Une technique pour prévoir l’agrandissement ou la réalisation d’un cimetière : ls emplacements réservés.

 

Dupuis Philippe 2015
Philippe Dupuis.

L’urbanisme réglementaire peut être utilisé pour prévoir l’aménagement de cimetière ; le moyen privilégié sera l’utilisation d’un emplacement réservé.

La création de l’emplacement réservé

Créés à l’occasion de l’adoption ou de la révision d’un plan local d’urbanisme communal ou intercommunal, les emplacements réservés (art. L. 151-41 du Code de l’urbanisme) peuvent être utilisés pour prévoir à terme l’implantation ou l’extension d’un cimetière. Le bénéficiaire de l’emplacement réservé, quant à lui, peut renoncer à tout moment à l’emplacement ou en réduire l’emprise. La suppression va résulter de la mise en œuvre d’une procédure de modification, de modification simplifiée, ou de révision ou de révision simplifiée du plan local d’urbanisme.
À noter, enfin, qu’à l’occasion d’un recours contre un document d’urbanisme, il est possible de contester le maintien d’un emplacement réservé pendant une très longue période. Néanmoins, le Conseil d’État tolère le maintien pendant de nombreuses années d’emplacements. Ainsi, le maintien, par exemple, pendant seize années, d’un emplacement réservé ne pose pas de difficulté pour le juge administratif (CAA Versailles, 15 janvier 2009, n° 06VE000363, Études foncières n° 138, mars-avril 2009, chr. D. Dutrieux).

La mise en œuvre de l’emplacement réservé

L’existence d’un tel emplacement interdit au propriétaire de construire sur l’emplacement. Eu égard à ces restrictions dans l’utilisation de sa propriété, l’existence de l’emplacement réservé permet au propriétaire concerné d’adresser une mise en demeure d’acquérir l’immeuble – ou la partie de l’immeuble – concerné par l’emplacement (art. L. 230-1 à L. 230-6 du Code de l’urbanisme). Le bénéficiaire de l’emplacement et le propriétaire du terrain objet de la réserve disposent alors d’un délai d’un an pour trouver un accord. Passé ce délai, l’un et l’autre peuvent saisir le juge de l’expropriation, qui prononcera le transfert de propriété et fixera l’indemnité due au propriétaire.
Si aucune disposition légale n’a pour effet de rendre un bien situé en emplacement réservé inaliénable, l’acquéreur (qui doit être informé des conséquences de l’existence d’un emplacement réservé), étant évidemment exposé à se voir dépossédé de ce bien dans les mêmes conditions que l’était son vendeur, il y a peu de chances que le bien soit vendu sans que le droit de délaissement n’ait été mis en œuvre. Ainsi, il importe de préciser qu’en pratique, les terrains inclus dans un emplacement réservé ont, en quelque sorte, vocation à intégrer à plus ou moins long terme le patrimoine de la personne publique bénéficiaire de l’emplacement, éventuellement au moyen de la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique (mais il ne s’agit nullement d’une obligation pour le bénéficiaire de l’emplacement, qui peut renoncer au projet ayant justifié la création de l’emplacement).

Si le bénéficiaire décide d’acquérir, deux hypothèses doivent être distinguées :

- en cas d’accord amiable, le prix d’acquisition doit être payé au plus tard deux ans à compter de la réception en mairie de cette demande ;
- à défaut d’accord amiable à l’expiration du délai d’un an mentionné au premier alinéa, le juge de l’expropriation, saisi soit par le propriétaire, soit par la collectivité ou le service public qui a fait l’objet de la mise en demeure, prononce le transfert de propriété et fixe le prix de l’immeuble. Ce prix, y compris l’indemnité de réemploi, est fixé et payé comme en matière d’expropriation, sans qu’il soit tenu compte des dispositions qui ont justifié le droit de délaissement (le juge doit estimer le bien en application des dispositions de l’art. L. 230-3 du Code de l’urbanisme). Si le juge est saisi, le prix doit être payé un mois avant la prise de possession de l’immeuble, et donne droit au paiement d’intérêts moratoires faute de paiement dans un délai de trois mois à compter du jour où la décision est devenue définitive, en application des dispositions du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Lorsque l’emplacement ne concerne qu’une partie du bien, le propriétaire ne peut requérir l’emprise totale de son terrain que dans les cas prévus par le Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Il est en effet possible de rappeler que l’emprise totale ne peut être obtenue que dans les hypothèses limitatives suivantes :
- si la partie restante (non concernée par l’emplacement) n’est plus utilisable dans les conditions normales, si la parcelle de terrain nu se trouve réduite au quart de sa contenance totale (sauf si son propriétaire possède d’autres parcelles contiguës) et que la parcelle ainsi réduite est inférieure à 10 ares,
- si l’emprise partielle d’une parcelle empêche son exploitation normale (du fait de ses dimensions, configuration ou conditions d’accès), ou si est compromise la structure d’une exploitation agricole en lui occasionnant un grave déséquilibre.
Il importe de relever que, comme en matière d’expropriation, l’acte ou la décision portant transfert de propriété éteint par lui-même et à sa date tous droits réels ou personnels existant sur les immeubles cédés, même en l’absence de déclaration d’utilité publique antérieure. Les droits des créanciers inscrits sont reportés sur le prix.
Si le bénéficiaire renonce à l’acquisition, et que ni lui ni le propriétaire ne viennent saisir le juge de l’expropriation, il est nécessaire de noter que l’emplacement réservé demeure inscrit au plan local d’urbanisme jusqu’à la prochaine modification ou révision de ce dernier. Toutefois, les limitations au droit de construire et la réserve ne sont plus opposables si le juge de l’expropriation n’a pas été saisi trois mois après l’expiration du délai d’un an après la réception de la mise en demeure d’acquérir.

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT

Résonance n° 145 - Novembre 2018

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