffisants, sans lien direct avec la commune autre que celle du lieu du décès.
Invariablement la réponse ministérielle est axée sur les arguments suivants :
"Il résulte de l’ensemble des dispositions du CGCT, qu’il appartient aux communes de prendre en charge les frais occasionnés par les obsèques des indigents. Au plan financier, il faut rappeler que l’État participe aux dépenses d’intérêt général des collectivités locales, en particulier aux charges globales de fonctionnement des communes à travers la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), dans laquelle a été incluse la subvention à titre de participation de l’État aux dépenses d’intérêt général, qui était accordée aux communes antérieurement à la loi n° 79-3 du 3 janv. 1979, portant création de la DGF.
L’accroissement des coûts de fonctionnement des collectivités est indirectement pris en charge par la revalorisation annuelle de la DGF, dotation globale et libre d’emploi, qui s’inscrit dans l’esprit de la décentralisation.
Enfin, le maire a la possibilité sur le fondement de l’art. R. 2342-4 du CGCT, de poursuivre contre les enfants du de cujus, le recouvrement des frais engagés par la commune en dressant un état. Les frais funéraires sont des dettes de succession qui doivent être prélevées sur l’actif successoral. Ils sont garantis par un privilège placé par l’art. 2101 du Code Civil (désormais art. 2331-2°) au deuxième rang des privilèges généraux, qui s’exercent sur les meubles et les immeubles. Il n’est donc pas envisagé de faire évoluer le droit dans ce domaine".
Dans une troisième réponse faite à une question écrite du député UMP du Gard, M. Yvan Lachaud en date du 19 sept. 2006, le ministre reprend globalement le même argumentaire, en y ajoutant cependant une précision complémentaire, en rappelant qu’au plan financier les communes disposent de la possibilité d’instituer des taxes sur les convois, les inhumations ou crémations, au titre de l’art. L. 2223-22 du CGCT, ces fonds permettant indirectement de financer les dépenses obligatoires pour les obsèques des personnes indigentes (terme utilisé par le ministre).
À ce stade du développement de cette question, force est d’admettre que les solutions préconisées par le ministère de l’Intérieur pour la participation de l’État au financement de ces dépenses, concernent uniquement des recettes imputées au budget général de la commune.
Dans un tel contexte, serait-il légitime, voire légal de faire supporter au budget annexe d’une régie municipale ou intercommunale de pompes funèbres, gérées par un établissement public de coopération intercommunale, cas qui tend à se généraliser, voire d’une entreprise délégataire, même si le cahier des charges doit nécessairement le prévoir, tous les frais afférents à l’organisation des obsèques de personnes dépourvues de ressources suffisantes ?
En effet, les régies municipales ainsi que les entreprises délégataires ne bénéficient pas des allocations versées par l’État, ni du produit généré par les taxes funéraires communales.
Dans la plupart des grandes villes dotées d’importantes unités hospitalières publiques (CHU, CHR) ou privées, la tendance est à l’accroissement des décès des personnes en état de précarité, voire disposant de ressources insuffisantes. Les dépenses effectuées par la régie ou le délégataire, pour le compte de la commune, et les pertes de recettes qui en résultent seraient de nature à mettre en péril leur équilibre budgétaire, donc de conditionner leur existence.
Dans mon ouvrage, le "Traité de Législation et Réglementation Funéraire", publié aux Éditions Résonance, j’ai insisté sur le fait, que la notion de personnes dépourvues de ressources suffisantes nécessitait d’être mieux définie, car à l’inverse de l’indigence qui supposait l’absence totale de ressources, la situation des personnes dépourvues de ressources suffisantes devait être examinée au cas par cas, l’appréciation étant généralement opérée "intuitu-personnae".
En outre les redevables des frais funéraires, les signataires des bons de commande ou les conjoints ou enfants, qui ont tenus par des obligations alimentaires (articles 203 et 205 du Code Civil), ont tendance à étendre le bénéfice de cette clause à leur propre situation pécuniaire pour s’exonérer des responsabilités qui leur incombent.
La ville de Paris, à la suite d’un rapport volumineux dressé par les services de l’Inspection générale, a mis en œuvre un dispositif par lequel le budget de la commune verse une participation forfaitaire à son délégataire, la SEM "Services Funéraires de la Ville de Paris", créée en 1998, afin de compenser les pertes liées à la prise en charge des obsèques des personnes à revenus insuffisants, qui a donné lieu à un vif débat avec la chambre régionale des comptes de l’Île-de-France.
La position du maire de la capitale n’était pas dénuée d’intérêt dès lors qu’elle se référait au principe général du droit qu’est l’égalité de tous les citoyens devant les charges publiques, en rejetant le risque de faire supporter par les usagers du service funéraire public, les charges inhérentes aux obsèques des personnes dotées de revenus insuffisants, alors que les positions ministérielles ont toujours mis en avant les financements dont sont dotées les communes pour faire face à de telles dépenses.
En d’autres termes, la ville de Paris a privilégié la solidarité entre tous ses citoyens, et point un alourdissement inévitable des tarifs de sa société d’économie mixte, dès lors qu’elle aurait dû assumer intégralement, à partir de ses propres recettes, l’organisation des obsèques "gratuites".
C’est sur ces bases que la ville de Marseille a accordé à la régie municipale des pompes funèbres une participation financière à l’occasion de l’organisation d’obsèques de personnes dépourvues de ressources suffisantes, étant toutefois précisé, qu’il a été également fait application des dispositions du CGCT applicables aux services industriels et commerciaux, organisés en régies communales, permettant au conseil municipal d’octroyer des aides exceptionnelles dès lors que les obligations de service public imposées aux régies dépassent un seuil admissible.
Mais depuis l’intervention du décret du 28 janv. 2011, la perception par les communes de ces taxes instaurées par leurs conseils municipaux, rencontre de sérieuses difficultés, avec la suppression du régime des autorisations du maire jusqu’alors en vigueur, et remplacées par un régime de déclaration opérées par tout moyen, pour les opérations funéraires les plus régulièrement sollicitées, soit :
Les soins de conservation des corps, le transport des corps avant mise en bière, le transport des corps après mise en bière sur le territoire métropolitain ou des départements de l’outre-mer, l’admission en chambre funéraire, les moulages, les transports des corps vers des établissements de santé, de formation, d’enseignement ou de recherche, les transports de corps vers un établissement de santé, pour la réalisation de prélèvements à des fins thérapeutiques.
Or, jusqu’alors, le dépôt de dossiers afférents à ces opérations, comportant toutes les pièces requises par le CGCT, s’effectuait auprès des services municipaux compétents, ce qui induisait une relation physique entre l’opérateur et l’agent communal, propice à l’établissement d’un bordereau de taxation, qui était ensuite présenté soit au régisseur d’avances et de recettes de la commune, soit, à défaut, au receveur municipal.
Désormais, une déclaration préalable est effectuée, par tout moyen, auprès du maire compétent, qui indique la date et l'heure présumée de l'opération, le nom et l'adresse de l'opérateur dûment habilité qui procède à celle-ci, faisant référence à la demande de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. C’est l’opérateur funéraire qui est garant de la constitution du dossier, et qui doit le conserver durant une période de cinq ans.
Le fait de l’autoriser à effectuer cette déclaration par tout moyen, y compris par télécopie, anéantit la relation physique avec les agents communaux, et diffère l’émission du bordereau de taxation, qui dans la plupart des cas, est remplacé par un titre de recette, émis auprès du receveur municipal, tout autant que la formalité de déclaration a bien été effectuée dans les règles, ce qui a pour conséquence de retarder le recouvrement de cette recette, voire d’alourdir les formalité, le receveur municipal, agent du trésor, devant mettre en œuvre des procédures de perception, longues et souvent onéreuses.
Cet aspect des difficultés collatérales du nouveau régime semble avoir mal été appréhendé par les rédacteurs du décret du 28 janv. 2011, malgré l’avis en date du 18 mars 2010 du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF), au sein duquel les administrations communales sont, à notre avis, sous représentées.
Il nous apparaît, dans de telles conditions, que ce nouveau régime devrait faire l’objet d’une adaptation, afin de garantir l’intérêt général qui a présidé à l’instauration des taxes funéraires, dont on sait que leur finalité est d’offrir aux communes les moyens financiers pour faire face à leurs obligations de solidarité dans la prise en charge des obsèques des personnes décédées, dépourvues de recettes suffisantes.
"Les convois, les inhumations et les crémations peuvent donner lieu à la perception de taxes dont les tarifs sont votés par le conseil municipal. Dans ces tarifs, aucune surtaxe ne peut être exigée pour les présentations et stations dans un lieu de culte".
Cet article nous offre la possibilité de préciser le régime juridique et financier, mais aussi la justification de ces taxes, instituées par la loi, qui ont évidemment une nature fiscale et semblent constituer des impôts indirects, comme le sont la taxe de séjour ou la taxe sur la publicité faite dans les communes. Leur création est facultative : le conseil municipal a toute latitude pour décider leur création, et leur existence n’est pas liée au service public des pompes funèbres qui existerait sur le territoire de la commune, pas plus d’ailleurs qu’elles constitueraient une recette pour la régie communale, voire le délégataire, ces taxes étant imputées au budget général de la commune, à la section fonctionnement.
Elles peuvent être perçues par toutes les communes, dès lors qu’un convoi ou une inhumation serait organisé sur son territoire. Lorsque le cimetière ou le crématorium appartient à une commune, c’est à elle que reviendra le soin d’en percevoir le bénéfice.
La circulaire du ministre de l’Intérieur n° 95-51 du 14 févr. 1995 relative à la législation funéraire est venue apporter d’intéressantes précisions sur la nature juridique de ces taxes. Tout en rappelant leur caractère facultatif et leur nature fiscale, le ministre indique :
"Ces taxes peuvent être instituées indistinctement et peuvent être, le cas échéant, perçues cumulativement par la commune.
Ces taxes trouvent leur fondement juridique dans l’art. 11 du décret du 18 mai 1806 qui précise que le transport des morts indigents sera fait décemment et gratuitement : tout autre transport sera assujetti à une taxe fixe.
Le nouvel article L. 2223-22 du CGCT ne fait que reprendre les dispositions anciennes en y ajoutant une taxe sur les crémations pour respecter le principe d’égalité entre les différents modes de sépultures".
La circulaire permet également d’appréhender les éléments sur lesquels les taxes seront assises, comme le convoi, la crémation, l’inhumation :
"Il apparaît tout d’abord que le terme de convois recouvre les seuls transports de corps après mise en bière effectués sur le territoire de la commune qui a institué une telle taxe et à la condition qu’ils soient réalisés avec pompes ou cérémonie. De plus la taxe de crémation ne concerne que les communes sur lesquelles un crématorium est installé.
En outre, la taxe d’inhumation est également due, le cas échéant, en cas de dépôt d’une urne cinéraire dans une sépulture, un caveau ou une case de columbarium situés dans le cimetière communal. Elle est aussi exigible, dans le cas où un corps est réinhumé à la suite d’une exhumation réalisée à la demande du plus proche parent du défunt, conformément à l’art. R. 2213-40 du CGCT".
Enfin, le législateur n’a pas autorisé les communes à voter une taxe sur les exhumations.
Dans une réponse à question, Joan 21 juin 1999, p 3855, le ministre de l’Intérieur a précisé que les taxes communales afférentes aux convois, inhumations et crémations étaient limitativement énumérées dans la loi. De ce fait, une taxe d’ouverture d’un caveau qui s’ajouterait à celle de l’inhumation, serait illégale.
Toutefois, il semblerait que cette réponse à question écrite ne s’adresse qu’à la perception d’une taxe communale et qu’elle ne saurait concerner en rien les prestations accomplies par les opérateurs funéraires lors de l’ouverture de sépultures qui sont normalement rémunérées en tant que redevances ou prix pour services rendus, éligibles à la TVA, au taux de 19,60%.
Sur la nature juridique de ces taxes et leurs modalités de calcul, un jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 25 mars 2008 a apporté d’intéressantes précisions sur l’ordonnancement juridique jusqu’alors établi, que j’avais abondamment commenté dans Résonance de mai 2008, n° 40.
En effet, il résulte d’une réponse écrite du ministre de l’Intérieur du 22 mars 1999, Joan, p.1754, que "la loi prévoit de manière limitative la perception des taxes communales sur les opérations de convoi, d’inhumation et de crémation.
Ces taxes constituent des prélèvements de nature fiscale votés par le conseil municipal.
Elles se distinguent des redevances perçues par les communes en application de l’art. L. 2223-15 du CGCT, correspondant au prix des concessions funéraires".
La loi distingue donc, deux types de recettes communales, la taxe de nature fiscale dont le tarif est, en principe, librement délibéré par l’assemblée communale, et la redevance, également fixée par cette assemblée, correspondant à la rémunération d’une prestation de service funéraire, donc pour service rendu.
Force est donc de constater que les taxes communales ont bien une existence réelle et que le conseil municipal dispose de toute liberté pour les instaurer, sans être tenu par une quelconque obligation.
Sur leur justification :
À titre liminaire, il convient de rappeler que le service funéraire est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes, tel que cela résulte de l’art. 9 (L. 2223-27 du CGCT) ainsi libellé :
"Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l’art. 1er (L. 2223-19 du CGCT) n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend en charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques".
Ces dispositions ont donné lieu à un débat fourni, alimenté, il est vrai, par une importante doctrine.
En effet, ce débat porte sur le fait que la loi s’est écartée de la notion ancienne d’indigent, restrictive, puisqu’elle supposait l’inexistence totale de revenus, pour adopter celle plus large de personnes dotées de revenus insuffisants, qui a engendré un processus d’augmentation des demandes de prise en charge des frais d’obsèques par les communes, qui n’a pas laissé indifférent au moins trois de nos parlementaires, dont les sénateurs Jean Louis Masson et Jacques Maheas, qui ont interpellé les 3 juin 2004 et 19 janv. 2006, M. le ministre de l’Intérieur, afin de mettre en exergue le manque d’équité financière de cette disposition de la loi, sans cependant dénier la logique de solidarité qui l’a initiée.
Sur le fond l’argumentaire de ces deux questions était le même : la présence d’hôpitaux sur le territoire d’une commune, qui entraîne de nombreux décès d’indigents ou de personnes dépourvues de revenus suffisants, sans lien direct avec la commune autre que celle du lieu du décès.
Invariablement la réponse ministérielle est axée sur les arguments suivants :
"Il résulte de l’ensemble des dispositions du CGCT, qu’il appartient aux communes de prendre en charge les frais occasionnés par les obsèques des indigents. Au plan financier, il faut rappeler que l’État participe aux dépenses d’intérêt général des collectivités locales, en particulier aux charges globales de fonctionnement des communes à travers la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), dans laquelle a été incluse la subvention à titre de participation de l’État aux dépenses d’intérêt général, qui était accordée aux communes antérieurement à la loi n° 79-3 du 3 janv. 1979, portant création de la DGF.
L’accroissement des coûts de fonctionnement des collectivités est indirectement pris en charge par la revalorisation annuelle de la DGF, dotation globale et libre d’emploi, qui s’inscrit dans l’esprit de la décentralisation.
Enfin, le maire a la possibilité sur le fondement de l’art. R. 2342-4 du CGCT, de poursuivre contre les enfants du de cujus, le recouvrement des frais engagés par la commune en dressant un état. Les frais funéraires sont des dettes de succession qui doivent être prélevées sur l’actif successoral. Ils sont garantis par un privilège placé par l’art. 2101 du Code Civil (désormais art. 2331-2°) au deuxième rang des privilèges généraux, qui s’exercent sur les meubles et les immeubles. Il n’est donc pas envisagé de faire évoluer le droit dans ce domaine".
Dans une troisième réponse faite à une question écrite du député UMP du Gard, M. Yvan Lachaud en date du 19 sept. 2006, le ministre reprend globalement le même argumentaire, en y ajoutant cependant une précision complémentaire, en rappelant qu’au plan financier les communes disposent de la possibilité d’instituer des taxes sur les convois, les inhumations ou crémations, au titre de l’art. L. 2223-22 du CGCT, ces fonds permettant indirectement de financer les dépenses obligatoires pour les obsèques des personnes indigentes (terme utilisé par le ministre).
À ce stade du développement de cette question, force est d’admettre que les solutions préconisées par le ministère de l’Intérieur pour la participation de l’État au financement de ces dépenses, concernent uniquement des recettes imputées au budget général de la commune.
Dans un tel contexte, serait-il légitime, voire légal de faire supporter au budget annexe d’une régie municipale ou intercommunale de pompes funèbres, gérées par un établissement public de coopération intercommunale, cas qui tend à se généraliser, voire d’une entreprise délégataire, même si le cahier des charges doit nécessairement le prévoir, tous les frais afférents à l’organisation des obsèques de personnes dépourvues de ressources suffisantes ?
En effet, les régies municipales ainsi que les entreprises délégataires ne bénéficient pas des allocations versées par l’État, ni du produit généré par les taxes funéraires communales.
Dans la plupart des grandes villes dotées d’importantes unités hospitalières publiques (CHU, CHR) ou privées, la tendance est à l’accroissement des décès des personnes en état de précarité, voire disposant de ressources insuffisantes. Les dépenses effectuées par la régie ou le délégataire, pour le compte de la commune, et les pertes de recettes qui en résultent seraient de nature à mettre en péril leur équilibre budgétaire, donc de conditionner leur existence.
Dans mon ouvrage, le "Traité de Législation et Réglementation Funéraire", publié aux Éditions Résonance, j’ai insisté sur le fait, que la notion de personnes dépourvues de ressources suffisantes nécessitait d’être mieux définie, car à l’inverse de l’indigence qui supposait l’absence totale de ressources, la situation des personnes dépourvues de ressources suffisantes devait être examinée au cas par cas, l’appréciation étant généralement opérée "intuitu-personnae".
En outre les redevables des frais funéraires, les signataires des bons de commande ou les conjoints ou enfants, qui ont tenus par des obligations alimentaires (articles 203 et 205 du Code Civil), ont tendance à étendre le bénéfice de cette clause à leur propre situation pécuniaire pour s’exonérer des responsabilités qui leur incombent.
La ville de Paris, à la suite d’un rapport volumineux dressé par les services de l’Inspection générale, a mis en œuvre un dispositif par lequel le budget de la commune verse une participation forfaitaire à son délégataire, la SEM "Services Funéraires de la Ville de Paris", créée en 1998, afin de compenser les pertes liées à la prise en charge des obsèques des personnes à revenus insuffisants, qui a donné lieu à un vif débat avec la chambre régionale des comptes de l’Île-de-France.
La position du maire de la capitale n’était pas dénuée d’intérêt dès lors qu’elle se référait au principe général du droit qu’est l’égalité de tous les citoyens devant les charges publiques, en rejetant le risque de faire supporter par les usagers du service funéraire public, les charges inhérentes aux obsèques des personnes dotées de revenus insuffisants, alors que les positions ministérielles ont toujours mis en avant les financements dont sont dotées les communes pour faire face à de telles dépenses.
En d’autres termes, la ville de Paris a privilégié la solidarité entre tous ses citoyens, et point un alourdissement inévitable des tarifs de sa société d’économie mixte, dès lors qu’elle aurait dû assumer intégralement, à partir de ses propres recettes, l’organisation des obsèques "gratuites".
C’est sur ces bases que la ville de Marseille a accordé à la régie municipale des pompes funèbres une participation financière à l’occasion de l’organisation d’obsèques de personnes dépourvues de ressources suffisantes, étant toutefois précisé, qu’il a été également fait application des dispositions du CGCT applicables aux services industriels et commerciaux, organisés en régies communales, permettant au conseil municipal d’octroyer des aides exceptionnelles dès lors que les obligations de service public imposées aux régies dépassent un seuil admissible.
Mais depuis l’intervention du décret du 28 janv. 2011, la perception par les communes de ces taxes instaurées par leurs conseils municipaux, rencontre de sérieuses difficultés, avec la suppression du régime des autorisations du maire jusqu’alors en vigueur, et remplacées par un régime de déclaration opérées par tout moyen, pour les opérations funéraires les plus régulièrement sollicitées, soit :
Les soins de conservation des corps, le transport des corps avant mise en bière, le transport des corps après mise en bière sur le territoire métropolitain ou des départements de l’outre-mer, l’admission en chambre funéraire, les moulages, les transports des corps vers des établissements de santé, de formation, d’enseignement ou de recherche, les transports de corps vers un établissement de santé, pour la réalisation de prélèvements à des fins thérapeutiques.
Or, jusqu’alors, le dépôt de dossiers afférents à ces opérations, comportant toutes les pièces requises par le CGCT, s’effectuait auprès des services municipaux compétents, ce qui induisait une relation physique entre l’opérateur et l’agent communal, propice à l’établissement d’un bordereau de taxation, qui était ensuite présenté soit au régisseur d’avances et de recettes de la commune, soit, à défaut, au receveur municipal.
Désormais, une déclaration préalable est effectuée, par tout moyen, auprès du maire compétent, qui indique la date et l'heure présumée de l'opération, le nom et l'adresse de l'opérateur dûment habilité qui procède à celle-ci, faisant référence à la demande de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. C’est l’opérateur funéraire qui est garant de la constitution du dossier, et qui doit le conserver durant une période de cinq ans.
Le fait de l’autoriser à effectuer cette déclaration par tout moyen, y compris par télécopie, anéantit la relation physique avec les agents communaux, et diffère l’émission du bordereau de taxation, qui dans la plupart des cas, est remplacé par un titre de recette, émis auprès du receveur municipal, tout autant que la formalité de déclaration a bien été effectuée dans les règles, ce qui a pour conséquence de retarder le recouvrement de cette recette, voire d’alourdir les formalité, le receveur municipal, agent du trésor, devant mettre en œuvre des procédures de perception, longues et souvent onéreuses.
Cet aspect des difficultés collatérales du nouveau régime semble avoir mal été appréhendé par les rédacteurs du décret du 28 janv. 2011, malgré l’avis en date du 18 mars 2010 du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF), au sein duquel les administrations communales sont, à notre avis, sous représentées.
Il nous apparaît, dans de telles conditions, que ce nouveau régime devrait faire l’objet d’une adaptation, afin de garantir l’intérêt général qui a présidé à l’instauration des taxes funéraires, dont on sait que leur finalité est d’offrir aux communes les moyens financiers pour faire face à leurs obligations de solidarité dans la prise en charge des obsèques des personnes décédées, dépourvues de recettes suffisantes.
Jean-Pierre Tricon
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