L’urne funéraire, est-ce un objet… comme un autre ? … Les obligations d’un opérateur funéraire en matière de déclaration de décès et d’organisation des obsèques.

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Jean-Pierre Tricon, avocat
au barreau de Marseille.

 

 

À l’occasion de l’exercice de mes activités professionnelles, j’ai eu à connaître d’un litige opposant le maire d’une commune, ainsi que le préfet du département, à un entrepreneur de pompes funèbres, gestionnaire d’une chambre funéraire, qui avait été chargé de transporter le corps d’une personne isolée, décédée à son domicile, à la chambre funéraire lui appartenant.

Requis par les services de la gendarmerie, et après qu’un médecin avait été appelé pour établir le certificat de décès constatant que la mort était consécutive à des causes naturelles, aucune réserve n’ayant été émise par le médecin chargé de la rédaction du certificat, le corps avait été transféré dans la chambre funéraire.

Durant plusieurs jours, l’opérateur funéraire avait conservé par-devers lui le certificat de décès, dans l’attente de pouvoir joindre ou de retrouver l’une des personnes ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. Les démarches entreprises avaient permis d’identifier l’une de ces personnes, la fille du défunt, qui avait sollicité un devis pour la couverture des frais funéraires. Ce devis ayant été communiqué, aucune réponse n’avait été expressément formulée, si bien que, sept jours plus tard, l’entreprise avait déposé dans la boîte aux lettres de la mairie le certificat de décès.

Suite à ce dépôt, l’entreprise avait reçu pour instruction du maire l’obligation de procéder à l’organisation des obsèques et à la crémation du corps, car tel était le sens des volontés exprimées par le défunt. Pour sa part, l’entrepreneur avait exigé des garanties de paiement en faisant valoir que la personne décédée était dans une situation de précarité, le terme d’"indigent" ayant été spécifiquement utilisé.

En réponse, le maire de la commune avait rétorqué qu’il existait une famille et que, sur le fondement des dispositions énoncées aux articles 205, 207 et 371 du Code civil, ayant donné lieu à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, 1re chambre civile, 21 septembre 2005, n° de pourvoi : 03-10679, et 1re chambre civile, 28 janvier 2009, n° de pourvoi : 07-14272, il incombait aux membres de la famille d’assurer le paiement de ces dépenses.

Cette situation permet, ici, de rappeler quelques fondements du droit applicable en l’espèce

L’obligation pour l’enfant de supporter les frais d’obsèques de ses parents existe dès sa naissance, comme une conséquence des dispositions de l’art. 371 du Code civil qui impose à l’enfant de tout âge honneur et respect à ses père et mère. Cette obligation s’applique à l’enfant, même s’il n’a pas connu son père, pour être né peu après son décès, ainsi que sur les dispositions de l’art. 205 du Code civil, qui énonce : "Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin", obligation étendue aux frais funéraires par l’arrêt de principe de la Cour de cassation, en date du 14 mai 1992, cette obligation étant réciproque, puisque s’étendant, également, aux parents en vertu de l’art. 207 du Code civil, qui prescrit : "Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques. Néanmoins, quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire."

En règle générale, les frais d’obsèques sont imputés sur l’actif de la succession du défunt. Lorsque cet actif ne permet pas de faire face aux frais d’obsèques, les débiteurs de l’obligation alimentaire à l’égard de leurs ascendants ou descendants (articles 205, 206 et 207 du Code civil), que l’art. 206 étend aux gendres et belles-filles, qui doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leurs beau-père et belle-mère, étant précisé que cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux serait décédé.

Il s’ensuit que l’héritier à la succession sera tenu, à proportion de ses moyens, au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession à laquelle il entend renoncer (Cour de cassation, 1re chambre civile, 21 septembre 2005, n° de pourvoi : 03-10679), ces frais constituant une dette alimentaire. Voir aussi, en ce sens, la réponse à question écrite du ministère de la Justice en date du 18 novembre 2010 sur l’obligation pour la famille d’assurer les frais d’obsèques (rappel question écrite de monsieur Jean-Louis Masson, n° 13911, JO Sénat du 17/06/2010, page 1516.

En quoi consistent les frais funéraires ?

Si l’on se réfère aux pratiques de l’administration fiscale, laquelle propose une liste non exhaustive des frais funéraires, en cas de déduction forfaitaire de ces dépenses dans le cadre d’une succession, plafonnée à 1 500 €, les dépenses seraient dédiées principalement :

- au coût de l’inhumation ou de la crémation, et de la cérémonie qui l’accompagne,

- aux avis d’obsèques (insertion dans une rubrique nécrologique, faire-part, remerciements),

- à l’achat et la pose d’un emblème religieux sur la tombe,

- à l’acquisition d’une concession dans un cimetière,

- à la construction, l’ouverture et la fermeture d’un caveau,

- aux frais de transport du corps.

Sont, par contre, explicitement exclus des frais, l’achat et la pose d’un monument funéraire, les frais de deuil et l’achat de compositions florales. Il sera rappelé que la plupart des postes des dépenses funéraires doivent être indiqués dans les devis écrits, délivrés gratuitement aux familles dans le cadre des dispositions réglementaires afférentes à l’obligation d’information des familles introduite par le Règlement National des Pompes Funèbres (décret du 9 mai 1995), ayant donné lieu à plusieurs arrêtés ministériels, dont le dernier en date du 25 octobre 2013 (arrêté du 25 octobre 2013 du ministre de l’Économie et des Finances, relatif au règlement des frais funéraires, NOR : EFIT1325177A), qui impose aux opérateurs funéraires de respecter des devis types.

La personne qui s’occupe des funérailles peut obtenir le prélèvement des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais des funérailles sur les comptes bancaires du défunt, dans la limite de 5 000 €. Cette somme a été fixée par l’arrêté du 25 octobre 2013 (JO du 10 décembre 2013). Le texte a été pris pour l’application de l’art. 72 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires (loi n° 2013-672, 26 juillet 2013, JO du 27 juillet 2013), devenu l’art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier. Celui-ci dispose que : "La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie."

Il est aussi prévu que ce montant sera revalorisé annuellement en fonction de l’indice Insee des prix à la consommation hors tabac. Pour accéder aux comptes du défunt, il suffit de présenter la facture des obsèques, le débit étant effectif dans la limite du solde créditeur. Ces dispositions s’inscrivent, également, dans l’application de l’art. 2101 du Code civil, puisque les frais funéraires constituent une créance privilégiée sur les biens meubles, venant en seconde position après les frais de justice. Ainsi, les frais d’obsèques sont analysés par le droit civil français comme des frais liés à la succession de la personne décédée.

Selon Damien Dutrieux, in "Les frais d’obsèques", JCP n° 1999, p. 1771 : "Seules les dépenses strictement nécessaires pour l’inhumation sont privilégiées et la détermination de ces dépenses implique la prise en compte de la position sociale et de la fortune apparente du défunt. Ainsi, à l’exception de ce qui est traditionnellement qualifié de dépenses somptuaires, la personne qui a, de sa propre initiative, pris en charge les obsèques d’un proche pourra en obtenir le remboursement en priorité par rapport aux autres créanciers du défunt grâce à ce privilège général sur les meubles."

Il existe, cependant, des cas d’exonération, notamment pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes (la loi du 8 janvier 1993 ne fait plus référence aux indigents), puisque, en vertu de l’art. L. 2223-27 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), modifié par la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l’art. L. 2223-19 n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend en charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques. Le maire fait procéder à la crémation du corps lorsque le défunt en a exprimé la volonté."

Ceci exposé, il y a lieu de s’interroger sur les obligations d’un opérateur funéraire habilité pour gérer les éléments du service extérieur des pompes funèbres, tels que définis à l’art. L. 2223-19 du CGCT, qui constituent une mission de service public par détermination de la loi du 8 janvier 1993. Au sein de ces obligations, figure, notamment, en cas de remise de l’original du certificat de décès (modèle conforme à l’arrêté du ministre de l’Intérieur en date du 24 décembre 1996), la déclaration de décès auprès de l’officier d’état civil de la commune du lieu de décès, dont il convient de rappeler que, selon le CGCT, il s’agit du maire et/ou d’un adjoint.

Ce sont, principalement, les articles 78 et 79 du Code civil qui énoncent ces obligations

Art. 78 : "L’acte de décès sera dressé par l’officier de l’état civil de la commune où le décès a eu lieu, sur la déclaration d’un parent du défunt ou sur celle d’une personne possédant sur son état civil les renseignements les plus exacts et les plus complets qu’il sera possible. Pour s’assurer de l’exactitude des informations déclarées, l’officier de l’état civil peut demander la vérification des données à caractère personnel du défunt auprès du dépositaire de l’acte de naissance ou, à défaut d’acte de naissance détenu en France, de l’acte de mariage."

L’art. 79 : "L’acte de décès énoncera :

1° Le jour, l’heure et le lieu de décès ;

2° Les prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile de la personne décédée ;

3° Les prénoms, noms, professions et domiciles de ses père et mère ;

4° Les prénoms et nom de l’autre époux, si la personne décédée était mariée, veuve ou divorcée ;

4° bis Les prénoms et nom de l’autre partenaire, si la personne décédée était liée par un pacte civil de solidarité ;

5° Les prénoms, nom, âge, profession et domicile du déclarant et, s’il y a lieu, son degré de parenté avec la personne décédée.

Le tout, autant qu’on pourra le savoir. Il sera fait mention du décès en marge de l’acte de naissance de la personne décédée."

L’art. 79-1, créé par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, JORF 9 janvier 1993, prescrit :

"Lorsqu’un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l’état civil, l’officier de l’état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès. À défaut du certificat médical prévu à l’alinéa précédent, l’officier de l’état civil établit un acte d’enfant sans vie. Cet acte est inscrit à sa date sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l’accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant. L’acte dressé ne préjuge pas de savoir si l’enfant a vécu ou non ; tout intéressé pourra saisir le tribunal de grande instance à l’effet de statuer sur la question."

Si l’on se réfère aux instructions générales sur l’état civil (Instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999, NOR : JUSX9903625J), le délai pour déclarer un décès auprès de l’officier de l’état civil compétent s’établit à vingt-quatre heures depuis le décès (décret du 15 avril 1919 (art. 8), relatif aux mesures de salubrité publique).

Toujours selon ces instructions : "Ce délai, imparti aux personnes chez qui le défunt est mort ainsi qu’à ses proches parents, est sanctionné par des peines contraventionnelles de première classe prévues aux articles L. 131-13 et R. 610-5 du Code pénal ; mais la déclaration de décès, même tardive, doit toujours être reçue et l’acte dressé, quel que soit le temps écoulé depuis le décès (art. 87 C. civil), dès lors qu’il peut encore être procédé à l’examen du corps".

L’acte de décès peut être dressé aussitôt la déclaration effectuée et sans attendre que le certificat médical de décès prévu à l’art. L. 2223-42 du CGCT ait été établi par un médecin. Cette manière de faire ne présente dans la pratique aucun inconvénient sérieux, dès lors que le certificat médical de décès doit être produit pour la délivrance de l’autorisation de fermeture de cercueil. Il va de soi que l’acte ne devrait pas être établi s’il résultait de la déclaration que le décès est seulement présumé, le corps n’ayant pas été retrouvé. Il est souhaitable que l’officier de l’état civil rassemble le plus grand nombre possible de renseignements pour éviter la rectification ultérieure de l’acte, et invite le déclarant à présenter des pièces d’identité concernant le défunt, telles que le livret de famille, l’acte de naissance et autres.

Dans le cadre du litige évoqué précédemment, opposant le maire et le préfet du département à l’opérateur funéraire habilité, un premier élément avait fait l’objet de divergences d’interprétation portant sur le délai légal pour que les obsèques d’une personne décédée soient organisées. Pour l’entreprise de pompes funèbres, ce délai était de dix jours. Pour le maire et le préfet, le délai était de six jours, non compris le dimanche et jour férié.

Pour le préfet, qui l’avait opportunément rappelé, en vertu de l’art. L. 2213-7 du CGCT : "Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance." Il s’ensuit que le maire ne pouvait raisonnablement organiser les obsèques du défunt tant que le certificat de décès ne lui avait pas été remis par l’opérateur funéraire, ce qui a conduit à une situation délicate dès lors qu’une fois informé, le maire avait exigé de l’opérateur l’organisation des obsèques sans délai, y compris la crémation du corps, puisqu’il était attesté que telle était la volonté du défunt.

Or, la position de l’entrepreneur divergeait de celle du préfet et du maire, car il était soutenu par lui qu’un délai de dix jours était octroyé à la famille du défunt pour organiser ses obsèques, ce qui explique que le certificat de décès ait été conservé aussi longtemps. Cette confusion reposait sur l’art. R. 1112.75 du Code de la santé publique issu du décret n° 2006-965 du 1er août 2006 relatif au décès des personnes hospitalisées et aux enfants pouvant être déclarés sans vie à l’état civil dans les établissements publics de santé octroyant, justement, un délai de dix jours à la famille pour réclamer le corps de la personne décédée en établissement de santé ; après ce délai de dix jours, c’est l’art. R. 1112-76-II qui impose à l’établissement de santé de financer les funérailles, disposition particulière qui ne trouvait pas à s’appliquer, puisque le décès était survenu au domicile du défunt.

Dès lors, un dimanche étant inclus dans les délais, c’est légitimement que le maire, puis le préfet, ont pu imposer l’organisation des obsèques à l’entrepreneur de pompes funèbres, sur le fondement de l’art. R. 2213-7 du CGCT.

Le deuxième point de divergence portait sur le financement des obsèques

Pour l’entrepreneur, le fait que la "commande" émanait du maire impliquait nécessairement que la commune devait en supporter les frais, mais il faisait reposer son argumentaire sur l’art. L. 2223-27 du CGCT, qui prescrit :

"Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes.

Lorsque la mission de service public définie à l’art. L. 2223-19 n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend en charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques. Le maire fait procéder à la crémation du corps lorsque le défunt en a exprimé la volonté"

Pour le maire, qui avait été informé de l’existence de membres de la famille du défunt qui s’étaient manifestés au travers de l’une de ses filles, la commune n’avait pas à supporter de dépenses, puisque les enfants sont tenus d’assumer cette charge en vertu de leur obligation familiale et alimentaire, telle qu’énoncée, précédemment, fondée sur les articles 205 et suivants du Code civil. Une instance a été engagée devant le juge administratif, car, pour l’heure, la responsabilité du paiement des frais d’obsèques n’a pu être réglée amiablement, le maire soutenant que ce litige ressortait du domaine privé (entre l’entrepreneur et la famille du défunt), et point d’une quelconque responsabilité communale.

Or, il sera objecté, sans parti prendre, que, même si un devis avait bien été communiqué à la fille du défunt, aucune commande n’avait été conclue, selon les termes du Règlement National des Pompes Funèbres, par l’établissement d’un bon de commande, et que, de ce fait, aucun engagement contractuel ne liait l’entreprise à cette famille. L’issue du procès administratif devrait nous apporter quelques enseignements intéressants.

Jean-Pierre Tricon

Résonance n°126 - Janvier 2017

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations