La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 a apporté un éclairage nouveau sur les dispositions législatives permettant d’assurer la protection des éléments du corps humain, en étendant ces dispositions aux cendres d’un corps "crématisé", leur conférant désormais un véritable statut juridique.
C’est ainsi que l’art. 16-1-1 a été créé dans le Code civil, spécifiquement pour les cendres, ainsi libellé :
"Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traitées avec respect, dignité et décence".

Qu’en était-il des autres dispositions contenues dans le Code civil relatives à la protection du corps humain ?

Ainsi, l’art. 16, disposait :
"La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie".

L’art. 16-1, prescrivait :
"Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments, ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial".

L’art. 16-10, mentionnait :
"L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique.
Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen, après qu’elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l’examen. Il est révocable sans forme et à tout moment".

L’art. 16-11 :
"L’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique.
En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l’intéressé doit être préalablement et expressément recueilli".
Il en résulte donc que, sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort.
"Lorsque l’identification est effectuée à des fins médicales ou de recherche scientifique, le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’identification, après qu’elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l’identification. Il est révocable sans forme et à tout moment".

L’art. 16-12 :
"Sont seules habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques les personnes ayant fait l’objet d’un agrément dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Dans le cadre d’une procédure judiciaire, ces personnes doivent, en outre, être inscrites sur une liste d’experts judiciaires".
L’art. 16-13 :
"Nul ne peut faire l’objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques".
Ces protections sont d’ordre public et devraient inciter les personnes qui ont une relation professionnelle avec la mort, dont particulièrement les opérateurs funéraires, à demeurer vigilantes quant aux prestations commerciales qu’elles seraient tentées de développer autour des éléments du corps humain, notamment dans un souci d’en perpétuer la mémoire.

Dans l’hypothèse où la finalité d’une telle démarche serait fondée, éventuellement, sur une possible exploitation des éléments du corps conservés pour une recherche d’ADN, celle-ci se heurterait au respect des lois civiles dont :

- 1° Les dispositions de l’art. 16-1 du Code civil en ce qui concerne les éléments du corps humain qui ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial.

Sur le contenu du droit patrimonial :
Il est très diversifié et porte sur le patrimoine moral, écrit, génétique, culturel. Les biens patrimoniaux sont compris dans le patrimoine de son titulaire (le défunt) ; ils sont intransmissibles selon les modes ordinaires du droit commun. L’exploitation à des fins commerciales du patrimoine génétique est donc prohibée par l’article 16-1 du Code civil, puisque chaque individu est tenu de respecter le droit de son titulaire.

- 2° Nous nous attarderons, également, sur l’art. 16-10 du Code civil, dont l’énoncé est le suivant :
"L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique".

Le fait que le consentement exprès de la personne doive être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen, n’enlève rien à la portée de l’alinéa 1er de cet art. 16-10 du Code, les risques d’utilisation à d’autres fins des éléments du corps humain, contenant des empreintes génétiques, susceptibles de porter atteinte au respect des droits de la personne post mortem, telle une utilisation pour une recherche de paternité, étant particulièrement prohibés.
Par ailleurs le consentement de la personne concernée par les prélèvements doit s’inscrire dans la finalité de l’alinéa 1er : les examens ne peuvent être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique.

L’art. 16-11 consolide ce dispositif protecteur :
"L’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique.
En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides.
Le consentement de l’intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort…".

C’est donc uniquement dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentée lors d’une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique, que l’utilisation d’éléments du corps, comportant des empreintes génétiques, peut être entreprise.
Il en va de même en matière civile, l’exécution d’une mesure d’instruction consistant en un préalable indispensable ravalant l’accord de l’intéressé au second plan.

Sur l’art. 16-13 du Code civil, l’utilisation des éléments du corps humain comportant les caractéristiques génétiques peut donner lieu à un risque de discrimination.

Le Code de la santé publique (CSP)

Nous circonscrirons notre réflexion à l’art. L. 1131-1, qui prescrit :
"L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par empreintes génétiques sont régis par les dispositions du chapitre II du Titre 1er du Livre 1er du Code civil et par les dispositions du présent titre".
Le fait d’assujettir ces règles de santé publique au Code civil, souligne la force juridique de ce dernier. Sans entrer dans des détails superflus, les dispositions de CSP s’appliquent uniquement au diagnostic d’une anomalie génétique, qui nécessite l’accord du patient ou de son représentant légal, et constitue une obligation pour ce dernier afin d’éviter que sa responsabilité ne soit engagée en cas de transmission de ces anomalies.
Dès lors, force est de constater que le Code de la santé publique assure la primauté des règles du Code civil, amplement analysées, supra.

Le Code pénal

Ses dispositions d’ordre public sont particulièrement sévères.
Ainsi en vertu de l’art. 226-25 :
"Le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins autres que médicales ou de recherche scientifique, ou à des fins médicales ou de recherche scientifique, sans avoir recueilli préalablement son consentement dans les conditions prévues à l’art. 16-10 du Code civil, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende".
Une fois de plus, ce Code fait référence au Code civil (art. 16-10), mais également limite l’utilisation des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins médicales ou de recherche scientifique.
L’art. 226-26 renforce ce dispositif coercitif :
"Le fait de détourner de leurs finalités médicales ou de recherche scientifique les informations recueillies sur une personne au moyen de l’examen de ses caractéristiques génétiques est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende…
La conservation d’un élément du corps humain, peut donner lieu à détournement de sa destination première, donc en cas d’utilisation illégale, à une exposition à ces sanctions.
L’art. 226-27 s’inscrit dans un sens identique à la prohibition "de l’identification d’une personne à des fins médicales ou de recherche scientifique par ses empreintes génétiques, sans avoir recueilli son consentement dans les conditions prévues à l’art. 16-11 du Code civil".
Ce délit est passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 €.
Finalité médicale et recherche scientifique sont les maîtres mots de ces dispositifs légaux.
L’art. 226-28 :
"Le fait de rechercher l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques à des fins qui ne seraient ni médicales ni scientifiques ou en dehors d’une mesure d’enquête ou d’instruction diligentée lors d’une procédure judiciaire, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Est puni d’une même peine, le fait de divulguer des informations relatives à l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ou de procéder à l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques sans être titulaire de l’agrément prévu à l’art. L. 1131-3 du CSP".
L’art. 226-29 rend éligibles les tentatives des infractions aux articles précités aux mêmes peines que celles applicables à l’auteur principal.
Est également intéressant l’art. 226-30, applicable aux personnes morales, telles les sociétés commerciales :
"Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’art. 121-2, des infractions définies à la présente section.
Les peines encourues pour les personnes morales sont :
- 1° L’amende, suivant les modalités prévues à l’art. 131-38 ;
- 2° Les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 7°, 8°, 9° de l’art. 131-39.
L’interdiction mentionnée au 2° de l’art. 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise".
Outre le fait que les initiatives allant à l’encontre de l’ensemble du dispositif législatif interdisant l’utilisation des empreintes génétiques à des fins autres que médicales ou scientifiques, telle l’identification d’un défunt, peuvent donner lieu à la condamnation pénale d’une personne morale, l’art. 131-38 aggrave le montant de l’amende pour le porter à un maximum du quintuple de celui applicable aux personnes physiques, et l’art. 131-39 prévoit toute une série de sanctions à l’égard de la personne morale, allant de la dissolution à l’interdiction d’exercer, soit à titre définitif soit pour une durée de cinq ans, directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales.
D’autres peines complémentaires sont également prévues par ce texte.

Conclusion

La force juridique des prescriptions, notamment celles du Code civil et du Code pénal, destinées à assurer une limitation drastique de l’utilisation des éléments du corps humain, desquels une empreinte génétique pourrait être décelée, quelle que soit sa destination, est particulièrement prégnante, et ne peut faire l’objet de concession.
Toutefois, le juriste se doit également de participer à une œuvre constructive, en apportant sa pierre à l’édification de l’ouvrage légal ou réglementaire.

Ainsi, pour ceux qui seraient tentés de créer un produit nouveau, reposant sur la conservation d’un élément du corps humain, ces interdictions pourraient, peut-être, être aménagées, en faisant préalablement intervenir, de son vivant, le consentement de la personne qui serait favorable au prélèvement d’un élément de son corps à l’issue de son décès.

Il conviendrait, également, d’établir soit une convention, soit un protocole de charte déontologique qui serait signé par la personne concernée, autorisant expressément ce prélèvement.

L’art. 16-1 du Code civil ne prescrit-il pas  :

"Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort…" ?

Bien évidemment, ces quelques réflexions mériteront de plus amples développements, mais à leur stade actuel, elles nous paraissent suffisantes pour sensibiliser le lecteur, souvent un professionnel du funéraire, ou un membre d’une administration territoriale, sur les risques directs ou collatéraux, qui gravitent autour de la conservation, voire l’exploitation d’un élément du corps humain.

Jean-Pierre Tricon

Instances fédérales nationales et internationales :

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