Les progrès de la science, notamment le développement des biotechnologies, ont relancé, partout dans le monde, l'intérêt pour la cryogénisation. En France, la réglementation des opérations funéraires interdit ce mode de conservation des corps. Pourtant, les recherches scientifiques continuent dans ce domaine. Quels regards le thanatopracteur peut-il porter sur cette technique et sur le rêve d'immortalité ?
Malgré une réglementation sans aucune ambiguïté, la cryogénisation continue de soulever les passions. En France, l'utilisation de la technique qui consiste à congeler le corps du défunt – communément appeler cryogénisation – est en effet interdite par la réglementation funéraire puisque le cercueil contenant le corps du défunt doit être inhumé on incinéré dans les 6 jours qui suivent le décès (articles R. 2213-33 et R. 2213-35 du Code général des collectivités territoriales). Pourtant la cryogénisation partielle est autorisée à des fins médicales, et uniquement à des fins médicales.

C'est évidemment sur la notion de "fins médicales" que tous ceux – et ils sont nombreux – qui rêvent d'immortalité, s'appuient pour défendre l'idée qu'il faut autoriser la poursuite des recherches dans le domaine de la cryogénisation. Y compris sur l'Homme, pourvu qu'il en ait exprimé la volonté tout à fait claire. Il faut dire que l'argument ne manque pas de poids.

Depuis des années, les expériences en matière de cryogénisation ont été particulièrement nombreuses. Le terme de "cryogénisation" est apparu en 1964, sous la plume de Robert Ettinger, professeur de physique, auteur d'un ouvrage remarqué aux Etats-Unis, The Prospect of Immortality, livre au titre mal traduit en français par  L'homme est-il immortel ? Trois ans plus tard, le corps d'un homme de 74 ans, décédé d'un cancer du poumon, fut plongé à basses températures. C'est alors que le public commença à s'intéresser à la cryogénisation car l'homme en question, James Bedford, n'était pas un inconnu, mais un éminent professeur de physique, reconnu, de son vivant, par la qualité de ses travaux.

La technique utilisée fut assez simple. Elle n'a guère évolué depuis. Le plus rapidement possible après le décès, on amène le corps de 0° à -180°, tout en prenant soin d'alimenter le cerveau en oxygène. Des médicaments sont injectés pour réduire les besoins du métabolisme et le sang est remplacé par une solution qui empêche la coagulation et le développement de bactéries. Le corps est ensuite stocké dans un container d'azote liquide. Il ne reste plus qu'à maintenir le corps à sa bonne température de conservation en attendant le jour où la décision pourra être prise de tenter de le ramener à la vie et à la conscience. Depuis, des dizaines de personnes ont subi principalement aux Etats-Unis ce traitement.
Espoir d'immortalité.

Sur quelles bases scientifiques, les promoteurs de la cryogénisation s'appuient-ils donc pour convaincre que leur pratique n'est pas seulement un rêve fou d'immortalité ? A dire vrai, il y a longtemps que la médecine utilise des techniques de conservation par le froid. Le processus de conservation par le froid se trouve même à l'état naturel. Certains animaux ou insectes contrôlent ainsi la formation de cristaux de glace dans leur organisme. La rainette crucifère, la rainette versicolore, la larve du cynips et la grenouille des bois, pendant l’hiver, ont les deux tiers de leur eau corporelle transformée en glace et n'en meurent pas pour autant. Certains organismes vivants peuvent même résister à des températures atteignant - 45°. C'est de cette réalité naturelle – que l'on appelle la cryopréservation - qu'est venue l'idée d'appliquer une technique de conservation à l'homme dans l'espoir que la science de demain sera plus performante que celle d'aujourd'hui.

C'est d'ailleurs cette technique de cryoconservation qui est utilisée dans les banques de sang, dans les banques de sperme et maintenant dans les banques de tissus, même si, pour ces derniers, les techniques sont plus complexes puisqu'il faut atteindre une température de – 130°. Peu de gens le savent, mais il n'en reste pas moins exact qu'un "Frozen Zoo" (littéralement : un zoo congelé) a été créé à San Diego, aux Etats-Unis, où sont conservés à - 230° des échantillons cellulaires de sperme, de tissus et de sang de plus de 2.300 animaux de 300 espèces et de sous-espèces menacées. Vu les tremblements de terre fréquents dans cette région, deux autres réservoirs contenant une réplique exacte de la collection ont été placés en d’autres lieux pour assurer la conservation du travail de plusieurs années.
Aujourd'hui de nombreux freins ralentissent le développement de la cryogénisation. Les Eglises d'abord qui n'acceptent pas que l'homme puisse être éternel, le Vatican ne reconnaissant que deux résurrections, celle de Lazare et celle de Jésus. Certains milieux scientifiques qui considèrent leurs collègues comme des charlatans, estimant que trop de questions restent en suspens. Notamment celle-ci : même si des chercheurs de l'Université de Prétoria (Afrique du Sud) ont réussi à congeler un cœur de rat et à le faire revivre, personne n'a encore jamais réussi à faire revivre un être vivant complet composé de cellules adultes. Mais qui oserait s'aventurer à dire que cela ne sera jamais possible ?

En attendant, les thanatopracteurs ont intérêt à suivre de près les évolutions scientifiques dans le domaine de la cryogénisation. Car les générations qui nous succéderont dans ce métier auront très certainement à tenir compte des évolutions de la science dans leurs pratiques quotidiennes.

Christian Raffault

Instances fédérales nationales et internationales :

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