La thanatopraxie sort à peine d’une période de turbulences dont il est grand temps de tirer les enseignements.Au cœur de la polémique, on retrouve encore et toujours l’organisation des examens, à tel point que ce Graal qu’est devenu le diplôme national a fini par éclipser totalementle métier en lui-même.

 

20190109 145509J’ai fait partie de ce jury qui a demandé la mise en place du numerus clausus, et à l’époque, la situation générale imposait ce type de mesure, mais nous avons à présent suffisamment de recul pour constater que c’était une mauvaise solution. Non seulement le prix des soins facturés aux pompes funèbres est toujours en chute libre et les conditions de travail des thanatopracteurs ne cessent de se dégrader, mais surtout, force est de constater que la sélection opérée par ce concours n’est pas la bonne.J’ai fait partie de ce jury qui a demandé la mise en place du numerus clausus, et à l’époque, la situation générale imposait ce type de mesure, mais nous avons à présent suffisamment de recul pour constater que c’était une mauvaise solution. Non seulement le prix des soins facturés aux pompes funèbres est toujours en chute libre et les conditions de travail des thanatopracteurs ne cessent de se dégrader, mais surtout, force est de constater que la sélection opérée par ce concours n’est pas la bonne.

Nous sommes avant tout des techniciens, savoir placer 70 ou 80 artères sur un schéma ne sert à rien si nous sommes incapables de les extérioriser. Pour faire des soins, il faut des connaissances théoriques et de la dextérité. Et tellement d’autres qualités humaines, du courage, de la débrouillardise, de la sensibilité… 

Ce métier est pénible, il faut savoir endurer la fatigue, la douleur et la frustration. Pour paraphraser Didier Lamendin, dont le passage dans l’émission "Vis ma vie" a suscité une vague de vocations dans les années 2000, la pratique de la thanatopraxie demande "de l’humanité". Être en tête de classement ne garantit en rien à l’heureux candidat qu’il fera un jour carrière dans cette profession. On ne compte plus les brillants élèves qui finissent par jeter l’éponge une fois sur le terrain, alors que de très bons éléments se voient barrer la route par ce concours.

Je ne prétends pas détenir la solution miraculeuse qui sortira la thanatopraxie de l’ornière, mais, si je fais un rapide bilan de ces vingt dernières années, je ne peux que constater que les thanatopracteurs diplômés avant la réforme de 2010, qui ont commencé leur stage pratique en même temps que les cours théoriques, souvent en alternance, sont bien plus nombreux à avoir tenu sur la durée. Il faut remettre la thanatopraxie et les thanatopracteurs à leur place, et revenir à l’essence de la profession.

Apprendre et comprendre

Dans cette optique, j’encourage les élèves à demander des stages d’immersion avant leur formation théorique, pour se rendre compte de la réalité du métier, et également pendant la préparation du concours. Apprendre, c’est obligatoire, mais comprendre, c’est essentiel. C’est pourquoi les portes de mon entreprise sont toujours ouvertes à mes élèves. Dans ce cadre, j’ai reçu pour quelques jours Lina et Steven, candidats au concours 2019, qui ont accepté de me faire part de leur ressenti . Pour Lina, qui n’avait jamais eu l’occasion d’assister à des soins de conservation, ce stage d’immersion a été l’occasion d’être en contact avec de "vrais" défunts, et non simplement de les "imaginer", et ainsi de tester sa capacité à s’adapter et à supporter la réalité du métier comme les corps en mauvais état et les différentes sensations tactiles, auditives et olfactives qui sont souvent agressives pour les novices. Il s’agit non plus d’images, mais de cas concrets.  Cette expérience lui a également permis d’avoir une vision plus globale de la thanatopraxie et d’en apprécier les résultats à leur juste valeur, avec le sentiment d’avoir participé à présenter "dignement" le défunt pour son dernier voyage, mais aussi d’avoir aidé ses proches, puisqu’ils garderont en mémoire cette image apaisante, ce qui les aidera dans leur processus de deuil. 

C’était aussi l’occasion d’être au contact du monde funéraire dans son ensemble, et surtout de compléter son apprentissage autrement qu’à travers les livres et les cours théoriques. Il est plus facile ainsi d’assimiler l’anatomie, les soins de conservation, les toilettes mortuaires et la réglementation funéraire. 

Elle en retire que : "Pour être thanatopracteur, il ne faut pas seulement être bon en théorie, il faut être armé de sang-froid, être débrouillard, avoir de la force physique, un bon équilibre mental, être dévoué, discret, respectueux et toujours avide d’apprendre. Je sais à présent, grâce à ce stage, que j’ai fait le bon choix concernant mon futur métier".

Son ressenti est partagé par Steven, à qui je laisse le soin de conclure : "Après avoir suivi une formation théorique pour accéder au diplôme de thanatopracteur, j’ai eu la chance d’effectuer un stage en immersion dans une petite entreprise de thanatopraxie, ce qui m’a fortement conforté dans mon choix de métier. En effet, cette immersion en entreprise a été très importante dans l’apprentissage de ce métier très intense. Lorsque nous sommes confrontés à la réalité du terrain, on se rend vite compte que ce métier n’est pas un métier comme les autres, notamment au niveau de la difficulté physique. 

Le thanatopracteur est amené à manipuler des défunts de toutes corpulences pour les habiller et les installer seul. Il doit également savoir gérer ses émotions et faire face à des situations toutes différentes les unes des autres et parfois très inattendues, comme des vêtements trop petits ou un circuit artériel dégénéré. En bref, le thanatopracteur doit être doté d’un grand panel de qualités, et se montrer disponible et réactif à tout moment, car la mort n’attend pas. Ce travail me semble extrêmement utile pour le travail de deuil des familles, car c’est ainsi qu’elles garderont une image apaisée du défunt, ce qui facilitera leur acceptation de ce passage de la vie à la mort".

Claire SarazinSarazin Claire 2017
Thanatopracteur
Formatrice en thanatopraxie

Résonance n°146 - Janvier 2019

Instances fédérales nationales et internationales :

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