A bien y regarder, la loi Sueur du 8 janvier 1993 continue de réserver quelques surprises, dès lors que la doctrine, ou la jurisprudence viennent apporter des précisions sur la mise en œuvre de certaines dispositions qui, à priori, ne semblaient pas poser problème pour leur application.
Dans la continuité des analyses précédemment faites, sur les effets que je juge limités, des dispositions destinées à garantir le libre jeu de la concurrence, une nouvelle constatation doit être faite, sur les obligations qui pèsent sur les communes, en matière d’organisation des obsèques des indigents, qui ont été requalifiés en 1993 de "personnes dépourvues de ressources suffisantes", qui accentuent la comparabilité entre les entreprises ou associations habilitées pour organiser des funérailles, dont la compétence est nationale, aux régies municipales, qui sont tenues par le "lien de territorialité", initié par l’avis du conseil d’état du 19 décembre 1995.
De surcroît, l’égalité de traitement entre le secteur privé stricto-sensu et les services publics communaux ou communautaires est aggravée par deux obligations supplémentaires, à savoir d’une part la rigidité des tarifs publics qui ne permet aucune possibilité d’octroyer des rabais ou gestes commerciaux aux clients, et d’autre part le régime juridique du personnel, qui pour la plupart des régies encore existantes, relève du statut de la fonction publique territoriale.
Or, l’évolution des masses salariales ne souffre d’aucune comparaison, les conséquences du déroulement d’une carrière au sein de la fonction publique territoriale entraînant des avancements en grades ou échelons qui génèrent des progressions significatives, de l’ordre de 5% par an, bien supérieures à celles des personnels des opérateurs privés soumis à la convention collective des métiers du funéraires, qui manque sincèrement de générosité.

Les dispositions de la loi du 8 janvier 1993, codifiées désormais à l’article L 2223-27 du code général des collectivités territoriales, sont-elles source de charges supplémentaires pour les régies ?
 
Cet article prescrit en effet :

"Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes.
Lorsque la mission de service public définie à l’article L 2223-19 n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend en charge  les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques".

Deux conséquences sont à déduire de ce texte :

1- Si la commune a organisé le service extérieur en régie, c’est cette dernière qui sera la seule compétente pour assumer cette obligation, dont il convient de préciser qu’elle s’étend aux obsèques, et point comme le laisseraient présumer certaines réponses à questions écrites de parlementaires, aux inhumations, et dans le cas où elle l’aurait délégué, au titulaire du contrat, les cahiers des charges devant expressément prévoir cette clause (circulaire ministérielle du 12 décembre 1997).

2- Dans le cas contraire, la commune devra confier cette mission à un opérateur privé : Depuis l’intervention du décret  N° 2006-975 du 1er Août 2006 portant code des marchés publics, une procédure de mise en concurrence est la règle à compter du premier euro engagé.
 
La désignation de l’entrepreneur devra donc respecter ce code.
C’est le budget général de la commune qui sera mis à contribution pour le règlement des factures de l’opérateur.

Le fait de s’écarter de l’ancienne notion de l’indigent, assez restrictive, puisqu’elle supposait l’inexistence totale de revenus, pour adopter celle, plus large de personnes dotées de revenus insuffisants, a engendré un processus d’augmentation des demandes de prise en charges des frais d’obsèques par les communes, qui n’a pas laissé indifférent au moins trois de nos parlementaires, dont les sénateurs Jean Louis Masson et Jacques Maheas, qui ont interpellé les 3 Juin 2004 et 19 janvier 2006, Monsieur le Ministre de l’intérieur, afin de mettre en exergue l’iniquité financière de cette disposition , sans cependant dénier la logique de solidarité qui l’a initiée.
Sur le fond l’argumentaire de ces deux questions était le même : La présence d’hôpitaux sur le territoire d’une commune, qui entraîne de nombreux décès d’indigents ou de personnes dépourvues de revenus suffisants, sans lien direct avec la commune autre que celle du lieu du décès.
Invariablement la réponse ministérielle est axée sur les arguments suivants :

"Il résulte de l’ensemble des dispositions du CGCT, qu’il appartient aux communes de prendre en charge les frais occasionnés par les obsèques des indigents. Au plan financier, il faut rappeler que l’état, participe aux dépenses d’intérêt général des collectivités locales, et en particulier aux charges globales de fonctionnement des communes, à travers la dotation globale de fonctionnement (DGF), dans laquelle a été incluse la subvention à titre de participation de l’état aux dépenses d’intérêt général, qui était accordée aux communes, antérieurement à la loi N° 79-3 du 3 Janvier 1979, portant création de la DGF.
 
L’accroissement des coûts de fonctionnement des collectivités est indirectement pris en charge par la revalorisation annuelle de la DGF, dotation globale et libre d’emploi, qui s’inscrit dans l’esprit de la décentralisation. Enfin, le maire a la possibilité sur le fondement de l’article R 2342-4 du CGCT, de poursuivre contre les enfants du de cujus, le recouvrement des frais engagés par la commune en dressant un état. Les frais funéraires sont des dettes de succession qui doivent êtres prélevées sur l’actif successoral ; ils sont garantis par un privilège placé par l’article 2101 du code civil au deuxième rang des privilèges généraux, qui s’exercent sur les meubles et les immeubles. Il n’est donc pas envisagé de faire évoluer le droit dans ce domaine". ( cf réponse à la question des sénateurs Jean Louis Masson et Jacques Matheas).
Dans une troisième réponse faite à une question écrite du député UMP du Gard, Monsieur Yvan Lachaud en date du 19 Septembre 2006, le ministre reprend globalement le même argumentaire, en y ajoutant cependant une précision complémentaire digne d’intérêt. En rappelant qu’au plan financier les communes disposent de la possibilité d’instituer des taxes sur les opérations de convoi, d’inhumation ou de crémation, au titre de l’article L 2223-22 du CGCT, ces fonds permettant indirectement de financer les dépenses obligatoires pour les obsèques des personnes indigentes (terme utilisé par le ministère).

A ce stade de notre analyse, force est d’admettre que les solutions préconisées par le ministère de l’intérieur pour la participation de l’état au financement de ces dépenses, concernent uniquement des recettes imputées au budget général de la commune.
Dans ce contexte, est-il réellement légitime, voire légal de faire supporter au budget annexe d’une régie municipale de pompes funèbres, tous les frais afférents à l’organisation des obsèques des personnes dotées de revenus insuffisants ?

Notre réponse est catégoriquement non, et ce pour les deux raisons suivantes :

1- La circulaire du ministre de l’intérieur en date du 12 décembre 1997, N° NOR INT 89700211 C afférente à la gestion des régies municipales de pompes funèbres, prescrit que relèvent du budget général de la commune, les opérations ayant trait à une mission de police administrative comme l’organisation des obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes.
La circulaire précise en outre, que lorsque la commune a organisé  le service extérieur des pompes funèbres en régie, les opérations relevant de l’organisation des obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes, sont comptabilisées dans le budget annexe de la régie (nomenclature comptable M4).
Dans l’hypothèse où le service aurait été délégué, la circulaire fait obligation de mettre à la charge du délégataire les frais résultant de ces obsèques, cette disposition constituant une clause obligatoire devant figurer dans  la convention de délégation de service public.
Il résulte de ce texte, qu’une distinction doit être opérée entre les régies municipales et les délégataires, car pour les premières la circulaire impose que les opérations soient comptabilisées, ce qui n’implique pas nécessairement qu’elles soient financées par les ressources de la régie, les produits tirés de l’exploitation du service, donc les redevances payées par les usagers, alors qu’en cas de délégation, les dépenses sont mises à la charge de l’exploitant du service.
 
2- Cette opinion est confortée par le statut des services industriels et commerciaux, tel qu’il résulte du code général des collectivités territoriales et notamment l’article L 2224-2, alinéa 1er ainsi libellé : "Lorsque les exigences du service public, conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières des fonctionnement aux régies, le conseil municipal peut décider de prendre en charge dans le budget de la communes tout ou partie des dépenses liées à ces contraintes".
Or, on sait que les régies municipales ne bénéficient pas des allocations versées par l’état, ni du produit généré par les taxes communales de convois, d’inhumations ou de crémations.
Tout dépendra donc du niveau général des décès des personnes dépourvues de ressources suffisantes, qui tend à s’accroître, les dépenses effectuées par la régie pour le compte de la commune et les pertes de recettes qui en résultent ne pouvant mettre en péril l’équilibre budgétaire de la régie qui conditionne son existence.
De ce fait c’est à bon droit, que l’article L 2224-2 du CGCT s’appliquerait si le seuil de tolérance au plan financier était atteint ou dépassé.

En conclusion :
 
Il semble utile d’insister sur le fait, que la notion de personnes  dépourvue de ressources suffisantes nécessiterait d’être mieux définie, car à l’inverse de l’indigence qui supposait aucune ressource, la situation des personnes dépourvues de ressources suffisantes doit être examinée au cas par cas, l’appréciation étant généralement opérée "intuitu-personnae".

En outre les redevables des frais funéraires, les signataires des bons de commande ou les conjoints ou enfants, qui sont tenus par des obligations alimentaires (articles 203 et 205 du code civil), ont tendance à étendre le bénéfice de cette clause à leur propre situation pécuniaire, pour s’exonérer des responsabilités qui leur incombent.

Si l’on ajoute, que les décès des personnes bénéficiant de l’aide sociale nécessitent également une clarification, la circulaire du ministre de la santé de 1963 étant à notre sens obsolète, car elle aboutit à transférer aux communes, des charges qui ne leur incombent pas, les frais funéraires étant prioritaires sur ceux de l’hospitalisation en vertu des alinéas 2 et 3 de l’article 2101 du Code Civil, on mesurera l’impact financier pour les communes de ces mesures qui tendent à déresponsabiliser les familles qui n’ont aucune retenue, pour passer commande pensant ainsi éviter les paiements des factures.

Jean Pierre Tricon

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations