Les conflits familiaux sont le plus souvent ceux paraissant les plus odieux tant les passions se déchaînent dans le domaine de l’intime. Cacher à des parents le lieu de sépulture de leur fils est-il moralement envisageable ? Pour surprenantes qu’elles paraissent, les solutions proposées par le ministre de l’Intérieur semblent s’accorder avec les règles de la communication des documents administratifs, communication pourtant strictement encadrée par la CADA.


À la députée Marie-Jo Zimmermann qui l’interrogeait sur le cas de parents dont le fils est décédé mais dont l’épouse du fils a fait procéder à l’incinération et refuse d’indiquer aux parents à quel endroit l’urne funéraire est déposée, le ministre de l’Intérieur - à qui il était demandé si les parents disposent d’un moyen pour obliger leur belle-fille à leur indiquer l’endroit où se trouvent les cendres de leur fils - apporte une réponse qui paraît efficace.

 

Une solution : retrouver les autorisations funéraires délivrées

 

En effet, selon le ministre (Rép. min. n° 5302, JO AN Q, 1er janv. 2013, p. 99) :
"En vertu des dispositions du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), une inhumation ne peut avoir lieu sans l’autorisation du maire. En effet, l’art. R. 2213-31 de ce Code prévoit que "toute inhumation dans le cimetière d’une commune est autorisée par le maire de la commune du lieu d’inhumation". Concernant les cendres, les articles L. 2223-18-1 et suivants du même Code prévoient que c’est la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles qui décide de leur destination. Celles-ci peuvent, soit être conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur du cimetière ou d’un site cinéraire, soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire, soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques. L’art. R. 2213-39 du CGCT prévoit que "le placement dans une sépulture, le scellement sur un monument funéraire, le dépôt dans une case de columbarium d’une urne et la dispersion des cendres, dans un cimetière ou un site cinéraire faisant l’objet de concessions, sont subordonnés à l’autorisation du maire de la commune où se déroule l’opération". Dans les sites cinéraires ne faisant pas l’objet de concessions, le dépôt d’une urne est subordonné à une déclaration préalable auprès du maire de la commune d’implantation du site cinéraire (art. R. 2223-23-3 du Code précité). En cas de dispersion des cendres en pleine nature, une déclaration est faite auprès de la mairie de la commune du lieu de naissance du défunt. L’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion de ses cendres sont inscrits sur un registre créé à cet effet (art. L. 2223-18-3 du Code précité). Il n’existe aucune disposition juridique permettant aux proches du défunt, lorsqu’un conflit familial existe, de contraindre la personne ayant qualité pour pouvoir aux funérailles à les informer sur le lieu de sépulture. Cependant, il résulte des dispositions précitées que plusieurs formalités sont accomplies au moment de l’inhumation d’un corps ou d’une urne cinéraire, de la crémation et de la décision relative à la destination des cendres en fonction des choix opérés par la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. Les proches ont alors la possibilité de se rapprocher des autorités communales auprès desquelles ces formalités ont été accomplies afin d’obtenir les informations sur la destination des cendres du défunt".

 

Quelle qualité pour une telle demande ?

 

La réponse pourrait surprendre. En effet, sur quel fondement la formulation d’une demande de communication des documents évoqués interviendrait-elle ? Dans un récent avis (n° 20125091), en date du 24 janvier 2013, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) a rappelé les règles applicables à la communication des documents qu’évoque le ministre de l’Intérieur dans sa réponse. Il paraît des plus clair que les parents du défunt qui n’ont a priori nullement accès aux documents relatifs à l’utilisation d’une sépulture qu’aurait acquise leur ex-bru, se trouveraient néanmoins dans une situation où une telle communication leur sera reconnue.

 

Un lien de parenté et un intérêt légitime suffisent !

 

En effet, la CADA rappelle (voir le texte intégral de l’avis reproduit en annexe) que le lien de parenté et un intérêt légitime permettent de dépasser l’absence de qualité d’indivisaire de la sépulture et ouvre indubitablement aux parents l’accès aux différentes autorisations délivrées à l’occasion de la crémation de leur fils.

 

Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.

 

Commission d‘Accès aux Documents Administratifs (CADA)
Le Président
 
Avis n° 20125091 du 24 janvier 2013
 
Madame X…  a saisi la commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 17 déc. 2012, à la suite du refus opposé par le maire de La Garenne-Colombes à sa demande de communication d’une copie des autorisations suivantes, accordées en 2007 à un tiers par la mairie de La Garenne-Colombes :
1) l’autorisation d’exhumation du corps de son fils, M. X…, décédé le 8 sept. 2003 à l’âge de quarante-quatre ans ;
2) l’autorisation de transfert de corps et l’autorisation d’inhumation à Limoges.
 
Après avoir pris connaissance de la réponse de l’administration, la commission rappelle que les autorisations d’inhumation, d’exhumation et de transfert du corps d’un défunt, ainsi que les pièces du dossier qui les accompagnent, notamment les demandes adressées à la commune, constituent des documents administratifs au sens de l’art. 1er de la loi du 17 juil. 1978. Elle estime toutefois que, eu égard aux mentions que comportent de tels documents, qui touchent à la vie privée, les dispositions du II de l’art. 6 de cette loi font obstacle à leur communication à des tiers, seuls les "intéressés" pouvant y avoir accès.
 
La commission relève que, en vertu des dispositions de l’art. L. 2222-13 du CGCT, les concessions funéraires sont accordées "aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celles de leurs enfants et successeurs". À défaut d’intention contraire manifestée par son fondateur, la concession se transmet donc à l’ensemble de ses enfants ou successeurs sous la forme d’une indivision perpétuelle. Chaque indivisaire dispose des mêmes droits sur la concession, et tout acte de gestion la concernant doit recevoir l’accord de l’ensemble des indivisaires. La commission déduit de ce régime juridique particulier applicable aux concessions funéraires que chaque indivisaire de la concession a la qualité d’intéressé au sens du II de l’art. 6 de la loi du 17 juil. 1978, sur l’ensemble des documents se rapportant à la gestion de celle-ci tels que les autorisations d’inhumation et d’exhumation. La commission estime également que les autorisations d’inhumation, d’exhumation et de transfert d’un corps sont communicables aux ayants droit du défunt et aux membres de la famille proche qui n’auraient pas la qualité d’indivisaire de la concession concernée par l’opération autorisée, à condition qu’ils justifient de leur qualité, au besoin en produisant des actes d’état civil, et d’un motif légitime pour obtenir une telle communication.
 
Au cas présent, la commission constate que les autorisations d’inhumation, d’exhumation et de transport ont été délivrées en 2007 sur demande de la veuve du fils de Mme X… . Elle note, au vu des pièces du dossier, que Mme X… n’a pas la qualité d’indivisaire de la concession située à la Garenne-Colombes où a été initialement inhumé puis exhumé la dépouille de son fils non plus que de la concession située à Limoges où a été inhumé le corps à la suite de son transfert. Elle relève cependant que Mme X…, qui habite La Garenne-Colombes, cherche à obtenir le retour de la dépouille de son fils dans le caveau d’origine ou dans le caveau familial. Ainsi, la commission estime qu’elle justifie d’un intérêt légitime pour obtenir la communication des autorisations demandées. En conséquence, elle émet un avis favorable sur la demande, à la condition que Mme X… justifie de son lien de parenté avec le défunt.
 
Pour le président,
Le rapporteur général adjoint
Philippe Blanc
 
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