Le cabinet d’avocats Stéphan Dénoyés évolue dans le secteur funéraire depuis un certain nombre d’années aussi bien auprès d’entrepreneurs indépendants que de groupes plus conséquents. Liaisons conventionnelles ou contractuelles, implantations et exploitations de nouvelles structures, promotion ou encore régularisation de litiges sont autant d’évènements récurrents dans le fonctionnement d’une entreprise pour lesquels on néglige trop souvent les services d’un homme de loi… Explication !

 

Denoyes Stephan 2017
Maître Stéphan Dénoyés.

Résonance : Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, pouvez-vous nous présenter votre cabinet, ses domaines de compétence ?

Stephan Dénoyés : Le cabinet que je dirige est né d’un constat assez simple : les entreprises, qu’elles soient individuelles, commerciales libérales ou artisanales, n’ont pas toujours en interne l’ensemble des compétences juridiques dont elles ont besoin. Aussi, elles sont souvent à la recherche d’un avocat à tout faire, qui peut à la fois les conseiller sur le plan juridique dans leur projet, mais aussi les assister en justice ou tout simplement être à l’écoute de leurs problématiques. Elles craignent souvent le coût généré par le recours à un avocat. Pourtant, faire appel à son avocat de manière régulière permet justement d’éviter souvent d’avoir à engager des sommes plus conséquentes.
L’avocat ne fait pas que plaider : il est le conseiller naturel pour tout ce qui relève du domaine juridique, le cas échéant, au côté ou en partenariat avec les autres professionnels de droit (notaire, avoué, huissier…) ou du chiffre (expert comptable), chacun dans son domaine de compétence.
C’est pour aider les entrepreneurs à faire face aux défis de leur développement, aux difficultés de leurs activités que le cabinet a développé une approche tant humaine que professionnelle qui permet de suivre le client dans l’ensemble de sa vie juridique. L’avocat est aujourd’hui le seul partenaire juridique de haut niveau qui défend dans tous les domaines de la vie courante de la société : droit des affaires et droit économique, de la santé, de l’environnement et des déchets, propriété intellectuelle, droit funéraire, rédaction/relecture/sécurisation de contrats, droit de la distribution, cession de fonds ou de société, etc.

R : Venons-en au funéraire en particulier… Ce secteur d’activité néglige-t-il trop souvent les services de votre profession ?

SD : À mon sens, ce n’est pas le terme approprié… les professionnels du funéraires ne négligent pas vraiment les aspects juridiques de leurs activités, non… ils sont simplement plus enclins à exercer leur métier et à accompagner les familles, plutôt que de se soucier, au quotidien, des contraintes juridiques liées à leurs activités. Alors bien sûr, ils sont parfaitement au fait de la réglementation de base, comme celle relative, par exemple, à leurs infrastructures. Pour autant, ils sont bien conscients que leur profession est sous le microscope depuis 1993, et les lois de "libéralisation" de l’activité. Il ne se passe pas une année sans que les autorités publiques, ou les médias, se fassent l’écho de difficultés, de pratiques considérées comme anormales ou illégales, notamment en matière funéraire… domaine où il est si facile de confondre légalité et moralité.
Même si ce secteur connaît de grands bouleversements avec la création ou le développement de groupes de plus en plus importants, il n’en demeure pas moins un secteur à taille humaine, une activité de proximité, exercée souvent par des familles, des entrepreneurs locaux, dont le droit n’est effectivement pas la spécialité.
C’est pour cela que je ne peux que les encourager à prendre attache avec un avocat qui maîtrise la réglementation funéraire sous tous ses aspects, de la création de l’activité à son développement, un avocat qui parle le même langage que le leur, qui sache de quoi on parle quand il est question d’enfants nés sans vie, d’exhumation, d’inhumation, de thanatopraxie, des Déchets d’Activités de soins à Risques Infectieux (DASRI), ou encore, qui connaissent les contraintes inhérentes à la conservation d’un corps afin de rédiger des conditions générales de services adaptées.

R : D’après vous, il existe, chez certains, de vrais lacunes en matière de réglementation funéraire…

SD : Comme je l’ai dit plus haut, je pense que les professionnels du funéraire savent parfaitement exercer leur métier. Mais, comme beaucoup de chefs d’entreprise, ils perçoivent le droit comme un frein au développement de leur activité… À tord !
Il me semble au contraire que c’est l’inverse. Le droit peut s’avérer être un formidable marqueur de différentiation pour une entreprise.
Prenons par exemple les conditions générales de vente. Il y a encore 2 ou 3 ans, elles pouvaient tenir sur une seule page, au dos du devis ou de la facture. Aujourd’hui, avec le foisonnement de réglementations générales et particulières, elles font souvent plusieurs pages, car elles doivent contenir des mentions obligatoires, des encadrés. Elle deviennent de véritables contrats, que les familles, dans l’urgence et dans la douleur, n’ont pas toujours le temps de lire. Il est donc important qu’elles soient claires et compréhensibles dans le respect des règles. Et c’est là justement le rôle de l’avocat.
Rien n’est plus néfaste pour un entrepreneur de pompes funèbres que de donner l’impression qu’il entretient un flou dans ses missions ou ses obligations.

R : Le secteur se concentre de plus en plus, et de nombreux systèmes cohabitent, dont celui de la franchise ou de la concession. Dans quelles mesures pouvez-vous accompagner l’une ou l’autre des parties dans ce type de démarche ?

SD : Effectivement, le contrat de distribution est un contrat qui obéit à des règles bien précises. Chaque réseau a sa propre stratégie, ses propres contrats, ses propres attentes. Certains réseaux transmettent un savoir-faire, d’autres non. Certains sont intégrés, d’autres non. Il est important, pour ceux qui envisagent de s’inscrire dans un réseau de franchise ou de concession, comme pour la tête de réseau, de bien connaître son partenaire, car le contrat de distribution est un contrat de moyen/long terme. Cela est d’autant plus vrai que nombre de contrats sont des contrats types ou d’adhésion. Il convient donc de vérifier de nombreux points, comme la clause de non-concurrence, les clauses de non-(ré)affiliation, les clauses de marque, d’approvisionnement, etc.

Celui qui souhaite intégrer un système de franchise ou de concession doit, aussi, garder en tête que le réseau doit avoir une certaine homogénéité, et que cela va l’obliger à respecter un certain nombre de contraintes qu’il lui faut appréhender dès le départ. Même s’ils envisagent de devenir partenaires, la tête de réseau, comme le future affilié ou franchisé, n’est pas forcément la personne la mieux adaptée pour répondre aux interrogations de l’autre. Chaque partenaire devrait évoquer avec son conseil les termes du contrat et les attentes de chacun dans l’opération.

R : Inévitablement, il faut également évoquer tout ce qui touche au domaine concurrentiel… Là encore, les professionnels du funéraire sont régulièrement à la limite de l’acceptable, et ce, du fait même d’une connaissance souvent approximative des règles du bon droit et de la négligence du recours, au préalable, aux services d’un avocat. Pourtant, c’est dans ce domaine que les procédures sont ensuite les plus fréquentes, n’est-ce pas ?

SD : Là encore, je fais la même réponse. Le professionnel du funéraire est concentré sur son activité. Toute la réglementation funéraire tend à considérer que l’activité du service public extérieur des pompes funèbres est une activité particulière en ce qu’elle vise des personnes placées dans une situation de particulières vulnérabilités en raison du deuil qui les affecte et les soumet à une prise de décision rapide dans le cadre de l’organisation des obsèques et du choix du prestataire. Dès lors, il convient d’éviter toute confusion entre les activités de service public et les activités concurrentielles dans le secteur des pompes funèbres. Les autorités de régulation sanctionnent régulièrement des entreprises qui ne respectent pas les règles d’une concurrence saine, et je précise sereine.
Ainsi, par exemple, le fait, pour une entreprise gestionnaire d’équipements funéraires de service public, d’entretenir, par un ensemble de comportements, une confusion dans l’esprit des familles entre ses activités de gestionnaire de ces équipements et celles relevant du secteur concurrentiel, peut constituer une entorse concurrentielle assujettie à sanctions.
De nombreuses décisions ont rappelé que si l’utilisation d’un numéro de téléphone unique pour toutes les activités n’était pas en soi répréhensible, ce numéro unique, combiné à d’autres comportements tels que la disposition des locaux, les modalités d’accueil des familles, la présence de plaquettes commerciales dans la chambre funéraire, le référencement téléphonique ou les mentions des annonces nécrologiques pouvaient constituer un manquement concurrentiel, et dès lors faire l’objet d’une sanction administrative et d’un action en justice. Et cela peut coûter très cher en termes financiers comme réputationnels. Il est donc à mon sens fondamental de se faire accompagner.

R : Dernier point qui n’est pas des moindres : la gestion et de la protection des données personnelles. Le funéraire 2.0 est une chose, mais il s’accompagne de nouvelles contraintes auxquelles les professionnels funéraires ne sont pas forcément familiarisés, notamment du point de vue réglementaire. Il s’agit là d’une nouvelle problématique pour laquelle il vous paraît primordial que les entreprises se fassent accompagner d’un homme de loi, notamment au vu de la proportion que peuvent prendre les conséquences d’un quelconque problème ?

SD : Le 25 mai dernier est entré en vigueur le Règlement Général à la Protection des Données personnelles, ou RGPD. Théoriquement, toutes les entreprises gérant des données personnelles (nom, prénom, adresse, mail, téléphone... et plus largement toute donnée qui permet d’identifier une personne physique), je dis bien toutes les entreprises sans exclusion, doivent avoir recensé l’ensemble des fichiers informatiques ou papier, avoir mis en œuvre des mesures de sécurisation informatiques et avoir informé (si elles ne l’avaient pas déjà fait) les personnes dont elles traitent les données.
Sans entrer dans le détail, il est important de rappeler que sont considérés comme traitements de données personnelles, le traitement des fichiers tels que ceux relatifs à la gestion du personnel et des rémunérations, la gestion des fournisseurs, la gestion de la comptabilité, la gestion des clients et des opérations commerciales, de fidélisation et de prospection, la gestion des outils informatiques, la gestion des tiers.
Ces traitements doivent être licites, c’est-à-dire reposer sur un des fondements du règlement. Cela signifie que les pompes funèbres doivent également avoir mis à jour leurs conditions générales de vente, leurs mentions légales, leurs contrats, afin de recueillir le consentement. Le non-respect des prescriptions du RGPD peut être sanctionné lourdement, jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires, sans compter la mauvaise publicité.
Il est vrai que, là encore, le chef d’entreprise peut penser que c’est une énième réglementation, un énième frein à son activité, à son développement. De plus, il n’est pas toujours conscient que lui aussi est "fiché".
Pour autant, le respect de la réglementation constitue, elle aussi, un formidable outil de valorisation de son activité, notamment en matière de confiance et de respect des famille.

Steve La Richarderie

Résonance n°141 - Juin 2018

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