Dans ce cas précis, la famille d'une personne décédée appartenant aux gens du voyage, accablée par le chagrin et le poids de la tradition, a préféré s'accommoder avec la loi.
Un groupe d'une dizaine de personnes qui veillait l'un des leurs, décédé quelques heures plus tôt à l'Institut Paoli-Calmettes, spécialisé dans le traitement du cancer, n'a pas attendu l'arrivée d'un fonctionnaire de police, pour opérer le transport du corps avant mise en bière.
Un dimanche peu avant minuit, tous ont finalement décidé de repartir dans le camp de Berre-L'étang, en transportant le corps dans un véhicule particulier, afin d'entamer au plus vite la célébration de leurs rites funéraires.
Alertée, l'administration de l'hôpital ne s'y est pas opposée, mais pouvait-elle faire autrement, car comme se plaisait à le rappeler le Doyen Maestre, éminent professeur de droit administratif à la Faculté de Droit et Sciences Économiques d'Aix-en-Provence, "Le droit s'arrête là où commence la violence".
La police alertée a fait œuvre d'impuissance
Le corps n'a pu être localisé que le lundi matin, lorsque la famille s'est présentée à la mairie pour déclarer le décès en vue de l'établissement de l'acte et de la délivrance de l'autorisation de fermeture du cercueil, voire du permis d'inhumer.
L'administration municipale a signalé l'anomalie au procureur de la République de Marseille, compétent en matière d'état civil, puisque, il convient de le rappeler, l'officier d'état civil d'une commune agit en qualité d'agent de l'État, le contentieux de l'état civil étant d'abord de la compétence du parquet, puis en cas de modification des mentions originales figurant sur l'acte de décès, du Tribunal de Grande Instance, saisi par le procureur, s'agissant d'une action d'état.
Le parquet a préféré classer cette affaire "sans suite".
L'autorité judiciaire a pourtant rappelé que "Lorsqu'un corps part d'un hôpital pour aller dans une autre commune, il est nécessaire de poser un bracelet, cela afin d'établir clairement l'origine et l'identité du défunt. Sinon on s'expose à des problèmes".
Le délégué du syndicat Force Ouvrière de l'hôpital Paoli-Calmettes, a dédramatisé le débat dans ses déclarations : "Il vaut mieux ne pas brusquer la famille, car il faut forcément prendre en compte le deuil des gens. On n'allait pas faire opposition à leur décision. Mais il y a eu non-respect de la procédure administrative et il fallait absolument éviter tout risque d'échange de corps".
Pour le parquet de Marseille, la décision de partir aussi précipitamment a vraisemblablement été dictée par la force du rite funéraire, très marquée dans la culture gitane.
Pour le président de l'Association Ententes Tziganes "Lorsqu'un décès survient, toute la famille doit se rassembler autour du mort. Il peut y avoir des gens venus de la France entière et même de l'étranger dans certains cas. C'est très fort pour eux, avec une solidarité considérable. C'est pourquoi il faut rapatrier le corps au plus vite dans la cellule familiale. Pour eux c'est une cérémonie plus importante que le baptême ou le mariage, qui dure plusieurs jours".
Cet incident met en relief l'inadéquation patente des dispositions réglementaires applicables au transport de corps avant mise en bière, dès lors que celui-ci doit être effectué dans des délais très courts (24 h si le corps n'a pas subi de soins de conservation et 48 h dans le cas inverse).
De surcroît le décret n°2002-1065 du 5 août 2002, a modifié considérablement les conditions de ces transports, en instaurant un nouvel article R. 2213-7, dans le Code général des collectivités territoriales, dont l'application fut particulièrement ardue, nécessitant une circulaire en date du 4 nov. 2002, DGCL, NOR LB 0210026 C et une réponse du ministre de l'Intérieur, en date du 30 déc. 2002, à la question écrite de M. Bruno Gilles, député des Bouches-du-Rhône.
Le ministre a clarifié la notion de lieu de dépôt initial du corps par rapport à celle de lieu où le corps est transporté, qu'il s'agisse du domicile du défunt, de la résidence d'un membre de sa famille et, enfin, d'une chambre funéraire.
La principale novation de ce texte a été la suppression de l'autorisation du maire du lieu de dépôt initial pour autoriser ce transport, uniquement lorsque celui-ci ne s'opère pas hors des limites de la commune du lieu de décès (transport intra-muros).
En revanche, l'autorisation du maire est nécessaire lorsque le transport d'un corps avant sa mise en bière est nécessaire si celui-ci entraîne le franchissement des limites du territoire communal.
Notons, également, qu'en vertu dudit décret, le deuxième transport du lieu de dépôt initial vers un autre site (domicile du défunt ou résidence d'un membre de sa famille, chambre funéraire), doit faire l'objet d'une autorisation municipale, compétence attribuée au maire du lieu de dépôt du corps.
Une atteinte aux pouvoirs du maire de la commune a été également introduite par le décret du 5 août 2002 : quand le décès survient en milieu hospitalier, le chef d'établissement, lorsque celui-ci est tenu de disposer d'une chambre mortuaire (constatation de 200 décès en moyenne/an, calculée sur la base des trois dernières années écoulées), est désormais seul compétent pour autoriser le transport du corps du défunt vers la chambre mortuaire attachée à l'hôpital.
Dans ce cas, il doit adresser sans délai, au maire de la commune, copie de son accord. Cette autorisation n'est plus considérée comme un acte de police, mais comme un mouvement interne à un même établissement de santé, même s'il est partagé entre plusieurs sites, éloignés les uns des autres.
Cette disposition ne pouvait s'appliquer dans le cas particulier de l'Institut Paoli-Calmettes de Marseille, dès lors que cet établissement est équipé d'une chambre mortuaire, en raison de son niveau général de mortalité.
Cette affaire qui a défrayé la chronique, met en exergue d'une part, les insuffisances du régime des autorisations administratives afférentes aux transports de corps avant la mise en bière, et d'autre part, l'absence de sanctions pénales.
En ce qui concerne la mise en œuvre des procédures administratives : la brièveté des délais, la fermeture des services administratifs des mairies (leur ouverture est en moyenne journalière de huit heures), l'indisponibilité des fonctionnaires de police, notamment de la police nationale dans les communes où cette police est étatisée, les restrictions résultant des samedis et dimanches, voire les jours fériés, constituent un obstacle majeur pour une parfaite régulation et fluidité de la délivrance des autorisations de transport.
On comprend, dès lors, que dans des situations extrêmes, des incidents puissent se produire, car dans la configuration des rites funéraires et des traditions tziganes, le conflit est inévitable, l'administration étant dans l'incapacité de répondre à ce cas d'urgence.
Le souci du législateur de simplifier les formalités afférentes à certaines opérations funéraires, notamment en matière de leur surveillance par l'autorité de police compétente, n'est pas allé jusqu'à prendre en compte ce type d'aléa familial et communautariste.
Lorsque la loi du 19 déc. 2008 a été promulguée, plusieurs auteurs en avaient déduit, en ce qui concernait le régime des vacations de police, que certaines opérations n'étaient plus assujetties à la surveillance et l'intervention de fonctionnaires de police, territorialement compétents.
Cette position était fondée à l'égard des modalités de la tarification, mais en revanche la circulaire NOR : IOCB091 5243 C en date du 14 déc. 2009 du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales (voir Résonance N°58, mars 2010), a dans son § 2, validé notre interprétation de la réforme des vacations funéraires, en vue de réduire le nombre de celles pesant sur le budget des familles, cependant, en se référant au CGCT, dans sa partie réglementaire, articles R. 2213-46 à R. 2213-51, les obligations de présence d'un fonctionnaire de police pour la pose du bracelet lors d'un transport d'un corps avant sa mise en bière ont été maintenues, même si, désormais, cette intervention ne donne plus lieu à perception d'une vacation auprès de la famille.
Au plan pénal : quelle qualification le procureur de la République pouvait-il donner au comportement des membres de la communauté gitane ?
Le recel de cadavre est à écarter dès lors qu'il s'adresse à toute personne qui cacherait le cadavre de la victime d'un meurtre.
Le cadavre bénéficie d'un droit à l'intégrité physique, inclus dans les droits de la personnalité, qui bénéficie à l'homme de son vivant, mais aussi après sa mort (article 16.1 du Code civil), dont les effets ont été étendus par la loi du 19 déc. 2008 à la protection des cendres cinéraires.
Pour autant le Code pénal offre-t-il les fondements d'une incrimination pour la réalisation d'un transport que l'on pourrait qualifier de "sauvage" ?
Jusqu'en 1992, le délit de violation de sépulture ne s'appliquait qu'à la notion de sépulture, les actes préparatoires en vue d'une inhumation ou d'une crémation n'entrant pas dans le champ de son application.
En 1992, le législateur a estimé nécessaire d'instituer une protection spécifique du cadavre humain. Les rédacteurs du nouveau Code pénal ont choisi d'insérer l'incrimination aux atteintes au cadavre dans la partie réservée aux crimes et délits contre les personnes. L'incrimination est la suivante : " Toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende (aujourd'hui 15 000 €)", article 225-17 du Code pénal.
L’infraction nouvelle permet de réprimer toutes les formes d’atteintes au corps d’un mort.
Le transport sans autorisation est-il, dans ce cas, concerné ?
À notre sens, la réponse est négative car le cadavre n’est pas une personne. S'il doit être protégé, c'est seulement par respect pour l'esprit qui l'a animé et qui avait, sur le destin de l'homme, après sa mort, des croyances impliquant une certaine attitude envers sa dépouille, ou encore par respect pour tous ceux qui aimaient la personne disparue, et dont l'affection demeure attachée à ses restes.
L'élément moral de l'infraction, si celle de l'atteinte à l'intégrité du cadavre avait été retenue, exclut toute volonté manifeste des membres de sa famille à lui nuire, à le dégrader, mais au contraire, le fait de l'avoir transporté chez ses parents ou proches de sa communauté, relevait de la volonté de l'honorer et de le respecter conformément aux rites de cette population.
Ce faisant, force est de constater que les dispositions légales ou réglementaires, actuellement en vigueur, ne sont pas de nature à permettre l'engagement de poursuites à l'encontre de celles ou ceux qui, animés par des intentions respectables, seraient tentés de soustraire à l'autorité municipale le transport d'un corps avant sa mise en bière.
Dans ce domaine, seule une intervention du législateur permettrait de modifier le régime applicable en cas de transgression des dispositions réglementaires relatives à la police municipale funéraire.
Un groupe d'une dizaine de personnes qui veillait l'un des leurs, décédé quelques heures plus tôt à l'Institut Paoli-Calmettes, spécialisé dans le traitement du cancer, n'a pas attendu l'arrivée d'un fonctionnaire de police, pour opérer le transport du corps avant mise en bière.
Un dimanche peu avant minuit, tous ont finalement décidé de repartir dans le camp de Berre-L'étang, en transportant le corps dans un véhicule particulier, afin d'entamer au plus vite la célébration de leurs rites funéraires.
Alertée, l'administration de l'hôpital ne s'y est pas opposée, mais pouvait-elle faire autrement, car comme se plaisait à le rappeler le Doyen Maestre, éminent professeur de droit administratif à la Faculté de Droit et Sciences Économiques d'Aix-en-Provence, "Le droit s'arrête là où commence la violence".
La police alertée a fait œuvre d'impuissance
Le corps n'a pu être localisé que le lundi matin, lorsque la famille s'est présentée à la mairie pour déclarer le décès en vue de l'établissement de l'acte et de la délivrance de l'autorisation de fermeture du cercueil, voire du permis d'inhumer.
L'administration municipale a signalé l'anomalie au procureur de la République de Marseille, compétent en matière d'état civil, puisque, il convient de le rappeler, l'officier d'état civil d'une commune agit en qualité d'agent de l'État, le contentieux de l'état civil étant d'abord de la compétence du parquet, puis en cas de modification des mentions originales figurant sur l'acte de décès, du Tribunal de Grande Instance, saisi par le procureur, s'agissant d'une action d'état.
Le parquet a préféré classer cette affaire "sans suite".
L'autorité judiciaire a pourtant rappelé que "Lorsqu'un corps part d'un hôpital pour aller dans une autre commune, il est nécessaire de poser un bracelet, cela afin d'établir clairement l'origine et l'identité du défunt. Sinon on s'expose à des problèmes".
Le délégué du syndicat Force Ouvrière de l'hôpital Paoli-Calmettes, a dédramatisé le débat dans ses déclarations : "Il vaut mieux ne pas brusquer la famille, car il faut forcément prendre en compte le deuil des gens. On n'allait pas faire opposition à leur décision. Mais il y a eu non-respect de la procédure administrative et il fallait absolument éviter tout risque d'échange de corps".
Pour le parquet de Marseille, la décision de partir aussi précipitamment a vraisemblablement été dictée par la force du rite funéraire, très marquée dans la culture gitane.
Pour le président de l'Association Ententes Tziganes "Lorsqu'un décès survient, toute la famille doit se rassembler autour du mort. Il peut y avoir des gens venus de la France entière et même de l'étranger dans certains cas. C'est très fort pour eux, avec une solidarité considérable. C'est pourquoi il faut rapatrier le corps au plus vite dans la cellule familiale. Pour eux c'est une cérémonie plus importante que le baptême ou le mariage, qui dure plusieurs jours".
Cet incident met en relief l'inadéquation patente des dispositions réglementaires applicables au transport de corps avant mise en bière, dès lors que celui-ci doit être effectué dans des délais très courts (24 h si le corps n'a pas subi de soins de conservation et 48 h dans le cas inverse).
De surcroît le décret n°2002-1065 du 5 août 2002, a modifié considérablement les conditions de ces transports, en instaurant un nouvel article R. 2213-7, dans le Code général des collectivités territoriales, dont l'application fut particulièrement ardue, nécessitant une circulaire en date du 4 nov. 2002, DGCL, NOR LB 0210026 C et une réponse du ministre de l'Intérieur, en date du 30 déc. 2002, à la question écrite de M. Bruno Gilles, député des Bouches-du-Rhône.
Le ministre a clarifié la notion de lieu de dépôt initial du corps par rapport à celle de lieu où le corps est transporté, qu'il s'agisse du domicile du défunt, de la résidence d'un membre de sa famille et, enfin, d'une chambre funéraire.
La principale novation de ce texte a été la suppression de l'autorisation du maire du lieu de dépôt initial pour autoriser ce transport, uniquement lorsque celui-ci ne s'opère pas hors des limites de la commune du lieu de décès (transport intra-muros).
En revanche, l'autorisation du maire est nécessaire lorsque le transport d'un corps avant sa mise en bière est nécessaire si celui-ci entraîne le franchissement des limites du territoire communal.
Notons, également, qu'en vertu dudit décret, le deuxième transport du lieu de dépôt initial vers un autre site (domicile du défunt ou résidence d'un membre de sa famille, chambre funéraire), doit faire l'objet d'une autorisation municipale, compétence attribuée au maire du lieu de dépôt du corps.
Une atteinte aux pouvoirs du maire de la commune a été également introduite par le décret du 5 août 2002 : quand le décès survient en milieu hospitalier, le chef d'établissement, lorsque celui-ci est tenu de disposer d'une chambre mortuaire (constatation de 200 décès en moyenne/an, calculée sur la base des trois dernières années écoulées), est désormais seul compétent pour autoriser le transport du corps du défunt vers la chambre mortuaire attachée à l'hôpital.
Dans ce cas, il doit adresser sans délai, au maire de la commune, copie de son accord. Cette autorisation n'est plus considérée comme un acte de police, mais comme un mouvement interne à un même établissement de santé, même s'il est partagé entre plusieurs sites, éloignés les uns des autres.
Cette disposition ne pouvait s'appliquer dans le cas particulier de l'Institut Paoli-Calmettes de Marseille, dès lors que cet établissement est équipé d'une chambre mortuaire, en raison de son niveau général de mortalité.
Cette affaire qui a défrayé la chronique, met en exergue d'une part, les insuffisances du régime des autorisations administratives afférentes aux transports de corps avant la mise en bière, et d'autre part, l'absence de sanctions pénales.
En ce qui concerne la mise en œuvre des procédures administratives : la brièveté des délais, la fermeture des services administratifs des mairies (leur ouverture est en moyenne journalière de huit heures), l'indisponibilité des fonctionnaires de police, notamment de la police nationale dans les communes où cette police est étatisée, les restrictions résultant des samedis et dimanches, voire les jours fériés, constituent un obstacle majeur pour une parfaite régulation et fluidité de la délivrance des autorisations de transport.
On comprend, dès lors, que dans des situations extrêmes, des incidents puissent se produire, car dans la configuration des rites funéraires et des traditions tziganes, le conflit est inévitable, l'administration étant dans l'incapacité de répondre à ce cas d'urgence.
Le souci du législateur de simplifier les formalités afférentes à certaines opérations funéraires, notamment en matière de leur surveillance par l'autorité de police compétente, n'est pas allé jusqu'à prendre en compte ce type d'aléa familial et communautariste.
Lorsque la loi du 19 déc. 2008 a été promulguée, plusieurs auteurs en avaient déduit, en ce qui concernait le régime des vacations de police, que certaines opérations n'étaient plus assujetties à la surveillance et l'intervention de fonctionnaires de police, territorialement compétents.
Cette position était fondée à l'égard des modalités de la tarification, mais en revanche la circulaire NOR : IOCB091 5243 C en date du 14 déc. 2009 du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales (voir Résonance N°58, mars 2010), a dans son § 2, validé notre interprétation de la réforme des vacations funéraires, en vue de réduire le nombre de celles pesant sur le budget des familles, cependant, en se référant au CGCT, dans sa partie réglementaire, articles R. 2213-46 à R. 2213-51, les obligations de présence d'un fonctionnaire de police pour la pose du bracelet lors d'un transport d'un corps avant sa mise en bière ont été maintenues, même si, désormais, cette intervention ne donne plus lieu à perception d'une vacation auprès de la famille.
Au plan pénal : quelle qualification le procureur de la République pouvait-il donner au comportement des membres de la communauté gitane ?
Le recel de cadavre est à écarter dès lors qu'il s'adresse à toute personne qui cacherait le cadavre de la victime d'un meurtre.
Le cadavre bénéficie d'un droit à l'intégrité physique, inclus dans les droits de la personnalité, qui bénéficie à l'homme de son vivant, mais aussi après sa mort (article 16.1 du Code civil), dont les effets ont été étendus par la loi du 19 déc. 2008 à la protection des cendres cinéraires.
Pour autant le Code pénal offre-t-il les fondements d'une incrimination pour la réalisation d'un transport que l'on pourrait qualifier de "sauvage" ?
Jusqu'en 1992, le délit de violation de sépulture ne s'appliquait qu'à la notion de sépulture, les actes préparatoires en vue d'une inhumation ou d'une crémation n'entrant pas dans le champ de son application.
En 1992, le législateur a estimé nécessaire d'instituer une protection spécifique du cadavre humain. Les rédacteurs du nouveau Code pénal ont choisi d'insérer l'incrimination aux atteintes au cadavre dans la partie réservée aux crimes et délits contre les personnes. L'incrimination est la suivante : " Toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende (aujourd'hui 15 000 €)", article 225-17 du Code pénal.
L’infraction nouvelle permet de réprimer toutes les formes d’atteintes au corps d’un mort.
Le transport sans autorisation est-il, dans ce cas, concerné ?
À notre sens, la réponse est négative car le cadavre n’est pas une personne. S'il doit être protégé, c'est seulement par respect pour l'esprit qui l'a animé et qui avait, sur le destin de l'homme, après sa mort, des croyances impliquant une certaine attitude envers sa dépouille, ou encore par respect pour tous ceux qui aimaient la personne disparue, et dont l'affection demeure attachée à ses restes.
L'élément moral de l'infraction, si celle de l'atteinte à l'intégrité du cadavre avait été retenue, exclut toute volonté manifeste des membres de sa famille à lui nuire, à le dégrader, mais au contraire, le fait de l'avoir transporté chez ses parents ou proches de sa communauté, relevait de la volonté de l'honorer et de le respecter conformément aux rites de cette population.
Ce faisant, force est de constater que les dispositions légales ou réglementaires, actuellement en vigueur, ne sont pas de nature à permettre l'engagement de poursuites à l'encontre de celles ou ceux qui, animés par des intentions respectables, seraient tentés de soustraire à l'autorité municipale le transport d'un corps avant sa mise en bière.
Dans ce domaine, seule une intervention du législateur permettrait de modifier le régime applicable en cas de transgression des dispositions réglementaires relatives à la police municipale funéraire.
Jean-Pierre Tricon
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